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Conflit CPS/ Médecins libéraux: les conséquences pour les assurés


Santé : actes de dispensaire ou actes dispendieux

Conflit CPS/ Médecins libéraux: les conséquences pour les assurés
Et voici la première conséquence, tangible pour l’usager, de la mésentente sur la question de la convention entre les médecins libéraux et la Caisse de prévoyance sociale (CPS) : depuis jeudi 23 février 0 heure, en Polynésie française 75 médecins libéraux, généralistes ou spécialisés (chirurgien, ophtalmologue, radiologue, rhumatologue, gynécologue, etc) ne sont plus conventionnés. A partir de dimanche 26 février minuit, sur les 218 médecins libéraux des cinq archipels de Polynésie, seuls demeureront conventionnés les praticiens qui auront adhéré à la convention individuelle rédigée par la CPS . Pour les autres, la charte des médecins précise que le montant des actes est établi avec « Tact et mesure » à la discrétion de chacun. Ils auront toutefois l’obligation de décliner leur qualité et de parler argent avec le patient, au préalable.

La convention précédente, triennale (2009 – 2012), est arrivée à échéance le 21 janvier 2012. La CPS a rédigée une nouvelle charte régie par des impératifs de maîtrise des dépenses de santé avec la volonté de pérenniser le système de la Protection sociale généralisée (PSG). Dans cette convention sont notamment incluses les notions de « médecin référant », « parcours de soin », « panier de soins ». Elles visent à rationaliser les dépenses de santé et notamment le poste « Maladie et Accident du travail », qui pèsent pour près de 50% des dépenses liées à la PSG (50,3 milliards cfp sur un total de 105.9 milliards cfp de charges). Au 31 décembre 2011, le système de protection sociale généralisée présentait un déficit de 4.7 milliards cfp. Le texte établi également un coefficient (1.4) afin de convertir la grille tarifaire des actes, telle que pratiquée en métropole, de manière à tenir compte du coût de la vie en Polynésie. Les médecins demandaient un coefficient de 2. Après plusieurs semaines de négociations, aucun terrain d’entente n’a pu être atteint.

En pratique

Pour l’usager, « conventionné » signifie financièrement « médecin dont les actes sont remboursés à 70% de la base conventionnelle (rien ne change : 3.600 cfp pour une consultation par un généraliste ; 4.650 cfp pour un spécialiste, …) » ; « non conventionné » signifie « beaucoup plus cher », puisque la base de remboursement de l’acte est 70% des montants établis par la grille des tarifs d’autorité (notamment 1.560 cfp pour une consultation par un généraliste; 2.160 cfp pour un spécialiste).
La charge la plus lourde incombant aux personnes en longue maladie qui ne prennent en charge que 5% des frais de consultation et pour qui les actes médicaux couteront globalement 10 fois plus cher, s’ils n’ont pas recours à un médecin conventionné. Reste le recours aux dispensaires où les consultations sont gratuites, si on n’est pas trop pressé. Pour faire face à l’accroissement de la demande, la direction de la Santé travaille actuellement à l’élargissement des horaires d’ouverture des dispensaires jusqu’à 19 heures et à la requalification de leur mission, puisque provisoirement l’œuvre de médecine préventive à laquelle était consacrés les après-midis sera abandonnée au profit d’actes de médecine curative.
Et de cette mésentente, l’on voit se profiler une médecine à deux vitesses : ceux qui ont les moyens vont chez le médecin de leur choix ; pour les autres il reste le dispensaire ou l’hôpital public.
Conflit CPS/ Médecins libéraux: les conséquences pour les assurés

