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Enquête Disclose : Le CEA se défend et attend les "données" du livre Toxique


Tahiti, le 14 mars 2021 – Le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dont l'étude de 2006 est remise en cause par l'enquête publiée par Disclose et le livre Toxique sur les essais nucléaires menés en Polynésie française, a réagi vendredi dans un communiqué pour défendre ses conclusions de l'époque, contester certaines affirmations de l'enquête journalistique et indiquer attendre "les méthodes utilisées et les hypothèses retenues dans les calculs menés par les auteurs de Toxique" qui "ne sont pas données en détail dans ce livre".
 
Le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a réagi vendredi dans un communiqué aux conclusions de l'enquête journalistique de Disclose et à la publication du livre Toxique dénonçant une sous-évaluation des retombées radioactives après les essais nucléaires menés en Polynésie française. Dans son enquête, Disclose remettait en cause les calculs menés par le CEA pour aboutir en 2006 à la publication du ministère de la Défense intitulée "La dimension radiologique des essais nucléaires français en Polynésie – A l'épreuve des faits". Plus précisément, l'enquête et le livre dénoncent le fait que les hypothèses de calcul du CEA minimiseraient l'impact des retombées radioactives pour les populations vivant en Polynésie française à l'époque des tirs.
 
Dans son communiqué, le CAE commence par préciser que "la méthode de calcul utilisée par le CEA et présentée dans l’ouvrage de référence de 2006 a été analysée par des experts internationaux mandatés par l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). La méthode et les résultats du CEA ont été validés. Les experts ont conclu : 'l’exposition réelle est probablement inférieure à celle publiée dans le livre du ministère de la défense'." Un argument également contesté par l'enquête de Disclose, qui affirme que l'AIEA n'avait pas accès à l'époque aux données sources, classifiées, utilisées par le CEA. L'enquête de Disclose cite d'ailleurs une source de l'AIEA ayant participé aux travaux à l'époque et confirmant que l'Agence placée sous l'égide de l'ONU n'avait fait que "regarder s'il n'y avait pas d'énormes erreurs dans l'étude du CEA".
 
Le CEA affirme de son côté que "des documents de synthèse sur les retombées des essais nucléaires  français en Polynésie, comprenant des éléments scientifiques et techniques des experts du CEA, ont été publiés dès 1998. En effet, à l’issue de la dernière campagne d’expérimentations nucléaires qui s’est achevée en 1996, la politique de transparence décidée par le Président de la République s’est traduite par la réalisation et la publication d’études internationales sur l’évaluation des effets des expérimentations sur l’environnement et les populations."
 
Des conclusions remises en cause
 
Le Commissariat à l'énergie atomique réagit ensuite aux calculs de doses réalisées par les auteurs du livre Toxique, en regrettant que "les méthodes utilisées et les hypothèses retenues dans les calculs menés par les auteurs de Toxique ne sont pas données en détail dans ce livre, qui fait référence à des publications à paraître sur lesquelles se basent les conclusions des auteurs". Le CEA indique en particulier qu'il "manque des précisions sur les données d’entrée retenues par les auteurs sur les temps de présence des populations à l’extérieur, sur la radioactivité ajoutée dans les aliments, sur les rations alimentaires…, ce qui ne permet pas au CEA d’expliquer à ce jour les différences entre les résultats cités dans Toxique et ceux du CEA".
 
Le CEA affirme ensuite qu'une "première analyse" des révélations de Disclose montre que "si des différences existent entre les mesures utilisées par leurs auteurs et par le CEA, ces différences n’induiraient pas de modification significative des doses auxquelles la population de Polynésie française a été exposée". En particulier, le CEA conteste les affirmations de Disclose selon lesquelles ses chercheurs n'ont pas pris en compte l'eau de pluie comme eau de boisson pour les Polynésiens, notamment pour calculer la dose à la thyroïde par ingestion d’eau reçue par la population des îles Gambier suite à l’essai Aldébaran. "En effet, comme l’indique le rapport de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM) de 1966 dont le CEA avait connaissance : 'la population utilise pour ses besoins divers des eaux de toutes origines : l’eau de pluie, l’eau d’écoulement superficiel, l’eau de source et l’eau des nappes côtières'. La contribution de l’eau de pluie dans l’eau de boisson prélevée n’a donc pas été exclue par le CEA pour faire ses calculs. Les eaux analysées étaient représentatives des eaux consommées."
 
Enfin, le commissariat conclut sur l'impact de l'essai Centaure, dont les retombées radioactives font l'objet d'une réévaluation par l'enquête de Disclose et par le livre Toxique. "La valeur du dépôt au sol à Mahina prise par le CEA est issue d’une mise à jour des premières mesures présentées dans le document déclassifié qu’ont utilisé les auteurs de Toxique, correspondant à une baisse de 36%. Quoi qu’il en soit, sur la population de Pirae, enfant comme adulte, une augmentation de 36% de la valeur des dépôts prise en compte par le CEA ne modifierait pas les valeurs de doses efficaces totales reçues par cette population, présentée dans le rapport de 2006. En effet, dans ce cas, la dose externe due au dépôt n’a qu’une contribution mineure à la dose efficace totale par rapport à celle due à l’ingestion", termine le CEA.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 14 Mars 2021 à 12:16 | Lu 2339 fois