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Interview de Marie-Luce Penchard au sujet de la Nouvelle-Calédonie : " craignez-vous une situation à la Polynésienne?"


"La Calédonie est encore loin de l’instabilité"

Interview de Marie-Luce Penchard au sujet de la Nouvelle-Calédonie : " craignez-vous une situation à la Polynésienne?"
Interview de Marie-Luce Penchard publiée le 26 février 2011 dans les Nouvelles Calédoniennes

Références
Nouvelle Calédonie


Vous vous rendez en Nouvelle-Calédonie pour le Forum Union Européenne-Pays et Territoires d’Outre-Mer. Pourquoi est-il si important ?

Ce forum est important car nous allons signer une position commune qui va déterminer la stratégie de l’Union Européenne à l’égard des PTOM, comme nous venons de le faire pour les régions ultrapériphériques (ndlr : DOM français). L’Europe revoit actuellement sa politique de cohésion territoriale. En juin, un débat se tiendra sur les perspectives budgétaires et financières. Il faut que les PTOM soient pris en compte au même titre que les régions ultrapériphériques.

Quelle est cette position commune ?
Un Fond Européen de Développement (FED) existe pour les pays ACP, Asie, Caraïbes, Pacifique et les PTOM. Il faut désormais un traitement particulier de nos PTOM, car nous ne souhaitons pas qu’ils continuent à être traités comme des pays étrangers. Les PTOM font partie de l’espace européen. Les conditions fixées pour l’attribution des aides sont parfois complexes. Il faut simplifier l’attribution de ces aides, dont l’enveloppe est d’environ 300 millions d’euros.
Il convient trouver un système comparable à celui des régions ultrapériphériques, même si les PTOM n’ont pas les mêmes contraintes communautaires.
La commission européenne va utiliser cette position commune pour déterminer sa stratégie envers les PTOM et pour les moyens financiers à mobiliser, en juillet 2010.

N’est ce pas compliqué de se rapprocher des DOM, vis à vis de l’Union européenne, alors que les PTOM ont une autonomie fiscale ?
Bien évidemment l’enveloppe en direction de ces régions est moins importante car elles n’ont pas les mêmes contraintes européennes que les régions ultrapériphériques. Le problème aujourd’hui porte sur la capacité à mobiliser ces fonds. Dans le passé, il y a eu des retards importants dans l’utilisation du FED parce que les critères demandés sont pensés pour les pays ACP. Je demande simplement que l’effort de l’Europe soit identique dans les modalités d’intervention.

Que vous inspire la situation politique en Nouvelle-Calédonie ?
Je prends acte de la décision de l’Union calédonienne, maintenant nous allons voir, dans les prochains jours, quelle sera la composition du gouvernement. Une partie des forces politiques de Nouvelle-Calédonie a exprimé sa volonté de changement. Pour autant, nous ne sommes pas dans une crise institutionnelle. Pour preuve il y a déjà eu un précédent (ndlr : en novembre 2002, l’UC avait fait tomber le gouvernement présidé par Pierre Frogier).

Vous prenez acte, mais regrettez-vous cette démission ?
Je n’ai pas à juger cette situation. Il faut toutefois avoir à l’esprit que les équilibres politiques sont fragiles. La stabilité politique, c’est l’une des forces de la Nouvelle-Calédonie, je souhaite que les calédoniens puissent continuer à en bénéficier. Je l’ai dit et le redit avec force : ma priorité, c’est que l’Accord de Nouméa soit respecté.

Le prétexte, c’est les drapeaux. Ne regrettez-vous pas de ne pas avoir pris la circulaire ?
Il est important de rappeler que les deux drapeaux tricolore et kanak sont une volonté des signataires, confirmée par un vote du congrès. Cette décision participe au rapprochement des communautés. On n’est pas là sur une question de droit, de circulaire. Le président de la République a rappelé qu’il vaut mieux, à un moment donné, tendre la main. C’est un geste de reconnaissance de deux légitimités, c’est un geste de paix. Ce n’est pas le drapeau commun au sens de l’Accord, mais bien une solution d’attente sur le chemin du destin commun de la Nouvelle-Calédonie.

