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En Chine, géants de l'internet, machisme et stars du X font bon ménage


JD.com est Le numéro 2 chinois du commerce électronique, coté au Nasdaq new-yorkais.
JD.com est Le numéro 2 chinois du commerce électronique, coté au Nasdaq new-yorkais.
Hangzhou, Chine | AFP | lundi 01/06/2015 - Les géants de l'internet chinois affichent des mannequins en petite tenue sur leurs publicités, invoquent de célèbres actrices du X dans leurs offres d'emploi ou les invitent en personne à leurs soirées d'entreprise: une culture machiste assumée dans une Chine minée par les discriminations sexistes.

Pour célébrer la "journée internationale des infirmières", le 12 mai, le site de vente en ligne JD.com a eu une brillante idée: il a mis en scène sur son site des mannequins avec coiffes d'infirmières et lingerie coquine.

Le numéro 2 chinois du commerce électronique, coté au Nasdaq new-yorkais, a rapidement dû interrompre sa campagne publicitaire devant le déluge de commentaires d'internautes indignés.

"C'est typique de la culture d'entreprise de JD.com", a déploré l'un d'entre eux.

Mais les publicités de ce type, où des femmes sont montrées tranquillement aux fourneaux, ou bien dans des poses et tenues très suggestives, restent monnaie courante.

"Dans la société chinoise, on constate toujours une objectification des femmes et des inégalités de genre", observe Wang Ping, professeur à l'Académie des sciences sociales du Zhejiang.

"Le problème est plus sérieux encore dans les firmes technologiques" où travaillent une majorité écrasante d'hommes, relève-t-il.

Si tu ressembles à Teacher Aoi...

Et quand le secteur high-tech tente de recruter des femmes, ce n'est pas sans maladresses.

Une offre d'emploi concoctée par le mastodonte du commerce électronique Alibaba pour embaucher des programmateurs invoquait... Sora Aoi, star japonaise du X, très populaire en Chine.

"Vous pouvez ressembler à Teacher Aoi, dont les atours et talents incluent un parfum puissant et pénétrant, une poitrine embrassant le monde", et travailler pour Alibaba, expliquait l'offre.

"Ou vous pouvez être comme Song Hye-kyo (une comédienne de télévision sud-coréenne), beauté céleste (...) rivalisant avec la Lune".

Devant les critiques, Alibaba a retiré le texte sexiste, expliquant qu'il s'agissait tout bonnement "d'une tentative humoristique d'attirer des talents".

Certaines firmes internet invitent carrément des actrices connues de l'industrie pornographique japonaise à participer à leurs événements publicitaires.

En 2013, NetEase -- opérateur de portails de divertissement -- a fait visiter à Anri Okita ses bureaux, où les employés masculins se précipitaient pour la prendre en photo.

La firme shanghaïenne de jeux en ligne Dream a égayé l'an dernier sa fête annuelle en y conviant Yui Hatano. Pour la sienne, la société de sécurité électronique Qihoo 360 avait accueilli Rola Takizawa.

Certes, la pornographie est officiellement bannie par les autorités chinoises, habituées des campagnes de censure contre les sites et contenus jugés licencieux.

Mais les téléchargements pirates prospèrent, et les stars du X asiatiques se taillent un joli succès dans le pays: le compte de "Teacher Aoi" affiche 16 millions de followers sur la plateforme de microblogs Weibo.

Recette secrète

"Les femmes portent la moitié du ciel": en dépit de la fameuse remarque de Mao Tsé-toung, Pékin n'est guère enclin à encourager un quelconque mouvement féministe. La police a ainsi récemment arrêté et détenu pendant un mois cinq activistes qui manifestaient contre le harcèlement sexuel dans les transports.

Et la Chine n'a connu aucune affaire similaire au procès emblématique, qui a enflammé les Etats-Unis et la Silicon Valley, intenté pour discrimination par Ellen Pao contre son ancien employeur, le cabinet de capital-risque Kleiner Perkins.

Certains groupes chinois, aux ambitions internationales, tentent néanmoins de soigner leur image.

"Nous nous engageons à offrir des opportunités égales et un traitement équitable à tous les employés sur la base du mérite", assure Alibaba.

De fait, sur ses presque 35.000 employés, plus de 40% sont des femmes -- contre 30% chez le géant américain Apple. Et les femmes occupent 35% des postes à responsabilité, selon Alibaba.

C'est "notre recette secrète", a soutenu son emblématique patron Jack Ma, lors d'une récente conférence à Hangzhou (est), où se situe le siège du groupe.

Alibaba ferait presque figure d'avant-garde: dans le secteur technologique à travers le monde, les femmes représentent seulement 20% des employés, estiment les experts.

Chez Alibaba, les postes-clefs de directeur financier et de directeur de gestion de clientèle sont occupés par des femmes. Lucy Peng est, elle, directrice des ressources humaines.

Mais elle veut être jugée sur la qualité de son travail et non selon son sexe, a-t-elle insisté lors de cette même conférence.

Et de souligner: "Nous faisons simplement notre travail, consciencieusement et avec soin".


Bill SAVADOVE (AFP)

Rédigé par AFP le Dimanche 31 Mai 2015 à 21:59 | Lu 864 fois