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Emplois fictifs : Gaston Flosse à la barre, moins d'un mois après la clôture du procès de l'affaire OPT


Le sénateur Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie française jusqu'en 2004
Le sénateur Gaston Flosse, président du gouvernement de la Polynésie française jusqu'en 2004
PAPEETE, mardi 30 octobre 2012 - Le sénateur Gaston Flosse, apparenté UDI, est de nouveau appelé à comparaître à la barre d'un tribunal correctionnel, cette fois en appel dans une affaire d'emplois fictifs.

L'instruction à l'audience a débuté lundi à Papeete pour deux semaines, moins d'un mois après la clôture d'un autre procès impliquant l'ancien homme fort du pays, dans un dossier de corruption.

Lundi et mardi matin, dans le procès des emplois fictifs, en préambule des débats au fond, deux demies journées ont été consacrées à l'évocation de points de procédure pénale : les 5 questions prioritaires de constitutionnalités posées lundi ont été rejetées par le Tribunal après délibération, mardi en ouverture de séance, alors que les exceptions de nullité soulevées mardi matin par la défense ont été jointes au fond et seront jugées in fine.

Le Tribunal examine le fond de cette affaire, à compter de mardi, à commencer par l'évocation des contrats cabinets de la présidence Flosse, sur la période de 1995 à 2004.

L'instruction a établi que de nombreux agents par le cabinet du président ne travaillaient pas directement pour la Présidence. C'est notamment le cas de ceux du Service des Affaires Polynésiennes (SAP), chargés de venir en aide aux Polynésiens en quête d'aide sociale ou d'emploi. Un service soupçonné par la justice d'avoir surtout servi à la propagande de Gaston Flosse et de son parti politique, le Tahoeraa Huiraatira.

"Le SAP a rendu de très grands services à la population, c'était uniquement social, ce n'était pas de la communication" a assuré Gaston Flosse à la barre.

"Je ne suis pas coupable, je ne vois pas de quoi : si on m'avait dit que ce que je faisais était illégal, j'aurais arrêté, mais l'autorité de tutelle a laissé faire" a-t-il ajouté, mettant ainsi en cause le Haut-commissariat de la République en Polynésie française, qui représente l'Etat dans cette collectivité d'outre-mer.

Préjudice supérieur à 2 milliards Fcfp pour les parties civiles

"Il y a eu quelques centaines de contrats qui ont été donnés à des gens qui ont travaillé effectivement pour la Polynésie ; je pense que l'Histoire - la Justice je ne sais pas - mais l'Histoire retiendra que ces initiatives n'étaient pas critiquables" a déclaré à l'AFP l'un des avocats de Gaston Flosse, Me Jean-Yves Le Borgne.

"Le Pays et l'Assemblée de la Polynésie française ont subi un préjudice qui est évalué à plus de deux milliards de francs Pacifiques" a au contraire affirmé à l'AFP Me Ralph Boussier, l'avocat de ces deux institutions, constituées parties civiles.

"Si on rapporte ça au budget de l'Assemblée, c'est 15,6% de son budget, en moyenne, qui ont été dilapidés : c'est énorme" a-t-il ajouté.

En première instance, en octobre 2011, le leader historique du parti autonomiste Tahoeraa Huiraatira avait été condamné à quatre ans de prison ferme, cinq ans d'inéligibilité et 10 millions Fcfp d'amende pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics.

Gaston Flosse n'avait pas été incarcéré et avait fait appel de ce jugement. La justice lui reproche d'avoir mis en place un vaste réseau d'emplois fictifs, à l'époque où il présidait la Polynésie française.

Pendant plus de dix ans, la présidence et l'assemblée avaient rémunéré en contrats-cabinet des personnes qui ne travaillaient pas pour ces institutions.

Pour l'accusation, Gaston Flosse avait monté "un système clientéliste et de propagande", tandis que les avocats du sénateur dénoncent un "procès politique".

"De toute évidence, on remet en cause aujourd'hui judiciairement le système Flosse. C'est vrai qu'on le remet en cause à l'occasion de contrats dont les tribunaux eux-mêmes disent que ce sont des contrats politiques, donc nous sommes obligatoirement à la frontière entre le judiciaire et le politique", a déclaré Me François Quinquis, avocat de M. Flosse.

