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Des rochers contre les carbass à Hitia’a o te Ra


Le nouveau visage de la plage du PK 36, à Hitia’a.
Le nouveau visage de la plage du PK 36, à Hitia’a.
Tahiti, le 20 mai 2025 – En réponse aux rassemblements sur fond de décibels à pleine puissance, la commune de Hitia’a o te Ra a bloqué l’accès à plusieurs sites en alignant des blocs de pierre en bord de route. Cette solution temporaire est loin d’être idéale, pénalisant à la fois la population et les touristes. Elle illustre les difficultés croissantes auxquelles les municipalités sont confrontées en matière de gestion des nuisances sonores, en particulier lorsqu’elles sont associées à la consommation de drogue et d’alcool.

 
Se stationner en bord de route pour admirer la mer ou déjeuner sur le pouce, c’est de moins en moins possible à Hitia’a o te Ra. Depuis quelques semaines, la côte est de Tahiti, appréciée pour ses vagues puissantes et ses montagnes verdoyantes, n’est plus aussi accueillante. Et pour cause : en réponse aux rassemblements “sauvages” de carbass, la commune a opté pour une solution rapide et efficace qui consiste à bloquer l’accès à plusieurs sites avec des rochers alignés sur le bas-côté.
 

Des riverains mécontents


Plus de place, plus de carbass. Mais cette solution n’est pas au goût de tous : sur les réseaux sociaux, nombreux sont les administrés à exprimer leur mécontentement. Et sur place, pas besoin de chercher très longtemps des usagers du même avis. “Je surfe ici depuis que je suis petit, donc je suis surpris de voir ce bel endroit dans cet état. On ne peut plus en profiter comme avant. Et en cas d’accident, les cailloux ne vont pas aider... C’est une conséquence du comportement de certaines personnes. Malheureusement, ça pénalise toute la population”, déplore un jeune scootériste de 24 ans croisé au PK 36, non loin du complexe sportif de Hitia’a.
 
Même constat au PK 31 de Mahaena, du côté de la pointe Anapu, pour une jeune maman de 20 ans : “Plusieurs accès sont bloqués par ces rochers. Ça prive tout le monde, pas juste les carbass. Pour aller à la mer, on n’a plus le choix : vu qu’on ne peut plus se garer, il faut y aller à pied. C’est compliqué pour les familles comme nous, mais aussi pour les touristes. À Pape’ana’ana (avant les travaux de sécurisation du PK 43, NDLR), ils ne peuvent même plus s’arrêter pour prendre des photos de la cascade. C’est dommage !”

Au PK 43, à Pape’ana’ana, les deux côtés de la route sont bloqués.
Au PK 43, à Pape’ana’ana, les deux côtés de la route sont bloqués.

Henri Flohr : “On ne s’en sort pas”


Interrogé par téléphone, le maire de Hitia’a o te Ra assure avoir agi en faveur de la tranquillité, voire de la sécurité publique. “On a pris cette décision avec les élus : on ne pouvait plus rester sans réponse aux plaintes de la population qui durent depuis plus de six ans. Je reçois régulièrement des appels pour me dire : ‘Tāvana, il faut faire quelque chose !’ Malgré les interventions de la gendarmerie et de nos policiers municipaux, on ne s’en sort pas. Et ils n’ont pas que les nuisances sonores à gérer”, explique Henri Flohr, citant d’autres sites concernés par cette mesure à Papeno’o, comme la plage de surf et la cale de mise à l’eau, sans oublier Nive’e.
 
“Si ça ne concerne que des carbass de Hitia’a o te Ra, on peut prendre le temps de discuter, mais on ne peut pas gérer les carbass de tout Tahiti et Moorea... À Nive’e, de vendredi à dimanche, c’est intenable ! Il y a déjà eu plusieurs accidents de la route mortels, des jeunes filles mineures qui rentrent chez elles sans vêtements, des jeunes qui dansent ou qui s’endorment sur la route”, poursuit l’élu, démuni face à ces dérives.  
 
Henri Flohr concède toutefois que cette solution est provisoire. Contacté par le ministre des Grands travaux et de l’Équipement, Jordy Chan – probablement inquiet sur le plan de la sécurité routière le long de la RT2 –, le tāvana espère qu’une alternative plus adaptée pourra être trouvée avant d’être contraint de retirer ces barrières rocheuses. La saisie systématique du matériel étant une autre option.
 

Même ambiance à Anapu, au PK 31 de Mahaena.
Même ambiance à Anapu, au PK 31 de Mahaena.

​Un équilibre difficile


D’autres communes ont mis en œuvre des mesures de blocage pour lutter contre les nuisances sonores. À Taiarapu-Est, l’accès au quai de Faratea est longtemps resté fermé aux voitures. Autre exemple à Taiarapu-Ouest : en 2023, la plage de Mitirapa a été aménagée pour interdire les rassemblements nocturnes.
 
Pour les amateurs de décibels à pleine puissance, difficile de trouver un lieu adapté, même lors des rassemblements strictement encadrés par la Fédération mā’ohi de car-audio. Le sujet devrait à nouveau être abordé ce dimanche, à Atimaono, en présence du président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, et de la ministre des Sports et de la Jeunesse, Nahema Temarii, tandis que des riverains soutenus par l’association Te Ora Hau s’opposent à toute manifestation.
 

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 20 Mai 2025 à 16:01 | Lu 3257 fois