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Des policiers dans les écoles: profs et chefs d'établissement dubitatifs


Paris, France | AFP | mardi 30/10/2018 - Des policiers dans les écoles? Professeurs et chefs d'établissement doutent de l'intérêt de la mesure envisagée par le gouvernement dans le cadre d'un plan d'action contre les violences scolaires, dont les contours restent encore à préciser.

Ce plan, promis après un grave incident mi-octobre qui a vu un lycéen de Créteil menacer d'une arme factice une enseignante, devait être présenté mardi à l'issue du conseil des ministres. Mais les annonces ont finalement été reportées et sont désormais attendues avant le 15 décembre, a indiqué le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.
Après l'émoi provoqué par cet incident, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a évoqué "la présence physique des forces de l'ordre" dans les collèges et lycées, "à des moments de tension particulière" et "avec l'accord" du chef d'établissement. 
Il a aussi dit souhaiter la mise en place de "permanences de policiers ou de gendarmes" dans les établissements "dans les quartiers les plus difficiles".
La ministre de la Justice a elle semblé vouloir calmer le jeu dimanche, en jugeant  "indispensable de concevoir l'école uniquement comme lieu de savoir". En cas de troubles, "il n'y a pas aujourd'hui de difficultés pour que les chefs d'établissement puissent avoir  accès aux forces de l'ordre", a ajouté Nicole Belloubet.
Mardi sur LCI, le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer a précisé que "le but n'est évidemment pas d'avoir des policiers dans chaque établissement" mais s'est dit ouvert à "des permanences de policiers dans des établissements difficiles".
"Il semble que dans le feu de l'action, (les ministres, ndlr) se soient un peu trop avancés", estime Philippe Vincent, secrétaire général du SNPDEN, principal syndicat des chefs d'établissement. Qui se demande "ce que ferait un policier à demeure dans un établissement, pendant 98% de son temps".
"Si c'est un problème de vie scolaire, c'est à l'équipe de direction de la régler. Et s'il s'agit d'un fait grave, dans le lycée ou à ses abords, c'est au chef d'établissement d'alerter les forces de l'ordre, qui interviennent alors à plusieurs. Que pourrait faire un policier-planton?", ajoute M. Vincent.
 

- "Ni réaliste, ni pertinent" -

 
La police nationale "s'implique déjà dans les établissements scolaires", rappelle Catherine Nave-Bekhti, secrétaire générale du Sgen-CFDT, un syndicat enseignant. 
Des membres des forces de l'ordre viennent, non armés, rencontrer les classes pour des sessions d'information sur les addictions par exemple. Des correspondants police-école existent depuis 2004 et les responsables d'établissement peuvent appeler gendarmes ou policiers en cas de problèmes graves.
Enfin, des équipes mobiles de sécurité, créées en 2009 et composées de personnels de l'Education nationale et parfois de retraités de la police ou de la gendarmerie, interviennent à la demande des établissements en cas de fortes tensions.
"Pour nous, il n'y a rien de nouveau", déclare Mme Nave-Bekhti, qui souhaite surtout que soient connus par tous les personnels les dispositifs déjà existants en cas d'incident.
Jean-Michel Blanquer va, lui, demander mercredi aux recteurs la mise en place d'un registre dans chaque établissement où seront consignés tous les incidents signalés par les adultes travaillant en milieu scolaire. 
Face à chaque incident devra être inscrit le suivi qui lui a été donné. "Même les petits faits doivent être signalés" et le suivi devra être "éducatif et proportionné", a-t-il ajouté.
Mais avoir des policiers en permanence dans des établissements prédéfinis, "ce n'est ni réaliste d'un point de vue des effectifs policiers, ni pertinent car les solutions tournées vers le tout-répressif ne fonctionnent pas", estime Catherine Nave-Bekhti.
"En l'état actuel des effectifs, on ne peut pas tout faire: immigration, terrorisme, bandes… Nous avons actuellement 22 millions d'heures supplémentaires", abonde Frédéric Lagache, secrétaire général adjoint du syndicat de police Alliance. "Et encore faudrait-il que les enseignants soient d'accord, ce qui ne semble pas être le cas".
A Stains (Seine-Saint-Denis), des enseignants du lycée Maurice-Utrillo appellent ainsi à la grève à la rentrée des vacances de Toussaint: ils protestent contre l'arrivée d'un ancien cadre de la gendarmerie au poste nouvellement créé de proviseur adjoint chargé des questions de sécurité, pour répondre à une série de violences aux abords de l'établissement.

le Mardi 30 Octobre 2018 à 05:29 | Lu 236 fois