Pascal Szym campe sur ses positions

Conflit CPS/ Médecins libéraux: les conséquences pour les assurés
Interrogé par Tahiti Infos à 18 h 30, au sortir d’une réunion de crise organisée dans l’urgence avec Charles Tetaria, au ministère de la Santé, mercredi 22 février en fin d’après-midi, Pascal Szym, président du Syndicat des Médecins Libéraux et Chirurgien à la clinique Cardella : « On a parlé de la réforme de la PSG et du conflit entre la CPS et les médecins libéraux. La CPS ne veut pas revenir à la table des négociations donc lundi (27 février, ndlr) on part au combat à moins que quelque chose se produise de favorable au cours du week-end. On est d’accord -et on l’a clairement dit- sur les notions de médecin référant, de panier de soin, de parcours de soin ; mais on a l’impression que le problème n’est pas là aujourd’hui : on a vraiment l’impression que la CPS veut la disparition de la médecine libérale en Polynésie. A partir de lundi, on continue à travailler mais on ne sera plus conventionné. Les gens viendront nous consulter ou ne viendront pas. Et peut-être faudra-t-il un jour que les usagers demandent des comptes à la CPS car après tout, ce n’est pas nous qui avons dénoncé la convention ; c’est la CPS qui refuse de négocier ; c’est la CPS qui baisse d’autorité les tarifs de conventionnement. »


Ronald Terorotua, PCA de la CPS, était interrogé par Tahiti Infos mercredi soir

Conflit CPS/ Médecins libéraux: les conséquences pour les assurés
Tahiti Infos : Votre position semble figée sur la question du coefficient de 1,4 pour réévaluer la grille tarifaire de référence pour la convention.
Ronald Terorotua : Oui, c’est ce que le conseil d’administration de la CPS a décidé : un coefficient à 1,4 et la signature de la convention individuelle que nous avons adressée aux médecins libéraux et qui a été acceptée par certains – apparemment une quinzaine de médecins. Les conventions anciennes arrivent à échéance jeudi matin (23 février, ndlr), donc ils ont encore un peu de temps pour venir et être raisonnables.
Vous savez, suite à leur réunion ils nous ont communiqué une proposition de convention. Nous l’avons reçue, et contrairement à ce qui a été prétendu, notamment que le syndicat des médecins libéraux était d’accord à plus de 99% avec notre proposition de convention, on a noté des points de désaccord sur près de la moitié du texte : on ne peut pas discuter avec ces gens là, ce sont des menteurs ; Szym (pdt du syndicat des médecins libéraux, ndlr) est un menteur ! Je regrette. Et la CPS ne peut plus payer. Ce que demande le syndicat c’est augmenter le coefficient à 2. Ca coûte 800 millions CFP de charges supplémentaires à la Caisse d’assurance maladie. Qui va payer cette somme ? Les usagers ? Aujourd’hui les usagers font un effort supplémentaire de 10% sur les montants remboursés, pour pérenniser la PSG. Concrètement avant on était remboursé à hauteur de 80% sur les médicaments et consultations, aujourd’hui on l’est à 70%. On participe à cet effort. Le Pays participe également en supprimant la TVA sur certains médicaments. Tout le monde participe sauf… les médecins. C’est aberrant. Et en plus de ça, les généralistes ne perdent rien dans cette affaire. Au contraire, avec le coefficient de 1,4, ils vont gagner 200 CFP supplémentaires par consultation, alors je ne comprends pas (…) On ne peut pas se permettre de payer 800 millions CFP. Avec un coefficient de 1,8 on a 500 millions CFP de charges supplémentaires ; à 1,6 on a 300 millions de charges supplémentaires. On ne peut pas payer. Les médecins spécialistes à qui nous avons affaire ont en moyenne 3 millions CFP de revenu mensuel. De qui se moque-t-on ?

T.I : Concrètement, si aucun accord n’intervient d’ici le 27 février, les usagers vont être financièrement la victime de ce désaccord avec l’application de la grille tarifaire d’autorité, ou devoir aller se faire soigner au dispensaire ?
R.T : Je les appelle à aller chez le dispensaire en effet. Nous souhaitons que soient élargies les plages de consultation, de 6 h à 18 heures. Mais cela est du ressort du ministère de la Santé.

T.I : Ne trouvez vous pas ça très contraignant pour les cotisants ?
R.T : On n’empêchera personne d’aller voir le médecin qu’il souhaite. Si ils y vont c’est qu’ils ont les moyens. Et ils seront remboursés sur la base du tarif d’autorité qui est de 1.560 CFP pour une consultation chez un généraliste. Ceux qui veulent aller chez le dispensaire auront des visites gratuites.

Rédigé par JPV le Jeudi 23 Février 2012 à 17:50 | Lu 5722 fois