Mais pourquoi cette circulaire n’a-t-elle finalement pas été prise ?
Cette circulaire devait organiser le déploiement des deux drapeaux sur les bâtiments publics. Le premier ministre est venu lui-même faire ce geste symbolique très fort de lever des drapeaux. C’est beaucoup plus fort que tous les écrits. De plus, sous l’impulsion du haut-commissaire, le déploiement s’est bien passé. Cette procédure n’était donc pas indispensable.

Sauf sur quatre communes…
La circulaire n’a pas force de loi, elle aurait emporté des obligations que pour les services de l’Etat. Les drapeaux sont un symbole de partage. Cette décision de hisser deux drapeaux n’a pas été imposée par l’Etat. Je rappelle que c’est une volonté de partage et de reconnaissance de deux légitimités très fortes en Nouvelle-Calédonie.

Philippe Gomès menace de faire en sorte de pousser à de nouvelles élections en faisant démissionner systématiquement les membres de Calédonie ensemble du gouvernement. Est-ce envisageable ?
Ces décisions ne se prennent pas à la légère. Pour le moment, je constate que le congrès et les institutions de la Nouvelle-Calédonie fonctionnent. Celles-ci n’ont pas été conçues pour faire des majorités de travail, mais pour permettre la représentation de chacune des sensibilités politiques. Le mode de fonctionnement exige une collégialité et des consensus. Il faut avoir l’organisation et l’esprit de ces institutions à l’esprit. Pour le reste, c’est un peu prématuré, nous verrons bien comment la situation évolue dans les prochaines semaines.

Un gouvernement peut-il n’exister que pour expédier les affaires courantes ?
Le Congrès et les Assemblées de Provinces continueraient à fonctionner normalement. Peut-on dire, dans ce contexte, que les institutions de la Nouvelle-Calédonie seraient bloquées ? Je n’en sais rien à ce stade, la situation serait inédite. Il faut apprécier les choses au moment où elles se présenteront, notamment sur les lois du pays.

Il existe de profondes divergences au sein des deux blocs, indépendantistes et loyalistes. Est-il possible d’aller jusqu’en 2014 comme ça ?
Depuis l’Accord de Nouméa des ententes ont permis d’avancer. L’essentiel c’est que ces sensibilités politiques fassent consensus sur l’essentiel, c’est-à-dire le respect de l’Accord de Nouméa. Nous attendons que toutes les forces politiques y participent et qu’on ne perde jamais de vue les fondamentaux de l’Accord. Tous ceux qui participeront à créer durablement de l’instabilité devront, à un moment donné, en rendre compte devant les Calédoniens. Encore une fois, nous verrons comment évolue la situation dans les prochaines semaines, pour l’instant les institutions fonctionnent normalement.

Craignez-vous une situation à la Polynésienne ?
Il ne faut pas comparer les deux territoires. Ils n’ont pas la même histoire, les mêmes institutions, le même rapport avec la métropole. Il faut simplement être vigilant. La Nouvelle-Calédonie n’est pas à l’abri d’une instabilité politique, mais nous en sommes loin.

Pierre Frogier demande à l’Etat une aide pour aménager les squats. Quel montant va-t-il apporter ?
J’ai bien conscience des difficultés de la province sud. Sur le principe, je suis d’accord pour lui apporter un soutien au regard notamment des besoins de l’agglomération de Nouméa en matière de logement et pour maintenir la cohésion sociale. Nous travaillons pour voir dans quelle mesure nous pourrions accompagner les difficultés de la province, plus particulièrement sur la problématique des squats.

Le comité des signataires aura-t-il lieu en mai ?
Nous espérons en réunir un dans des délais raisonnables. La date n’est pas encore fixée. Je la rendrai publique, en accord avec le Premier ministre, après avoir échangé avec le haut-commissaire, les élus et les signataires.

Rédigé par outre-mer-gov.fr le Dimanche 27 Février 2011 à 07:36 | Lu 1623 fois