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Exportations : Comment résistent nos produits


Tahiti, le 11 juin 2020 – Les exportations de produits locaux rapportent en moyenne une quinzaine de milliards de Fcfp par an au fenua. La perle, la pêche ou encore les produits locaux issus de la filière agricole comme la vanille ou le noni ont subi différemment le ralentissement des échanges internationaux dû à la crise. Les derniers chiffres de l'export dans ces filières, mis en ligne par l'ISPF, font état d'un tableau très contrasté.  Si la perle plonge, le coprah s'en sort mieux.

Si le tourisme est le pilier économique de la Polynésie et représente environ 65 milliards de Fcfp pour l'économie polynésienne, l'exportation de produits locaux participe également, mais à un niveau certes inférieur, au développement économique. En 2019, le fenua exportait pour 14,2 milliards de Fcfp de produits représentant un volume de 29 000 tonnes. Si les volumes des exportations sont sensiblement en hausse depuis 2016, leur valeur est en baisse depuis cette date où elle a atteint un niveau record de 18,8 milliards de Fcfp. Une diminution lente, principalement due à l'évolution défavorable sur le marché de la perle. La perle et les produits perliers, justement, qui sont les produits qui rapportent le plus de recettes à l'export, sont aussi aujourd'hui les principales victimes de la crise liée au coronavirus. Alors que d'autres productions locales, comme l'huile de coprah et le noni ont mieux résisté aux conséquences économiques de l'épidémie.
 
La perle, des chiffres pour les maux
 
Les professionnels du secteur de la perle ont déjà manifesté leur désarroi quant aux conséquences de la crise sur les différentes activités de la perliculture. La production et la commercialisation de perles brutes ou de produits perliers étaient déjà sur la pente descendante depuis plusieurs années. La loi du Pays de juillet 2017 réglementant les activités liées à la perle et à la nacre devait aider le secteur à redresser la barre, mais le nouveau cadre réglementaire n'a pas réussi à infléchir la courbe. La pente s'est même accentuée, les exportations de perles brutes et de produits perliers ont ainsi baissé de 40% entre 2017 et 2019 avec un cours de la perle en chute libre. Les premiers mois de l'année 2020 n'ont à cet égard pas facilité le rebond tant attendu du secteur.

Les exportations, déjà réduites au cours des exercices précédents, ont subi un coup d'arrêt. Les exportations de perles de cultures brutes ont ainsi chuté de -76% sur les cinq premiers mois de l'année. Celles de produits perliers de -77,5% avec moins de 5 kg expédiés à l'étranger en avril et mai contre près d'une tonne par mois l'année dernière. Alors que les activités perlières avaient généré des recettes à l'exportation de 10 milliards de Fcfp l'année dernière, elles n'ont pas encore atteint un milliard sur les cinq premiers mois de l'année. Des chiffres 4 à 5 fois inférieurs à ceux de l'année dernière, qui était déjà considérée comme une année noire pour la perle noire, et qui expliquent les conclusions de la dernière étude du CEROM. Dans ce secteur, "plus de la moitié des entreprises escompte ne récupérer un volume d'activité correct que sous deux ans minimum". La perle n'est pas prête de retrouver son lustre d'antan.
 
La filière poisson dans la nasse
 
Depuis 2011, le gouvernement a mis en place plusieurs dispositifs d'aide à l'export pour les produits de la pêche. Des aides qui ont eu pour effet de développer le secteur, mais également de rendre le poisson plus rare sur les étals polynésiens. Les filières d'export mises en place concernent principalement l'envoi par avion vers les USA de poissons frais et réfrigérés, les mareyeurs bénéficiant d'une aide pour de 150 Fcfp par kilo pour les produits exportés vers l’Europe et 80 Fcfp pour les produits exportés hors Europe. Selon la Direction des ressources marines, "les exportations représentent 20% de la production palangrière". Ce qui signifie qu'un poisson sur cinq n'arrive pas sur les étals polynésiens.
 
L'arrêt des liaisons aériennes notamment vers le continent américain a ainsi porté un coup dur à une industrie qui a beaucoup misé sur l'export avec le soutien du Pays et des prix de vente plus élevés. Les exportations de poissons frais et réfrigérés ont ainsi baissé de -61,1% depuis janvier avec d'ores et déjà 520 millions de Fcfp d'export en moins. Les 257 tonnes exportées depuis le début de l'année 2020 correspondent au volume expédié lors des deux derniers mois de l'année 2019. Une érosion qui touche plus le Yellowfin (-72,6%) que le thon blanc germon (-53,6%). Les volumes exportés en janvier et février, soit avant la suspension des vols internationaux, avaient déjà baissé de 25% par rapport à l'année dernière. Des tonnages qui se sont donc retrouvés sur le marché local où les pêcheurs professionnels se sont de croit plaints de la "concurrence déloyale" des particuliers qui ont repris l'activité et ont revendu leur pêche en bord de route.
 
