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Il y a 65 ans, un Tahitien dans l’enfer de Dien Bien Phu


PAPEETE, 7 mai 2019 - Il y a 65 ans, le 7 mai 1954 à 17 heures 30 après 57 jours et nuits de combat ininterrompus, le camp retranché de Dien Bien Phu capitulait. Au nombre des soldats français engagés, un Tahitien d’adoption : Roland Mulatier.

Le 20 novembre 1953, l’opération Castor voit l’investissement de la cuvette de Dien Bien Phu par les troupes aéroportées françaises pour y établir une base aéroterrestre. Dans les rangs du 8e BPC, le Tahitien d’adoption Roland Mulatier.

La cuvette de Dien Bien Phu est située à une altitude moyenne de quatre cents mètres en plein pays thaï dans la province de Lai Chau, dans le Haut Tonkin qui frange les frontières chinoise et laotienne. 

Le 1er décembre 1954, la nouvelle base aéroportée de Dien Bien Phu compte une piste d’aviation longue de 1000 mètres. Le camp retranché est défendu par plusieurs points d’appui (PA) qui sont tous baptisés de prénoms féminins.

Le matin du 7 mai 1954, les positions Éliane 10, Éliane 4 et Éliane 3 sont tombées aux mains du Viêt-minh. La veille, 6 mai 1954, une charge de deux tonnes de TNT, placée dans une sape creusée sous la colline a provoqué l’explosion d’Éliane 2. Le largage de la 1e compagnie, prévu dans la nuit du 6, est alors annulé. 

Des volontaires sont demandés à Hanoï comme dans toute l’Indochine pour sauter sur Dien Bien Phu. De nombreux volontaires répondent présents pour l’honneur ou pour les copains, alors qu’ils savent que c’est foutu. Certains n’ont jamais sauté en parachute. C’est l’aller sans le retour. Le Tahitien André Castellani s’est aussi porté volontaire pour Dien Bien Phu en contrepartie de l’obtention d’un grade supérieur. André Castellani : "On devait décoller de Saigon pour rejoindre directement Hanoi. Mon départ a été annulé." 

Bernard Baudry s’est porté volontaire comme bien d’autres pour Dien Bien Phu. Un trois galons lui a alors retourné sa feuille d’engagement volontaire avec ces mots : "(…) Dien Bien Phu, ce n’est pas pour vous. C’est la fin ! Vous êtes trop jeune pour mourir."
 
750 volontaires de tous grades, de toutes armes ont sauté dans la nuit, en pleine bataille sans être brevetés. Sur le parking, un moniteur a vérifié le harnachement du volontaire d’un saut. Deux parachutes : le premier s’ouvre tout seul. Passé trois secondes, si ce premier parachute ne s’ouvre pas, on actionne la poignée du second. Illusoire, car l’altitude de largage de 150 mètres ne laisse que peu de répit avant le sol. Les lueurs des armes annoncent la cuvette. Le volontaire d’un saut s’élance dans le vide. Son parachute s’est ouvert, il descend. Un choc, le sol dans le fracas des détonations. 91 hommes ont sauté dans la nuit du 5 mai. 

Le radio tahitien John Bourne du Groupe de transport GT II/63 Sénégal va participer à plusieurs de ces opérations aériennes de parachutage en ravitaillement et en hommes sur Dien Bien Phu. Huguette 4 est tombée dans la nuit du 4 mai. 
Le dernier bataillon parachutiste à sauter sur Dien Bien Phu est le 1er BPC. La 2e compagnie saute dans la nuit du 2 au 3 mai, la 3e compagnie dans la nuit du 3 mai et une partie de la 4e compagnie dans la nuit du 4. 
Dans la nuit du 2 mai, Dominique 3 et Huguette 5 sont tombée submergées par le nombre. 

Le 1er mai, après une préparation d’artillerie de plus de trois heures, les divisions 312 et 316 se sont ruées sur la face est du camp retranché alors que la 308 se charge de la face ouest. Éliane 1 tenu par le II/1er RCP, tombe. Peu sont ceux qui s’en échappent. 
Roland Mulatier, du 8e BCP raconte la fin de Dien Bien Phu : "(…) Nous avons reçu l’ordre du colonel Bigeard, ordre de Hanoi de cesser le feu à 17 h 30. Ne tirez plus, pas de drapeau blanc, nous a-t-on ordonné. On a détruit nos armements, nos munitions. Comme convenu, il n’y avait aucun drapeau blanc, aucune main levée. Nous ne nous sommes pas rendus. Nous avons cessé le feu. Les Viêts sont arrivés. Ils nous ont poussés par paquets pour nous réunir par paquets. C’était terrible, nous pleurions tous. Nous n’avions pas du tout peur pour la suite. On n’y pensait pas. Pour nous la guerre était terminée et c’était déjà assez pour nous de nous effondrer."
 
Pour Roland Mulatier va commencer une nouvelle épreuve, celle de l’enfer concentrationnaire viêt-minh dont il sera l’un des 3.290 survivants sur les 10 863 hommes faits prisonniers à Dien Bien Phu.

Extrait du livre Le Tahitiens dans les guerres d’Indochine et de Corée (Jean-Christophe Shigetomi – 2019). Ouvrage illustré de 374 pages. Disponible dans les librairies de Tahiti ou directement auprès de l’auteur : [email protected]

Rédigé par TI le Mardi 7 Mai 2019 à 02:00 | Lu 2705 fois