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Heimanaterai, l’artisan du rêve culinaire à Moorea


Moorea, le 26 octobre 2025 - Sur l’île de Moorea, un couple incarne l’audace, la résilience et la passion du Fenua : Heimanaterai Patiahia Sansine, chef cuisinier, et son épouse Timeri, cofondatrice et complice de chaque étape. Ensemble, ils ont bâti Ke’iki, un restaurant qui célèbre les saveurs locales avec finesse et générosité. De la roulotte aux plats gastronomiques, leur parcours est une ode à la persévérance, à l’amour du métier et aux racines polynésiennes. Rencontre avec un duo qui a osé rêver grand et qui inspire par sa sincérité autant que par sa cuisine. 

 

 

Heimanaterai, peux-tu nous dire ton parcours professionnel ? 

“J’ai commencé tout jeune à l’hôtel Kaveka, en tant qu’apprenti polyvalent. C’était une école de rigueur et de passion : j’y ai appris à jongler entre les postes, du froid au chaud, en passant par la pâtisserie. Ensuite, j’ai eu la chance de travailler dans de belles maisons à Moorea : le Sofitel, le Sheraton [devenu Hilton], le Caprice des Îles, le Bali Hai, le Pearl Beach, puis à Tahiti, dans des lieux emblématiques comme le Radisson, Le Lotus, La Casa Bianca, le Pink Coconut, le Mana Rock, le RT, le Manava Tahiti et le Dolce & Rétro. J’ai aussi exercé à Bora Bora, à l’hôtel Maitai. Deux expériences m’ont particulièrement marqué : ma formation auprès du Chef Philippe Girard, et celle au Brando, qui m’a ouvert à une autre dimension de la gastronomie. Je suis fier d’être un enfant du Fenua devenu chef grâce à ceux qui ont cru en moi, m’ont tendu la main et m’ont transmis leur savoir.” 

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous installer à Moorea, avec Timeri, et à tenter cette nouvelle aventure ? 

“Le Covid a été un déclic. Il m’a rappelé l’essentiel : mes racines, mon île, ma famille. En novembre 2020, on est revenus à Moorea avec l’envie de recommencer autrement. Un terrain s’est présenté, comme une évidence. Trois mois plus tard, Ke’iki voyait le jour sous forme de roulotte. C’était simple, brut, mais porteur d’une énergie folle.” 

À quel moment avez-vous décidé de passer à l’étape supérieure et d’ouvrir le restaurant ? 

“C’est la clientèle qui nous a poussés à rêver plus grand. Les plats, les accords mets-vins, l’ambiance… tout appelait à une expérience plus complète, plus raffinée. Le lieu lui-même semblait vouloir évoluer. Et moi, j’ai toujours eu cette envie d’aller plus loin, de repousser les limites. Alors on a sauté le pas.” 

Quelles ont été les principales difficultés pour concrétiser ce projet ? 

“Il y en a eu beaucoup. Le permis de construire a mis un an et demi à arriver. Trouver des entrepreneurs fiables, gérer les démarches à Tahiti, absorber les coûts imprévus… tout cela a rallongé la fermeture de 8 à 15 mois. Pendant ce temps, je n’avais aucun revenu. Seule ma compagne travaillait, et nos parents nous ont soutenus sans relâche. Oui, il y a eu des doutes. Des nuits blanches. Des échecs. Mais on a tenu bon. Ensemble. Parce qu’on croyait en ce projet, en sa force, en sa vérité.” 

Vous travaillez en famille, est-ce pour vous une forme de consécration ? 

“C’est une immense richesse. Travailler avec ceux qu’on aime, c’est partager plus qu’un métier : c’est partager une vision, des valeurs, une passion. On se comprend sans mots ; on avance ensemble. Mais c’est aussi un défi. Il faut savoir poser des limites, préserver l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les émotions sont là, parfois intenses. Mais au fond, c’est une aventure humaine, avant d’être une entreprise.” 

Parle-nous de ta cuisine et de ce que tu proposes au Ke’iki. 

“Ma cuisine est vivante. Elle suit les saisons, les produits du Fenua, les inspirations du moment. Elle est française dans sa technique, polynésienne dans son âme. Chaque plat raconte une histoire : celle d’un terroir, d’un souvenir, d’une envie. Je cherche l’équilibre entre fraîcheur, authenticité et gourmandise. Et pour la suite, je veux continuer à explorer, à surprendre, à faire vibrer les papilles.” 

Quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui rêvent d’ouvrir un restaurant ou de se lancer dans un projet similaire ? 

“Rêvez fort. Osez. Travaillez dur. Et surtout, ne lâchez rien. Même quand tout semble bloqué, il y a toujours une lumière quelque part. Entourez-vous de gens vrais, passionnés, bienveillants. C’est ensemble qu’on construit les plus belles choses. Tout est possible à qui ose, rêve, travaille et n’abandonne jamais.” 

Qu’est-ce qui vous rend le plus fier aujourd’hui ? 

“Quand je repense à nos débuts, tout a commencé avec presque rien, une simple roulotte, beaucoup d’envie, de travail et encore plus de passion. Nous n’avions pas de grands moyens, juste une idée, une vision, et la conviction profonde que tout était possible avec de la persévérance et nos parents qui ont cru en nous. Chaque jour, nous avons avancé pas à pas, affrontant les obstacles, les doutes et les retards… mais sans jamais renoncer. Cette détermination, nourrie par notre complicité et notre amour du métier, nous a menés là où nous sommes aujourd’hui : un véritable restaurant, né d’un rêve simple et sincère. Voir ce que nous avons bâti de nos mains, sentir la vie et l’énergie dans ce lieu, c’est une immense fierté. Ce projet, c’est le nôtre, le fruit de notre travail, de notre passion commune, et de notre attachement profond à Moorea. Aujourd’hui, Ke’iki est bien plus qu’un lieu, c’est une histoire d’audace, de passion partagée et de racines polynésiennes. C’est le symbole qu’avec peu, mais avec foi et détermination, on peut aller loin. Très loin.” 


Rédigé par Philippe Collignon le Dimanche 26 Octobre 2025 à 15:07 | Lu 5128 fois