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Comment la Polynésie dépend du tourisme


Tahiti, le 10 juillet 2020 - Deux études de l'Institut de la statistique de la Polynésie française (ISPF) sur le poids du tourisme et l'impact de la crise sanitaire sur l’économie locale examinent, chiffres à l'appui, l'apport du secteur sur l’activité et les emplois générés sur le territoire. Un travail d'analyse qui "donne la mesure de l’impact subi sur le plan économique et social par la Polynésie française".
 
Dans deux études publiées ce jeudi, l'ISPF fait notamment le point sur l’importance en Polynésie de l’industrie touristique "dont l’arrêt contribue de façon significative à l’ampleur de la contraction économique observée au premier trimestre 2020". Le tourisme représente en effet directement 8% du PIB et 15% des emplois salariés du secteur marchand en 2018 grâce notamment aux 65 milliards de francs dépensés par les touristes étrangers. Un chiffre qui ne comprend pas les dépenses en transport aérien international estimées à 38 milliards de francs. En moyenne, le séjour d'un touriste dure 14,7 jours pendant lesquel il dépense environ 300 000 francs. Près de la moitié, soit 29 milliards, correspond à des dépenses d'hébergement alors que la croisière, les commerces, les transports domestiques et l'alimentation représentent chacun entre 7 et 8 milliards d'apport pour l'économie. Parallèlement, l'étude de l'ISPF indique que "les touristes résidents ont dépensé 6 milliards de francs en Polynésie française dont les deux tiers en hébergement". Un montant donc dix fois inférieur à l'apport des touristes internationaux qui laisse supposer que la compensation par les locaux de l'absence de visiteurs étrangers sera difficile à réaliser.
 
Des branches qui ont plié

Les dépenses touristiques irriguent principalement quatre branches de l'économie, à savoir le transport, qu'il soit aérien, terrestre et maritime, la branche “hôtellerie-restauration”, le commerce et les services offerts aux particuliers comme les excursions et les activités de loisirs. Or, ce sont celles qui ont le plus souffert de la crise. Selon l'ISPF, quatre salariés du privé sur dix travaillent dans des secteurs fortement impactés par la crise où la baisse d’activité a atteint au minimum 50 %. "Les effectifs salariés massivement concernés sont ceux de la branche hôtellerie-restauration (6 000 salariés ETP), des transports (4 500 salariés ETP) et des activités de service aux ménages (2 000 salariés ETP)". La menace sur l'emploi pèse surtout à cause du confinement avec "la quasi-totalité des entreprises de l’hôtellerie et des services touristiques ainsi que neuf entreprises sur dix de la restauration" qui n'avaient aucun salarié sur leur poste de travail.
 
Effets indirects sur les autres secteurs encore à calculer
 
Le poids du tourisme doit cependant être majoré. Il faut comptabiliser les effets indirects, par exemple les achats en produits locaux faits par le secteur touristique. Un travail qui "reste à faire" selon l'ISPF qui s'est cependant risqué à quelques estimations dans le secteur de l'hôtellerie-restauration. Ainsi, pour 10 000 francs dépensés par cette branche, 120 vont à l'achat de produits agricoles, 650 en produits de la mer, 1 100 en produits des industries (y compris énergie) et 1 700 en produits des Services. Au total, "les achats de la branche représentent 7 % de la production locale en produits agricoles et 18 % de celle des produits de de la mer". L'arrêt de ce secteur a donc réduit d'autant les débouchés des agriculteurs et pêcheurs.
 
Des archipels éloignés mais pas épargnés

Les 278 400 résidents comptabilisés par l'ISPF ont accueilli 236 642 touristes en 2019. Un ratio ou densité touristique de 0,9 touriste par habitant qui connait cependant de fortes disparités en Polynésie. Car, selon l'ISPF,  "le poids du tourisme est plus important dans les archipels éloignés" car "il représente, dans les îles éloignées, la seule source de revenu pour de nombreuses familles". Si la densité touristique s'établit respectivement à 0,9 et 0,3 aux Marquises et aux Australes, elle est de 7 pour Moorea, 9,5 à Rangiroa, à 11 pour Bora Bora. La plus forte densité s’observe à Fakarava avec 15 touristes par habitant. Des chiffres qui témoignent de la forte dépendance de la population au tourisme qui "est le principal fournisseur d’emploi comme à Bora-Bora (56 % des emplois), Rangiroa (31 %) et dans une moindre mesure, l’île de Moorea (27 %)". Une disparité qui en accompagne une autre selon l'ISPF : "Plus on s’éloigne de Tahiti, plus les infrastructures d’hébergement touristique se raréfient' avec une forte concentration dans l’archipel de la Société et dans les îles possédant un accès aérien". Un déséquilibre dans les infrastructures auquel la population a pu s'adapter. "Les nouvelles formes d’hébergement apparues au cours de ces dernières années, notamment les meublés du tourisme participent au développement des îles éloignées et offrent des perspectives d’activité à ces zones difficiles d’accès".
 
Bora Bora arrivé à saturation ?

Enfin, l'ISPF analyse également l'évolution du nombre d'entreprises caractéristiques du tourisme. L'institut en dénombre 3 647, soit 1 entreprise sur 8 en Polynésie œuvrant dans le secteur. Un chiffre en progression entre 2018 et 2019 avec bon nombre de créations dans les activités de l’hébergement, des loisirs, de la restauration et du transport maritime. Les capacités d'accueil en pension et meublés de tourisme, estimés à 8 600 lits environ, sont supérieures à celles des hôteliers qui s'approchent des 6 700 fin 2019. Une année où les perspectives de fréquentation avaient également "encouragé les professionnels à poursuivre leurs investissements, notamment dans le tourisme nautique". Cette dynamique de création d'entreprises était en 2019 principalement localisée dans les Îles Du Vent, les Îles Sous-Le-Vent et les Tuamotu. Mais, selon l'ISPF,  "Bora Bora n’est pas concernée, signe d’une maturité de l’activité sur cette île ou des prémices d’une saturation ?". Une saturation que la perle du Pacifique aimerait bien retrouver.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 10 Juillet 2020 à 01:08 | Lu 3974 fois