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Economie bleue : Et si on misait sur l'élevage de rori ?


Tahiti, le 15 juillet 2021 – La visite officielle au centre de l'Ifremer de Vairao a permis de constater, jeudi matin, les débuts prometteurs de l'élevage de rori titi. Au-delà de son intérêt alimentaire, la société Tahiti Marine Products qui pilote l'étude en partenariat avec la DRM et l'Ifremer, ambitionne de valoriser à terme les applications pharmaceutiques et cosmétiques.
 
Avec 32 000 juvéniles sortie d’écloserie, le succès est au rendez-vous pour la société Tahiti Marine Products. Un an après le lancement de l’étude de faisabilité d'une production aquacole de rori titi u’o u’o (holothuries à mamelles blanches) en partenariat avec la DRM et l'Ifremer, les premiers résultats méritaient bien une visite officielle du gouvernement polynésien. Porté par le Pays justement, le projet s’appuie sur une convention de collaboration avec un investisseur polynésien, Auguste Buluc et sa société Tahiti Marine Products, sélectionnée après appel à projets. Le programme collaboratif intègre également l’Ifremer qui accueille le projet sur le centre de Vairao.

C'est là que l'équipe de Tahiti Marine Products a lancé les premières pontes. “On a eu beaucoup de difficultés au niveau de l'émission des gamètes, de l'élevage larvaire et de la nutrition qu'on a résolues petit à petit”, reconnaît Laurent Burgy, directeur technique chez Tahiti Marine Products, recruté pour son expérience acquise en Nouvelle-Calédonie. “Il a fallu trouver un espace adapté à cette espèce”. Huit enclos de 200 mètres carrés ont été posés dans la baie de l'Ifremer, entre 15 et 32 mètres de fond, dans lequel les techniciens ont pu stocker 100 géniteurs. “On a choisi les sites en fonction de la présence d'individus sauvages, ce qui nous a permis de déduire que ces endroits étaient appropriés à cette espèce”, poursuit le directeur.

Objectif : produire 100 000 rori en 2022

Malgré un taux de survie de seulement 0,3%, l'équipe de Tahiti Marine Products a obtenue sept pontes sur dix mois, dont les deux dernières ont permis de produire chacune plus de 15 000 juvéniles. Ces derniers ont été mis en nurserie avec succès au regard des taux de survie obtenus en bassins. “L'objectif en 2022 sera d'en produire 100 000 et je pense qu'on sera capable de le faire”, assure le directeur. Cette collaboration doit ainsi se poursuivre sur au moins deux années avec des essais de grossissement en pacage marin en lagon (appelé “sea ranching” en anglais ou l’ensemencement d’espèces d’aquaculture dans le milieu marin).
Le choix de l'espèce n'a rien d'anodin. “Elles sont faciles à manipuler parce qu'elles ne dégagent pas ce qu'on appelle le chewing-gum, on peut se permettre de les manipuler en écloseries et en grossissement sans avoir trop de problème”, indique Laurent Burgy.

Espèce convoitée, le rori présente bien entendu un intérêt économique : 10 à 15 000 Fcfp le kilo une fois séché. Protégé par la Convention de Washington sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction (Cites), elle ne peut plus être exportée depuis août 2020. “Ça va aussi nous permettre d'avoir une meilleure traçabilité”, confie Auguste Buluc. Mais si l'animal est prisé pour sa chair, l'homme d'affaires a d'autres ambitions pour lui.  Convaincu par le potentiel thérapeutique du rori, il souligne “les applications prometteuses” de l'animal du côté de la "pharmaceutique et de la cosmétique". C'est que l'homme d'affaires a lui-même subi une intervention lourde après une tumeur du pancréas. D'où son investissement personnel sur ce projet financé, en partie, à hauteur de 110 millions de Fcfp sur fonds propre.

Les ambitions de "l'hôtellerie de santé"

Mais d'autres investisseurs ont également montré leur intérêt pour l'holothurie. Notamment l'hôtellerie de santé. On imagine ainsi déjà un concept d'exploitation “hôtelière en prévention de la santé” avec une clientèle très haut de gamme qui serait prête à payer “pour favoriser la nature dans lequel vit le rori”, dans la mesure où celui-ci nettoie non seulement le lagon, mais qu'il peut aussi donner du collagène marin (compléments alimentaires pour la peau). “Il serait par exemple intéressant de construire un laboratoire sur place pour extraire ces particularités et fabriquer un produit de Tahiti”, glisse un investisseur. Pourquoi pas sortir un jour “une crème cosmétique haut de gamme ?” renchérit Auguste Buluc.

Le gouvernement polynésien le sait et compte bien se positionner en leader sur le prochain forum Ocean Health. “C'est de là que viendra notre salut demain”, résume le vice-président, Tearii Alpha Te Moana. “Aujourd'hui, on va chercher les produits de santé et de bien-être dans l'océan. La Polynésie est un bassin d'application et même nous on ne sait pas ce qu'on a dans notre lagon”. Considéré comme la deuxième ressource marine derrière les thonidés en Océanie, le rori ambitionne de se faire une place de choix dans le paysage de l'économie bleue, avec l'installation très prometteuse d'une future écloserie. Objectif : proposer à l’export des produits développés en laboratoire sur la zone biomarine de Faratea.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Jeudi 15 Juillet 2021 à 19:55 | Lu 3764 fois