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Face à l'"infobésité", une nouvelle génération de sites internet tente le pari du long-format


Paris, France | AFP | vendredi 24/07/2015 - Ils s'appellent Spicee, Les Jours ou encore L'Imprévu et incarnent une nouvelle génération de sites internet d'information qui ont décidé de tenter le pari du "long format", avec un modèle économique fondé sur l'abonnement et sans publicité, malgré déjà pléthore d'acteurs sur cette niche naissante.

"On assiste à un printemps des médias!", s'exclame à l'AFP Isabelle Roberts, l'une des co-fondatrice de Les Jours et ancienne journaliste-star de Libération, sous l'oeil approbateur de son binôme de toujours Raphaël Garrigos.

Tous partagent un sentiment paradoxal d'appauvrissement de l'offre d'information sur le web alors qu'elle n'a jamais été aussi abondante avec les réseaux sociaux ou les sites de médias traditionnels, et voit même dans cette "infobésité" une opportunité pour reprendre le tempo de l'information.

"On avait envie de prendre du recul sur l'information, un besoin indispensable et largement nécessaire aujourd'hui. Et pour mieux prendre du recul, il faut faire plus de fond et moins de surface mais on ne trouvait pas cela ailleurs", explique à l'AFP Claire Berthelemy, co-fondatrice de L'Imprévu dont la sortie est prévue "à la fin de l'année 2015".

Fondée par des d'anciens d'Owni (site web disparu depuis 2012), l'équipe de L'imprévu a décidé d'investir plus de 21.000 euros sur ses fonds personnels pour lancer leur site. Tout comme les fondateurs de Les Jours, composés pour la plupart d'anciens de Libération, ont profité du rachat en 2014 du quotidien par le groupe Altice pour créer leur propre média.

"Grâce à ces plans sociaux ou à ces clauses de cessions généreuses, les journalistes ont trouvé des financements pour monter de nouveaux projets. De manière ironique, c'est Patrick Drahi, le patron d'Altice, qui permet le lancement de Les Jours par exemple", explique à l'AFP Julia Cagé, professeur à SciencesPo Paris et spécialiste de l'économie des médias.
- "Un ou deux gagnants" -



Pour s'affranchir de la publicité qui "pousse à la recherche du buzz" et rompre avec des "articles à clics pour avoir un bon référencement sur Google", ces nouveaux acteurs misent tous sur un modèle économique fondé sur l'abonnement -- voire certains comme Les Jours sur le financement participatif ("crowdfunding") -- seul gage d'indépendance et d'offre de qualité à leurs yeux.

"Mediapart a montré la voie! Par la qualité de ses papiers et de ses enquêtes, il a réussi à attirer plus de 100.000 abonnés. On veut faire la même chose mais sur le créneau de la vidéo premium et des reportages internationaux de qualité", explique à l'AFP Antoine Robin, co-fondateur de Spicee, qui espère depuis le lancement en juin dernier atteindre son objectif de "25.000 abonnés d'ici trois ans" pour être rentable, à huit euros l'abonnement annuel.

La demande existe, mais la niche du "long cours" sur le net commence toutefois déjà à être saturé avec le Quatre Heure, Vice, Ijsberg, Ulyces, Vrbatim...

Tous ces nouveaux acteurs à l'équilibre économique encore fragile "ne pourront pas survivre", selon Julia Cagé, hormis "ceux qui réussiront à créer une identité forte et marquée".

"Si les gens se comportent sur le web comme sur le papier, on va se retrouver avec un ou deux gagnants quand les autres vont disparaitre à plus ou moins court terme, estime-t-elle. Si un particulier veut s'informer avec un budget limité, il sera même poussé à choisir un abonnement sur un média généraliste".

Pis, la menace des grands groupes se fait aussi pressante. Attentifs à cette demande croissante de "long-format" et conscients de la nécessité d'améliorer leur offre web pour justifier des abonnements payants, les médias dits traditionnels comptent eux aussi se lancer sur ce créneau.

Le Figaro a en effet lancé en juin son application "Grand Formats" qui propose chaque trimestre un magazine numérique enrichi (photos, vidéos, sons, infographies ) autour d'un grand thème d'actualité. Quand d'autres grands groupes ont déjà mis en place leur plateforme de reportage multimédias comme L'Equipe avec "L'Explore".

"Avec une force de frappe beaucoup plus importante, Le Monde et le Figaro partent avec un avantage extrêmement fort s'ils parviennent à proposer une offre similaire avant que ces nouveaux médias ne s'installent", craint Julia Cagé.

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Rédigé par () le Samedi 25 Juillet 2015 à 10:53 | Lu 569 fois