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Climat: fin de COP tendue à Katowice


"Nous appelons toutes les parties à s'unir contre toute conclusion médiocre de la COP24", a déclaré dans un message vidéo la présidente des Iles Marshall Hilda Heine, au nom du "Climate vulnerable forum" (CVF), qui représente un milliard de personnes dans 48 pays parmi les plus vulnérables au dérèglement climatique. "Nous représentons des nations, comme la mienne, qui risquent l'extinction".
"Nous appelons toutes les parties à s'unir contre toute conclusion médiocre de la COP24", a déclaré dans un message vidéo la présidente des Iles Marshall Hilda Heine, au nom du "Climate vulnerable forum" (CVF), qui représente un milliard de personnes dans 48 pays parmi les plus vulnérables au dérèglement climatique. "Nous représentons des nations, comme la mienne, qui risquent l'extinction".
Katowice, Pologne | AFP | vendredi 13/12/2018 - Entre retards, désaccords et pressions de toutes parts, la 24e conférence climat de l'ONU (COP24) s'est engagée vendredi vers un finish intense, avec peut-être à la clé l'espoir d'un accord ambitieux pour l'application du pacte de Paris.

Prévue pour se terminer vendredi, la COP de Katowice devrait respecter la tradition et se prolonger quelque peu, anticipaient déjà les négociateurs, qui ont sous les yeux un projet d'accord dont ils doivent encore trancher les points clés. Leur mission: trouver le mode d'emploi de l'accord de Paris, qui vise à limiter le réchauffement à 2°C, voire 1,5°C, par rapport au niveau pré-industriel.

Ce sprint final arrive après deux semaines agitées, crispées par un contexte géopolitique défavorable à la cause climatique, marquées par une controverse imprévue sur le rapport scientifique du Giec et par le retour des divisions entre pays du Nord et du Sud, point récurrent des négociations climat.

Alors ces dernières heures suffiront-elles? "Il faut réussir le test de la COP24", rassure le négociateur malien Seyni Nafo, porte-parole du groupe Afrique. En 2015 à Paris, "les étoiles étaient alignées. Aujourd'hui, on est dans une situation plus compliquée, mais les choses vont peut-être rebondir en 2020-21. Entretemps, qu'au moins on produise des règles crédibles. C'est un signal que la communauté internationale enverrait à Donald Trump ou Jair Bolsonaro, qui se préparent déjà à faire des tweets. Il ne faut pas leur donner cette occasion!"

Les implications du "mode d'emploi" ne sont pas anecdotiques. En vertu de l'accord de Paris, les engagements des pays pour réduire les gaz à effet de serre sont volontaires. Mais leur suivi doit être multilatéral, avec des règles de transparence, comme autant de "poutres" garantissant la solidité de l'édifice.

À Katowice, cette discussion sur la manière dont les États devront rendre compte de leurs actions, a notamment été l'affaire des États-Unis et de la Chine. Le premier poussant, avec d'autres pays riches, pour des règles de suivi strict, et le second pour la flexibilité accordée aux pays en développement. Mais comment traduire cette flexibilité? Faut-il y attacher un délai? La question des financements des politiques climatiques est l'autre préoccupation des pays pauvres, notamment la manière dont va s'organiser la montée des fonds promis par le Nord à partir de 2025.

- Tocsin -

 
Le mode d'emploi n'est pas le seul objet de controverse. Les délégués doivent encore régler un hic survenu autour de la mention du dernier rapport du groupe des experts de l'ONU (Giec) dans la décision finale. Arabie Saoudite, Russie, Etats-Unis, refusent le terme "accueille favorablement", que les petites îles en particulier réclament absolument.

Publié tôt vendredi matin, le projet de décision propose que la COP "invite les parties à faire usage de l'information contenue dans le rapport" du Giec. "La COP reconnaît le rôle du Giec, chargé de fournir les données scientifiques pour informer les parties", ajoute le texte.

A la table des pourparlers, il y a aussi "l'ambition": comment pousser les États, dont les engagements formulés en 2015 pour réduire les gaz à effet de serre sont notoirement insuffisants, à présenter d'ici 2020 des plans renforcés? Dans le projet de décision, la COP "réitère sa demande" de "mise à jour" de leur contribution d'ici 2020, les mêmes termes que l'accord de Paris, rien de plus. "C'est un début, mais l'entreprise est inachevée", a réagi Jennifer Morgan, pour Greenpeace. "Il nous faut un signal plus clair en faveur de l'ambition et nous appelons les pays à oeuvrer pour une décision les engageant à relever leurs contributions".

