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Flora Devatine, ses poèmes honorés à l’Académie française


PAPEETE, le 23 juillet 2017 - Le 22 juin dernier, Flora Devatine recevait un courrier de l’Académie française lui annonçant que son recueil de poésie Au Vent de la piroguière – Tifaifai emportait le prix Heredia. Le lendemain elle était nommée à la direction de l’académie tahitienne – Fare Vana’a. Rencontre avec la femme de lettres qui donne un coup de frein à sa vie d’auteure.

"C’était complètement inattendu", assure Flora Devatine à propos du prix Heredia qui a récompensé son recueil de poèmes Au Vent de la piroguière – Tifaifai paru aux éditions Bruno Doucet en 2016. "J’ai reçu le courrier vraiment sans l’avoir imaginé. J’ai une écriture qui n’est vraiment pas classique. Je suis libre par rapport à la poésie, à la langue pour ne pas dire aux langues."

Elle insiste par ailleurs sur la confidentialité des auteurs polynésiens, ce qui ajoute à la surprise. "Les auteurs réunionnais ou antillais sont bien connus en métropole, nous ne le sommes pas." Elle conclue par un "je suis heureuse. Cela signifie la reconnaissance d’une littérature".

Il se trouve qu’à quelques heures d’intervalle, un autre événement a marqué le quotidien de l’auteure. Elle a été nommée directrice de l’académie tahitienne. "Je n’étais pas vraiment candidate", glisse-t-elle. "Quand on m’a approchée à ce propos à la première fois j’ai refusé le poste, j’étais trop occupée par mes activités artistiques, littéraires, poétiques."

Mais après réflexion, Flora Devatine a accepté le défi. "Sur les vingt membres que compte l’académie tahitienne, nous ne sommes plus que cinq anciens, cinq à être là depuis le début ou presque. Nous avons à rappeler, transmettre et revenir au rôle premier de l’académie."

Créée en 1972, l’académie tahitienne a vu le jour pour assurer une mission d’institution culturelle, pour conserver et promouvoir la langue tahitienne. Des objectifs oubliés au fil du temps. À peine installée dans son nouveau bureau, Flora Devatine a coordonné l’appel du pied fait au gouvernement. "Nous avons adressé un courrier au ministre de la Culture ainsi qu’au président du Pays pour leur demander que l’académie tahitienne se positionne en tant qu’institution culturelle et non plus en simple association. Nous souhaitons aussi que le tahitien devienne une langue officielle en Polynésie."

Heremoana Maamaatuaiahutapu et Édouard Fritch ont pris acte de la requête. "Il faut à présent passer aux textes", indique Flora Devatine.

Première dame


La poète polynésienne est la première femme à présider le fare Vana’a. Une nouvelle "première" dans la vie de l’auteure. Sur le territoire, elle a compté parmi les premiers élèves de la première classe de seconde, a fait partie des premiers à recevoir une bourse pour partir en France étudier, a été la 1ère professeure d’espagnole ou bien encore la 1ère directrice de la revue Littérama’ohi.

Originaire du Fenua Aihere à la presqu’île, née en 1942, Flora Devatine est une aventurière, amoureuse de sa langue en général et des mots en particulier, assoiffée de savoirs, de nouveaux horizons géographiques, culturels... "Quant tu es née au Fenua Aihere, tu sais qu’il faut être inventif, tu sais aussi qu’il faut faire corps avec la nature, qu’il faut avancer. C’est ça la vie, avancer." Elle a étudié en France, visité l’Espagne à plusieurs reprises, enseigné à Niamey, au Niger.

Elle a été inscrite au lycée Gauguin, a suivi une seconde puis une première avant de se lancer dans le monde du travail. Au lycée, elle a goûté et aimé l’espagnol. "Je dois ça à mon professeur de l’époque, monsieur Prouet. Un homme qui aimait sa discipline et ses élèves. Pour preuve, sur les dernières copies qu’il a corrigées il a mis à chacun un petit mot personnalisé. Je me rappelle avoir lu cette phrase que j’ai prise à cœur ouvert : Aie confiance en toi !"

En parallèle, Flora Devatine prenait des cours du soir pour pouvoir passer la première partie de l’examen du baccalauréat de philosophie. Surveillante dans un internat de jeune fille pour pouvoir se loger en ville, elle décida à cette période d’aller voir ailleurs. "On était au début des années 1970, l’aéroport de Tahiti venait d’être construit, j’ai postulé dans une compagnie aérienne pour être hôtesse de l’air. J’ai été prise, c’était ma voie de sortie."

Une personne de son entourage l’a remise sur le chemin du lycée qu’elle a terminé à Montpellier, grâce à une bourse du conseil supérieur des églises tahitiennes et direction de l’enseignement. Elle a obtenu son baccalauréat puis a suivi des études d’espagnol. De retour en Polynésie, elle a enseigné cette langue au collège Pomare IV de 1968 à 1997.

Elle écrit depuis toujours, ou presque. "Peut-être pas forcément sur un papier, mais au moins dans ma tête. J’observe beaucoup ce qui se passe autour de moi. J’ai fait des tentatives d’écriture de poème vers 14/15 ans, quand j’étais jeune fille." Lors de ses années étudiantes à Montpellier - elle y est restée sept années avec une seule pause polynésienne de quelques semaines au bout de quatre ans – elle a entretenu une relation épistolaire avec sa mère.

"Elle m’a demandé de lui écrire en tahitien, et seulement en tahitien. Une langue que l’on parlait mais que l’on n’écrivait pas à l’époque, ni moi, ni personne. On ne connaissait que la bible et il a fallu que je me rappelle ce que je lisais dans ce livre pour exprimer ce que je ressentais à ma mère." Cette relation a enraciné le tahitien dans le cœur et la chair de l’auteur pour toujours.

Poésie : 23 ans de lumière à l’Académie française

Prix annuel constitué, en 1994, par regroupement des Fondations de Heredia, Pascal Forthuny, Émile Hinzelin, Kastner-Boursault et Le Fèvre-Deumier.
Destiné à des auteurs de sonnets, ou d’un recueil de prosodie classique.
Source : site internet de l’Académie française



Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 23 Juillet 2017 à 12:53 | Lu 3753 fois