Monoï et vanille à la peine
 
Les volumes de vanille et de monoi partant à l'export ont baissé dans des proportions quasi identiques sur les cinq premiers mois de l'année. Les volumes de vanille exportés ont ainsi chuté de -38,9% de la vanille et ceux relatifs au monoï de -38,4%. Contrairement à la perle ou à la pêche, qui ont connu des diminutions de ventes à destination dès le mois de janvier, la vanille et le monoi n'ont subi une chute drastique des expéditions que pour les mois d'avril et mai. Les marchés étaient plus bien orientés avant la fermeture des frontières. Statistiquement, pour la vanille, ces deux mois "perdus" sont les plus creux, 40% des exportations étant réalisées dans le dernier trimestre de l'année. Des chiffres qui peuvent suggérer un rebond plus rapide pour ces deux productions locales qui ont apporté près de 1,2 milliard de Fcfp de recettes à l'export en 2019. Les producteurs de monoï ont quant à eux pu s'appuyer en partie sur la fabrication de gels hydroalcooliques ainsi que sur une demande locale accrue, liée aux exigences en matière d'hygiène, sur les savons.
 
L'huile de coprah et le noni résistent
 
Parmi les produits les plus exportés, l'huile de coprah et le noni résiste plutôt bien à la crise. Si les volumes exportés connaissent une érosion sensible, elle est sans commune mesure à ce qui est observé par ailleurs. La commercialisation de ces produits à l'étranger et vers la métropole a généré près de 1,1 milliards de Fcfp de recettes en 2019. Pour le noni, les exportations ont ainsi diminué de -8,7% sur la même période alors que les débouchés sont principalement situés dans les pays fortement touchés par l'épidémie comme les Etats Unis, le Japon et la Chine. Le produit est connu pour ses vertus médicinales et à une utilisation dans une industrie relativement moins touchée par la crise.
 
La valeur des exportations de l'huile issu du coprah ne baisse quant à elle de -7,6% entre janvier et mai 2020, les volumes se réduisent quant à eux de -12,7%. L'organisation de la filière, bien huilée pour le coup, avec un acheteur quasi-unique de la production locale et des transports par navires cargos qui n'ont pas été arrêtés, peuvent expliquer le faible impact sur ces premiers mois de l'année. De faibles incidences confirmées par le P-dg de l'Huilerie de Tahiti, Henri Leduc, dont l'établissement a continué à fonctionner sans difficultés majeures pendant le confinement en achetant le coprah. Tout juste, le fonctionnement de l'Huilerie a t-elle connu "quelques modifications" dans les arrivages de bateau en provenance des îles ou des cargos en partance de Papeete avec la production. Finalement, selon le responsable, l'impact sur l'activité n'a pas été le Covid-19 mais une météo défavorable. Une baisse d'activité, liée à une période de sécheresse et non au virus qui aura un impact, sur les volumes exportés au début du second semestre. Le coprah a mieux traversé l'épidémie que la saison des pluies. Il craint plus le coco vide que le covid.
 

Henri Leduc, PDG de l'Huilerie de Tahiti :"Nous avons connu une baisse mais ce n'est absolument pas dû au Covid"

Les volumes d'huile de coprah exporté ont faiblement baissé depuis le début de l'année, la filière semble avoir bien supporter la crise sanitaire ?
 
"C'est vrai que, pour notre acheteur principal, son usine a continué à fonctionner en France puisqu'elle faisait partie des entreprises stratégiques car elle intervient dans l'industrie alimentaire. On a continué à exporter notre huile sans trop de problèmes. On a eu quand même quelques modifications de départ de bateaux, de containers mais pas quelque chose d'important. Pour l'arrivée du coprah en provenance des iles, c'était plus les bateaux locaux qui ont modifié quelque peu leurs rotations mais on n'a pas observé une trop grande différence. Mais par contre on avait déjà observé quand même une baisse de la production avant le confinement de -36% ce qui est énorme entre janvier et mars. C'est essentiellement dû à la météo. Par exemple aux Marquises on a constaté une très forte baisse de la production. (…) Nos mandataires sur place ont confirmé une sécheresse importante."
 
Dans ce contexte, quelles sont les perspectives post-covid de la filière ?
 
"La baisse de la production doit, je pense, avoir une incidence à partir du début du second semestre. Si on n'a pas une remontée de la production, on risque d'avoir des conséquences sur l'exportation de notre huile. Ce n'est absolument pas la crise du Covid qui va être à l'origine de cette baisse (…) même si certains maires avaient au début interdit la récolte de coprah pour respecter les restrictions sanitaires. Je pensais que l'on aurait une augmentation de la production de coprah du fait que, dans les îles, la perliculture n'ayant plus de ventes, on allait se retourner vers le coprah comme on a pu l'observer il y a quelques années. Idem dans les îles où les hôtels ont fermé. Les employés avaient alors regagné leurs iles, le seul revenu qu'ils pouvaient avoir c'est le coprah. Peut être qu'on risque d'avoir une explosion dans la production du coprah mais il faut que la météo nous aide. S'il n'y a pas de coco dans les arbres, ils ne pourront rien faire."
 

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 15 Juin 2020 à 09:43 | Lu 2202 fois