Tahiti Infos

Deux statues de Schoelcher brisées par des manifestants en Martinique


La tombe de Victor Schoelcher au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
La tombe de Victor Schoelcher au cimetière du Père-Lachaise à Paris.
Fort-de-France, France | AFP | samedi 23/05/2020 - Des manifestants contestant la figure historique de Victor Schoelcher ont renversé en Martinique deux statues de celui qui a décrété l'abolition de l'esclavage le 27 avril 1848, le jour même où l'île commémorait cette décision historique.

Ces actes, perpétrés vendredi à Schoelcher et Fort-de-France, ont suscité de nombreuses condamnations, dont celle d'Emmanuel Macron.

"En abolissant l'esclavage il y a 172 ans, Victor Schœlcher a fait la grandeur de la France. Je condamne avec fermeté les actes qui, perpétrés hier en Martinique, salissent sa mémoire et celle de la République", a tweeté samedi le chef de l'Etat.

Relayée sur les réseaux sociaux, la vidéo de la chute de ces statues, réalisée par des activistes qui se présentent comme anti-béké et hostiles à l'héritage colonial, a provoqué une vague d'indignation. 

Une jeune femme soupçonnée d'avoir participé à l'action a été placée en garde à vue et, à l'issue, elle a été convoquée au tribunal le 9 juillet, selon son avocat Me Dominique Monotuka.

"Schoelcher n’est pas notre sauveur", ont écrit dans un communiqué les manifestants. Les mêmes avaient déjà bloqué pendant plusieurs semaines fin 2019-début 2020 les hypermarchés tous les week-end, accusant leurs propriétaires, souvent de grandes familles locales (béké), d'être à l'origine de la pollution au chlordécone.

Ce pesticide, longtemps utilisé dans les bananeraies, est suspecté d'être à l'origine de cancers de la prostate.

Le 22 mai 1848, les esclaves qui s’étaient rebellés contre les colons arrachaient leur liberté en Martinique au terme de plusieurs jours de violentes émeutes. A peine un mois plus tôt, le 27 avril, avait été signé à Paris le décret abolissant l’esclavage, porté notamment par Victor Schoelcher. 

Une ville et une bibliothèque

Victor Schoelcher était ensuite devenu député de la Martinique. La bibliothèque de Fort-de-France porte son nom. Ainsi qu'en 1889, la toute nouvelle ville de Case Navire également baptisée de son nom.  Ces hommages, pour certains opposants, empêchent la reconnaissance des héros locaux de l’abolition, tel l’esclave Romain.

Les manifestants ont d'ailleurs demandé que la bibliothèque et la ville qui portent le nom de Schoelcher soient renommées au bénéfice d’acteurs locaux de l’abolition de l’esclavage et de l'émancipation des Noirs.

Dans un communiqué, le maire de Fort-de-France, Didier Laguerre, a condamné "avec la plus grande fermeté" la destruction de ces statues et appelé à "ne pas céder à la tentation de réécrire l’histoire".

La ministre des Outre-mer, Annick Girardin, a estimé sur Twitter que, s’il est "permis à tous de questionner l'histoire, cela nécessite un travail méthodique et rigoureux. En aucun cas cela ne doit se faire à travers la destruction de monuments qui incarnent notre mémoire collective". 

De même, les sénateurs Catherine Conconne et Maurice Antiste appellent à refuser "ce maladroit révisionnisme" et à reconnaître que si "la pression finale a eu raison de la barbarie", il y eu "un apport extérieur de penseurs et autre philosophes européens et donc français".

Pour le député Serge Letchimy, ces "actes de vandalisme  (…) portent atteinte au travail de l'homme dont on ne peut nier le rôle et la contribution dans l'abolition de l'esclavage en 1848".

Samedi, la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage a expliqué, dans un communiqué, que "ce combat a réuni les personnes réduites en esclavage, qui n'ont cessé de se révolter contre leur état, et l'ont fait encore le 22 mai 1848 en Martinique, et des militants abolitionnistes comme Victor Schoelcher".

Sur Twitter, l’écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau a dénoncé la récupération politique du travail de Victor Schoelcher mais appelé à respecter l’homme. 

"Honte aux auteurs de cet acte ignoble, ne rien lâcher jamais face à la haine et au racisme", a tweeté la maire de Paris Anne Hidalgo.

le Dimanche 24 Mai 2020 à 13:01 | Lu 346 fois