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Crash du Twin Otter d'Air Moorea, neuf ans déjà


Crash du Twin Otter d'Air Moorea, neuf ans déjà
PAPEETE, le 9 août 2016 - Les familles et amis des vingt victimes du crash du Twin Otter de la compagnie inter-îles, le 9 août 2007 au décollage de l'aéroport de Temae, se retrouveront comme chaque année, ce mardi soir, pour une cérémonie devant la stèle commémorative dans les jardins de Paofai à Papeete. Et toujours pas de procès en vue.

La catastrophe avait coûté la vie au pilote de l’appareil et à ses dix-neuf passagers, le 9 août 2007, en raison d’une défaillance technique d'un câble de gouverne imputable à un défaut de maintenance de l’avion, selon les experts aéronautiques du très sérieux bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA). Mais neuf ans plus tard, et après avoir espéré un procès au premier semestre de cette année, les proches des vingt victimes sont toujours dans l'expectative.

Le procureur de la République, José Thorel, a bien rendu son réquisitoire définitif en décembre 2015 dans cette douloureuse affaire. Préconisant le renvoi devant le tribunal correctionnel, pour homicide involontaire, de sept responsables d’Air Moorea, du service d’Etat de l’Aviation civile en Polynésie, et du groupement pour la sécurité de l’aviation civile mis en examen par les juges : Freddy Chanseau, Jacques Gobin, Guy Yeung, Jean-Pierre Tinomano, Stéphane Loisel, Didier Quemeneur et Andriamanonjisoa Ratzimbasafy. Mais le volumineux dossier, qui doit désormais faire l'objet d'une ordonnance de renvoi du juge d'instruction pour être un jour évoqué à la barre, est toujours à la relecture chez le magistrat, récemment arrivé sur le territoire et qui en a repris la charge.

Comme l'année dernière (voir photo), les proches des victimes entendent manifester leur impatience légitime et leur indignation en déployant une bannière en bas de l'avenue Pouvana'a a O'opa. Contre une justice dont ils dénoncent depuis des années la lenteur, et peut-être aussi contre Air Moorea et son avocat Me Quinquis qui se sont opportunément signalés en février dernier, et un peu contre toute attente, alors que l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction était annoncée comme imminente à l'époque.

La contre-expertise "maison" d'Air Moorea

La défense de la compagnie avait en effet dévoilé devant la presse s'être attaché les services de son propre expert, Bertrand Dubucq, missionné "pour donner son avis" expliquait Me Quinquis, indépendamment de la procédure judiciaire. Un avis "indépendant" mais contredisant sans surprise les conclusions des experts du BEA, reprises par les experts judiciaires dans leur l'enquête. Si, selon l'hypothèse retenue lors de l'instruction, la cause quasi certaine de l'accident serait la rupture en vol du câble à cabrer des gouvernes arrière de l'appareil, mal entretenu, lors de la phase ascensionnelle du Twin Otter, "le câble était nécessairement sous tension au moment de l'impact", avance au contraire Bertrand Dubucq. "Donc il n'a pas pu se rompre avant, donc il n'a pas pu se rompre en vol".

Pour illustrer cette analyse, Bertrand Dubucq se fonde sur les données très officielles, mais parcellaires, du premier rapport de constatation de l'accident établi par le CEPR de Saclay. Cet organisme rattaché au ministère de la Défense avait notamment réalisé des clichés ou l'on peut distinguer des traces suspectes de frottements sur la gouttière du cadran dans laquelle coulissait le câble, ainsi qu'un morceau de carlingue qui aurait pu être déchiré par ce même câble qui le traversait, sous l'effet de la tension post-choc et donc toujours dans l'hypothèse où il ne se serait pas rompu en vol.

"Ce que nous disons, c'est que ces dommages n'auraient pas pu être observés si le câble avait cédé avant l'impact". L'expert qui s'étonnait enfin que le BEA n'ai pas jugé utile de reprendre l'intégralité des travaux du CEPR quand il a récupéré l'enquête : "Ils sont partis du postulat que le câble s'était rompu en vol et nous ne sommes pas d'accord. La moitié des éléments rapportés par le CEPR ont été ignorés".

Comment expliquer dès lors la chute brutale de l'appareil ? "Un malaise du pilote n'est pas à exclure", reprenait Me Quinquis, assurant disposer d'éléments médicaux pouvant étayer cette hypothèse. L'autopsie pratiquée à l'époque sur Michel Santurenne, pilote aguerri de 53 ans, n'avait pourtant révélé aucune trace d'infarctus ni de malaise cardiaque ou cérébral pré-mortem. L'enregistrement des communications radio du pilote qui fait aussi apparaître qu'il a juré à voix haute, "oh putain", quelques secondes après la réduction brutale du régime des hélices.

137 victimes collatérales se sont portées parties civiles dans ce dossier où il est fait état de graves "défauts de rigueur dans la mise en œuvre des procédures de maintenance" des avions d’Air Moorea et d'"une grande désinvolture au regard du respect des règles de sécurité élémentaires", selon les témoignages recueillis au cours de la procédure et retenus dans le réquisitoire définitif du parquet.


Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 9 Août 2016 à 05:30 | Lu 3186 fois