Flosse, de retour sur le banc des prévenus

Cinquante-cinq autres prévenus avaient été condamnés en première instance, et 42 sont jugés en appel. Parmi eux, des personnalités politiques locales comme les anciens députés UMP Bruno Sandras et Michel Buillard, mais aussi des leaders syndicaux et des journalistes.

L'ancien président de l'assemblée de la Polynésie française, Justin Arapari, figure parmi les prévenus. Il avait reconnu que des agents payés par l'institution travaillaient chez lui, et que des vigiles employés de même assuraient le gardiennage de son domicile et du snack de son épouse.

Insubmersible figure polynésienne, aujourd'hui âgé de 81 ans, Gaston Flosse a été jugé dans une affaire de corruption, il y a un mois.

Il est soupçonné d'avoir perçu près de 140 millions Fcfp de l'homme d'affaires Hubert Haddad, entre 1993 et 2005, en échange de l'attribution de marchés publicitaires. Le procureur a requis dans cette affaire cinq ans de prison et 10 millions Fcfp d'amende, alors que l'Office des postes et télécommunications, partie civile, a demandé la condamnation de Gaston Flosse et Hubert Haddad, solidairement, au paiement d'un préjudice matériel de 492,8 millions Fcfp (4,13 millions d'euros). Le délibéré est attendu pour le 15 janvier 2013.

L'autonomiste Flosse, proche de Jacques Chirac et cofondateur du RPR, reste une figure politique majeure de cette collectivité d'outre-mer. Ces deux procès pourraient donc avoir un impact sur les élections territoriales, prévues les 21 avril et 5 mai 2013.

Gaston Flosse, dont le parti a remporté les trois circonscriptions polynésiennes aux dernières législatives, devrait se présenter contre l'actuel président indépendantiste, Oscar Temaru.

Deux autres alliances de partis ou de maires se sont déjà formées pour affronter ces deux leaders, qui dominent la vie politique locale depuis près de quarante ans.



Principales affaires impliquant le sénateur Gaston Flosse

Voici un rappel des principales affaires dans lesquelles est impliqué ou soupçonné d'être impliqué le sénateur DVD Gaston Flosse, outre les emplois fictifs au coeur d'un procès en appel qui vient de s'ouvrir en Polynésie.

- Affaire Noa Tetuanui

Gaston Flosse est soupçonné d'avoir monnayé le ralliement d'un élu de l'opposition, en octobre 2004, pour renverser la majorité de son adversaire indépendantiste Oscar Temaru. Ce dossier a été joint à l'instruction de l'affaire OPT (Office des postes et télécommunications de Polynésie française), les versements d'Hubert Haddad ayant pu servir à financer cette opération. C'est pour ces faits présumés que Gaston Flosse a été jugé il y a un mois pour corruption. Jugement le 15 janvier.

- Affaire dite "de la femme de ménage de Gaston Flosse"

M. Flosse a été condamné en mars 2012 à 3.350 euros d'amende et à verser 3.450 euros de dommages et intérêts à une femme de ménage qu'il avait fait travailler à son domicile sans la payer, alors qu'elle était employée de l'assemblée de la Polynésie française.

- Affaire dite des "sushis"

M. Flosse a été condamné en appel en septembre 2009 à un an de prison avec sursis et un an d'inéligibilité dans ce dossier de détournement de fonds publics ayant servi à payer un banquet un soir de défaite électorale. Il n'avait pas été déchu de son mandat de sénateur par le Conseil constitutionnel et l'inéligibilité a été annulée en cassation en novembre 2011.

- Affaire de l'atoll Anuanuraro

M. Flosse et l'homme d'affaires Robert Wan sont mis en examen dans l'affaire Anuanuraro. Acheté 293.000 euros par Robert Wan en 1982, cet atoll avait été, 20 ans plus tard, racheté 7,1 millions d'euros par la collectivité, alors présidée par Gaston Flosse, ami de Robert Wan.

- Disparition du journaliste Jean-Pascal Couraud, dit JPK

M. Flosse a demandé à plusieurs reprises à être entendu à propos de la disparition en 1997 de ce journaliste qui avait enquêté sur des affaires politico-financières du territoire et sur un présumé compte bancaire au Japon de Jacques Chirac, toujours démenti par l'ancien chef de l'Etat. La famille de Jean-Pascal Couraud soupçonne un lien entre la disparition du journaliste et M. Flosse, ce qu'il a toujours nié.


Rédigé par JPV avec AFP (ML et J-BC) le Mardi 30 Octobre 2012 à 12:13 | Lu 2453 fois