Le secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres était attendu vendredi à Katowice pour la troisième fois. Mercredi, il appelait à intensifier l'action, devant un réchauffement "galopant". Les promesses nationales présentées en 2015 conduisent à un monde à +3°C. Le Giec a dressé le tableau des impacts déjà en cours, à + 1°C aujourd'hui, et montré l'ampleur de ceux à venir à +1,5.

En Silésie, les pays les plus vulnérables ont aussi sonné le tocsin face au "risque d'extinction" qui les menace. "C'est le temps du leadership, pas de la lâcheté", a dit le Philippin Emmanuel de Guzman. Des leaders qui manquent cruellement, ont regretté les ONG. "Le secrétaire général met la pression sur la Chine pour qu'elle assume ce rôle de leader", souligne Camilla Born, du think tank E3G.
Quant à la Pologne, présidente de cette COP24 organisée au coeur de sa capitale du charbon, elle se concentre sur le mode d'emploi, mais n'a jamais eu à son programme le renforcement des engagements.

 

Appels à manifester

Appels à agir et mises en garde contre un échec se sont multipliés jeudi. "Nous appelons toutes les parties à s'unir contre toute conclusion médiocre de la COP24", a déclaré dans un message vidéo la présidente des Iles Marshall Hilda Heine, au nom du "Climate vulnerable forum" (CVF), qui représente un milliard de personnes dans 48 pays parmi les plus vulnérables au dérèglement climatique. "Nous représentons des nations, comme la mienne, qui risquent l'extinction". 

"Assez d'indifférence et d'inaction. Les décennies d'apathie et de procrastination doivent s'arrêter ici, à Katowice. (...) C'est le temps du leadership, pas de la lâcheté", a renchéri le commissaire au climat philippin Emmanuel de Guzman.

Ce Forum informel n'est pas le seul à avoir appelé les quelque 200 pays réunis depuis début décembre à Katowice, capitale polonaise du charbon, à répondre à l'alerte des scientifiques du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) annonçant les catastrophes qu'entraînerait un monde à +2°C, objectif minimal de l'accord de Paris.

L'UE a ainsi plaidé pour que les pays s'engagent à revoir à la hausse leurs promesses de réduction d'émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, tout comme les Pays les moins avancés et le groupe des Etats insulaires. "Le Giec nous a présenté un plan de sauvetage de l'humanité, c'est ce qui est en jeu ici (...) Les pays doivent arrêter d'écouter leurs intérêts commerciaux et commencer à agir comme des êtres humains, avec moralité", a commenté Jennifer Morgan, co-directrice de Greenpeace International.

Selon le Giec, il faudrait, pour respecter l'objectif idéal de l'accord de Paris d'un monde à +1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle, réduire les émissions de CO2 de près de 50% d'ici à 2030 par rapport à 2010. Ce qui implique des transformations majeures de l'économie. Mais le contexte géopolitique n'est pas propice, avec le président américain répétant il y a quelques jours son rejet de l'accord de Paris, et son futur homologue brésilien laissant planer le doute sur ses intentions en la matière.  

- Appel à manifester vendredi -

 
Les appels à l'action émis depuis mercredi à Katowice prouvent "qu'il y a une inquiétude très forte d'un grand nombre de pays (...) qui pensent que la présidence polonaise ne leur donne pas les garanties nécessaires pour sortir de cette COP avec une vraie dynamique politique", a commenté David Levaï, de l'Institut des relations internationales (IDDRI).

A ce stade, malgré le retour impromptu mercredi du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui a mis en garde contre un échec "suicidaire", "il n'y a pas assez de pression sur le système" pour obtenir un engagement fort en matière d'ambitions, a renchéri Alden Meyer, observateur de longue date des négociations climat.

Une voix plus originale s'est jointe à ce concert, celle d'une adolescente suédoise, Greta Thunberg, devenue célèbre pour ses manifestations hebdomadaires devant le parlement à Stockholm et qui a appelé tout un chacun à faire de même devant les locaux de sa représentation nationale ce vendredi. "Qui que vous soyez, où que vous soyez, nous avons besoin de vous maintenant", a-t-elle dit dans une vidéo postée depuis Katowice.

le Vendredi 14 Décembre 2018 à 04:36 | Lu 378 fois