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Cigarette électronique, gadget fumeux pour fumeur repenti


Cigarette électronique, gadget fumeux pour fumeur repenti
PARIS, 01 fév 2013 (AFP) - Qui aurait parié sur ce succédané électronique de la cibiche où la fumée est une vapeur? Quelques années après son invention, la "e-cigarette", sans odeur ni feu, s'impose auprès d'un nombre grandissant de fumeurs comme alternative moins ruineuse et nocive que le tabac.

Début janvier, dans un couloir de l'hôpital public parisien Saint-Antoine, un malade tire avidement sur sa clope. Un épais brouillard se dégage mais disparaît presque aussitôt.

Rien d'illicite: il s'agit de l'inoffensive vapeur émise par la cigarette électronique d'un patient "vapoteur" ("vapoter" signifie utiliser une cigarette électronique), parfaitement légal dans un couloir d'hôpital, un train ou encore une salle d'attente d'aéroport.

"Pour l'instant rien n'interdit à un prof de fumer sa cigarette électronique en classe, ou un chirurgien dans une salle d'opération", relève Bertrand Dautzenberg, spécialiste du poumon à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Ce grand pourfendeur du tabac a un discours critique mais plus nuancé sur la cigarette électronique. "En tant que médecin je ne peux pas recommander la cigarette électronique. Mais je laisserais faire un gros fumeur qui veut s'y mettre. Avec la cigarette, c'est 50% de chances de se tuer. Avec la cigarette électronique, on ne sait pas trop mais a priori c'est moins", déclare le pneumologue.

Les fumeurs invétérés, désespérés par les échecs à répétition dans leurs tentatives pour arrêter, n'ont pas attendu l'avis des pneumologues pour essayer cet appareil en forme de tube, inventé en 2005 en Chine et capable de délivrer des doses de nicotine supérieures à une vraie cigarette.

"Patchs, pastilles à la nicotine, séances d'acupuncture": Hélène, 44 ans, a tout essayé pour en finir avec son paquet quotidien de "JPS noir". "Aujourd'hui, je ne touche plus à une cigarette, la dernière clope remonte à octobre", explique cette infirmière.

Combien d'utilisateurs?

"J'ai trouvé que la cigarette électronique était un bon compromis. Elle contient de la nicotine mais sans tous les autres produits nocifs. Et le geste de la cigarette reste là", explique-t-elle, tirant discrètement sur son appareil à la table d'un café parisien.

Elle vient de se refournir en liquide pour e-cigarettes dans un magasin spécialisé situé juste à côté. Depuis quelques mois, ces commerces font florès dans les grandes villes et sur internet.

L'un des leaders du marché en France, Clopinette, dispose de 20 boutiques et prévoit 15 ouvertures d'ici avril en France, Italie et Espagne. "Sur un an, nous avons vendu plus de 100.000 coffrets (de e-cigarettes, ndlr) et le double de flacons", indique Karin Warin, co-fondatrice de la marque.

Les raisons de l'engouement? "Le prix de la cigarette est élevé et les composants de la cigarette font peur aux consommateurs qui cherchent une alternative", explique-t-elle.

Les utilisateurs seraient un demi-million en France, d'après les fabricants. Mais difficile de connaître avec précision l'ampleur du phénomène: une bonne part des ventes se font sur internet et auprès de fournisseurs étrangers.

Dans les bureaux de tabac, les ventes d'e-cigarettes sont "encore modestes" mais "de nombreux buralistes en proposent et on sent que le produit s'installe", commente Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes, qui voudrait "une exclusivité" sur ce produit pour la profession.

Les pharmacies n'ont, elles, pas officiellement le droit d'en écouler, selon une mise en garde expresse de l'Agence du médicament (ANSM) qui recommande "de ne pas consommer ce produit" pouvant "induire une dépendance".

Initiation au tabac

Pourtant beaucoup d'officines en vendent, s'indigne le Pr Dautzenberg, qui critique l'absence d'encadrement sur ce produit taxé à 19,6% (80% pour le tabac) qui risque de devenir un "produit d'initiation au tabac" pour les jeunes.

Une enquête réalisée auprès de 3.400 collégiens et lycéens parisiens montre que 12% des 15-16 ans l'ont déjà expérimentée (19% pour les 17 ans), dont beaucoup n'avaient jamais fumé avant.

Les médecins conviennent que la cigarette électronique est bien moins nocive que la vraie cigarette: la vapeur qu'elle produit, imitant la fumée, est composé de nicotine, arômes et propylène glycol, substance utilisée dans les boîtes de nuit pour faire de la fumée.

"Aucune donnée ne fait penser qu'elle puisse arriver à la cheville de la cigarette en terme de toxicité", indique le Pr Dautzenberg.

La tabacologue Nadia Lahlou ne la recommande pas pour autant à ses patients, car "nous avons très peu de données sur son impact sur la santé à court, moyen et long terme".

Pour Benjamin Cohen, responsable d'une boutique spécialisée à Paris, l'e-cigarette est pourtant "clairement une aide au sevrage". "Au moins 75% des +vapoteurs+ arrêtent totalement ou réduisent des trois-quarts leur consommation de tabac", assure-t-il.

L'un de ses clients, Michaël Amar, 35 ans, confirme: "Il m'arrive de fumer encore, une ou deux cigarettes dans des occasions, mais je n'en achète plus et j'économise 150 à 200 euros par mois".

Une étude, citée par Clopinette, va dans ce sens: lors d'un essai de cigarette électronique réalisé en Dordogne sur des fumeurs ne souhaitant pas arrêter le tabac, 72% ont réussi sur trois mois à diminuer "fortement" leur consommation et 11% à arrêter totalement.

Rédigé par Par Olivier THIBAULT le Vendredi 1 Février 2013 à 05:51 | Lu 1117 fois