Tahiti Infos

Fin de vie : opposition politique, adhésion citoyenne


crédit photo Patrick Hertzog
crédit photo Patrick Hertzog
Tahiti, le 5 août 2025 – Les élus du Tavini et du Tapura de la commission santé de l'assemblée ont voté en faveur de la résolution déposée par le groupe majoritaire pour s'opposer à l'extension des deux textes nationaux sur l'égal accès aux soins palliatifs et l'aide à mourir. Le Cesec, qui doit se prononcer en séance plénière ce jeudi, semble lui aussi se diriger vers un avis défavorable tandis que, paradoxalement, la consultation citoyenne lancée en juin dernier par l'institution a déjà recueilli 82 % d'opinion favorable pour que ces textes soient étendus à la Polynésie. 

 
Le sujet a déjà fait couler beaucoup d'encre et anime les débats depuis que le gouvernement central a décidé, par voie d'ordonnance, d'étendre à la Polynésie deux propositions de loi : la première concernant un égal accès aux soins palliatifs et la seconde créant une aide à mourir. Deux textes qui ont déjà été adoptés par l'Assemblée nationale et qui doivent maintenant être examinés par le Sénat en septembre prochain. L'assemblée de Tarahoi sera de son côté saisie pour avis avant ce passage au Palais du Luxembourg. Mais le sujet est particulièrement sensible au Fenua.
 
C'est pourquoi le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) a décidé de lancer, en juin dernier, une consultation citoyenne en ligne sur la fin de vie, pour “nourrir le regard de l'institution”, dans le cadre de ses travaux relatifs à ces deux propositions de loi nationales. Ils ont à ce titre reçu les parlementaires, les confessions religieuses – à l'exception de l'Église protestante qui n'était pas disponible –, mais aussi des soignants, des médecins en soins palliatifs de l'hôpital et du privé, ainsi que deux élues de l'assemblée : Patricia Jennings, qui préside la commission santé, et Teremuura Kohumoetini-Rurua, qui est à l'initiative d'une proposition de résolution visant à s'opposer à l'extension automatique de ces dispositifs en Polynésie.
 
“Un nouveau fonds de commerce politique”
 
Ce lundi, cette proposition de résolution a été votée par les élus du groupe Tavini et du groupe Tapura. Seule la représentante Ahip, Teave Chaumette, a voté contre. “J'ai demandé qu'on attende l'avis du Cesec et le retour de la consultation citoyenne, mais ils ont refusé. Ils n'ont même pas lu les deux textes nationaux. Pourquoi faire une résolution puisqu'on nous donne le choix ? Ce n'est pas une obligation. Et puis ils ne veulent pas de débat. C'est une mascarade”, nous a-t-elle confié, se sentant la “seule Alien” dans cette commission.
 
Hinamoeura Morgant-Cross, qui n'en est pas membre, a assisté aux débats mais n'a pas pu voter. Dans un long post sur les réseaux sociaux, elle s'est elle aussi agacée, estimant que ce texte est “idéologique, pas ouvert au débat, et porté par des personnes qui ne maîtrisent pas leur sujet ou qui n'ont pas le courage d'assumer leur position”. Elle pointe aussi du doigt l'instrumentalisation de ce débat sur l'aide à mourir comme “un nouveau fonds de commerce politique”.
 
Une chose est sûre, une résolution n'ayant déjà aucune portée législative, elle aura encore moins de poids si elle n'est pas votée à l'unanimité des 57 élus de l'assemblée, ce qui paraît mal engagé, compte tenu des divergences d'opinion au sein même des groupes politiques.
 
La sédation profonde plutôt que l'aide à mourir
 
Ce mardi, c'était au tour des membres de la commission santé du Cesec de plancher pour proposer l'avis qui sera débattu en séance plénière ce jeudi concernant ces deux textes nationaux, la résolution ayant été déposée après. Et c'est vers un avis défavorable que semble pencher cette commission, alors que dans le même temps, la consultation citoyenne lancée par le Cesec en juin dernier – et qui doit se terminer ce jeudi – va dans le sens inverse.
 
En effet, selon nos informations, sur les plus de 750 personnes qui y ont répondu jusqu'à présent, 82 % sont en faveur de l'extension de ces deux dispositifs. D'où le paradoxe avec l'avis proposé par les conseillers du Cesec qui représentent pourtant la société civile. Patrick Galenon – et il n'est pas le seul – y est farouchement opposé, expliquant notamment que seulement “48 %” de la population en France bénéficie des soins palliatifs, “alors ici, vous imaginez ? 20 % 15 % ?”, dit-il. “Bien sûr que c'est un droit. Après, qu'on nous aide à mourir, c'est plus difficile (...) Les hôpitaux n'existent pas partout, il faut des spécialistes”, ajoute-t-il s'inquiétant du manque de moyens accompagnant ces lois.
 
Résultat, et faisant le parallèle avec la loi Morin, “c'est la CPS qui va continuer à payer”. Pour lui et d'autres conseillers du Cesec, l'aide à mourir n'est pas nécessaire puisque depuis 2016, la sédation profonde et continue jusqu'au décès est applicable en Polynésie. Cela consiste à endormir profondément une personne atteinte d'une maladie grave et incurable pour soulager sa souffrance. “Si on poursuit les soins palliatifs jusqu'à la sédation, c'est une forme d'aide à mourir, et je pense que c'est la meilleure solution”, explique ainsi Patrick Galenon. Alors qu'à l'inverse, l'intention et la procédure sont différentes avec l'aide à mourir qui consiste à utiliser un médicament à dose létale pour provoquer la mort immédiate du patient qui souhaite y recourir.
 
Les débats risquent d'être houleux ce jeudi au Cesec où l'avis proposé est “encore susceptible d'évoluer”, nous a confié un autre représentant de l'institution.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 5 Août 2025 à 19:00 | Lu 3872 fois