Tahiti, le 22 décembre 2025 - Comment la Polynésie française peut-elle stimuler sa croissance économique tout en respectant ses réalités locales ? C’est la question centrale du rapport sénatorial sur la croissance des économies ultramarines, auquel a activement contribué le Teva Rohfritsch. À travers l’exemple du Fenua, le document plaide pour une action publique plus concrète, une meilleure articulation entre l’État, le Pays et les communes, et une autonomie qui dépasse le simple symbole politique pour servir réellement l’économie.
En Polynésie française, la croissance ne se limite pas à la conjoncture touristique ni aux fluctuations des marchés mondiaux. Elle dépend avant tout des décisions politiques locales, de la façon dont les institutions organisent les marchés, répartissent les compétences et arbitrent entre régulation et immobilisme. Le rapport sénatorial met en lumière cette responsabilité, loin des discours incantatoires qui dominent parfois le débat public.
Le sénateur Teva Rohfritsch souligne que les économies ultramarines regorgent de potentiel mais pâtissent encore d’un cadre institutionnel inadapté. Dans un territoire fragmenté et éloigné des centres de décision, chaque blocage administratif a un impact direct sur l’activité économique, la concurrence et les prix.
Une autonomie à l’épreuve des résultats
L’autonomie polynésienne, souvent présentée comme un acquis politique majeur, est ici analysée sous l’angle de ses effets économiques concrets. Le rapport rappelle que lorsque la répartition des compétences entre l’État, le Pays et les communes manque de clarté, l’action publique perd en efficacité, freinant l’investissement et fragilisant la confiance des acteurs économiques.
Cette réflexion prend une dimension politique dans le contexte local actuel. “Dans un contexte de radicalisation du débat public, où les postures l’emportent trop souvent sur les solutions, nous avons la responsabilité d’introduire de la nuance, de remettre les faits et les résultats au centre, et de démontrer que l’action publique peut être à la fois exigeante et apaisée”, a déclaré Teva Rohfritsch, comme un message à peine voilé adressé au gouvernement Brotherson et à la majorité Tavini.
Le rapport insiste sur le rôle des communes, en première ligne sur les infrastructures, les services publics et le soutien à l’activité locale. Leur capacité d’action conditionne la vitalité économique, notamment dans les archipels éloignés. Dans cette logique, Teva Rohfritsch et la sénatrice Lana Tetuanui ont défendu la modification de la loi organique pour élargir les compétences des tāvana. Un geste jugé indispensable pour relancer l’initiative locale face à ce que certains perçoivent comme la prudence excessive de l’exécutif territorial.
Régulation économique : un enjeu politique central
Le rapport rappelle que, dans les petites économies insulaires, la croissance ne peut reposer sur le seul jeu du marché. La concentration des acteurs, la rareté de l’offre et les contraintes logistiques fragilisent la concurrence et font peser un coût direct sur les prix. L’analyse rejoint les travaux de Johanne Peyre, présidente de l’Institute for Small Markets Law & Economics et de l’Autorité polynésienne de la concurrence. Dans un marché étroit comme celui de la Polynésie française, la taille et l’éloignement des acteurs favorisent les positions dominantes et les situations de rente.
La concurrence ne s’y impose jamais naturellement et doit être encadrée par des choix politiques clairs. Pour Johanne Peyre, une régulation adaptée stabilise les marchés, contient la vie chère et permet aux entreprises locales de se développer de façon équitable.
Une autonomie stratégique ou une autonomie de façade
Le rapport invite à inscrire la croissance polynésienne dans son environnement régional. Au cœur du Pacifique, la Polynésie française doit tenir compte des enjeux de coopération économique, d’économie maritime et de tourisme durable. Ces ambitions nécessitent une gouvernance capable d’arbitrer clairement et d’agir rapidement. Pour Teva Rohfritsch, l’autonomie doit être un outil stratégique au service du développement économique et non un simple marqueur politique. Une approche qui, en creux, questionne la capacité de l’exécutif territorial à transformer le discours politique en résultats tangibles pour les Polynésiens.
La croissance ultramarine, une affaire de pouvoir
Le rapport sénatorial rappelle que dans les outremers, la croissance est d’abord une question de gouvernance. L’éloignement, la taille réduite des marchés et la dépendance aux importations renforcent le rôle de l’État et des collectivités dans l’organisation économique. En Polynésie française, chaque décision publique produit des effets immédiats sur l’emploi, les prix et l’investissement. La croissance n’y est jamais abstraite : elle se joue dans la capacité des institutions à agir vite, à coopérer et à donner de la visibilité aux acteurs économiques.
Concentration des marchés : pourquoi ça fait grimper les prix
En Polynésie française, quelques acteurs contrôlent les secteurs clés, du transport maritime inter-îles à la distribution alimentaire. La taille réduite du marché et la dispersion géographique limitent la concurrence et font peser un coût direct sur les prix. Pour Johanne Peyre, présidente de l’Autorité polynésienne de la concurrence, cette situation n’est pas une fatalité : une régulation adaptée peut briser les positions dominantes, ouvrir le marché à de nouveaux entrants et rendre la croissance plus équitable. Mieux réguler, c’est protéger le pouvoir d’achat tout en stimulant l’économie locale. Encore faut-il que les décideurs politiques se saisissent de ce principe.



































