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Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement


Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement
L'étude du budget 2012 se poursuit ce jeudi à l'assemblée de Polynésie française. Voici un condensé des principales interventions de la majorité et de l'opposition, mercredi, dans l'hémicycle.


Antony Geros : « Fini l’ère de la cigale, place à l’ère de la fourmi. ».


L’année 2011 aura été marquée par un contexte économique et social qui s’est dégradé à l’échelle internationale. La Polynésie n’est pas restée à l’écart de ce cycle récessif qui est venu s’ajouter à une crise intérieure que nous connaissons depuis déjà presque une décennie, et s’est traduite sur les 3 dernières années par une chute du Produit Intérieur Brut de 35 milliards de francs et qui se situe aujourd’hui au même niveau qu’en 2003.
Globalement la population s’est appauvrie… la situation des entreprises est des plus difficiles, celle de l’emploi se dégrade, et d’une manière générale, l’ensemble des indicateurs témoigne à l’évidence de la persistance de la morosité de notre économie.
Donc, voyez-vous Mesdames et Messieurs les représentants ce projet de budget n’est pas un budget comme les autres.
C’est un budget qui marque le début d’une nouvelle ère, une période où les mots de solidarité, de justice et d’équité vont de pair avec ceux de développement, de progrès et de croissance.

Il n’y a plus de ces recettes fictives qui viennent abusivement majorer les ressources du pays… 15 milliards en 2011 ;
Il n’y a plus de ces dépenses somptuaires que les gouvernants d’hier s’autorisaient…
Il n’y a plus ces dépenses de personnels qui croissaient sans compter à l’aune des recrutements en cabinet…
Il n’y a plus ces aides que l’on dispensait aveuglément sans compter et sans contrôle…
Oui ce budget marque la fin d’une époque !
Il marque aussi la volonté de rechercher un nouveau mode de gestion et d’action de la part des pouvoirs publics qui ont vocation en cette période


(…) Pour conclure, Monsieur le Président, et en résumé, fini l’ère de la cigale, place à l’ère de la fourmi.

Edouard Fritch (Tahoeraa Huiraatira) : un budget qui « nous englue plus profondément dans la récession et la régression ».

Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement
Le rapport de présentation du budget qui nous est présenté, tel qu’il a été rédigé par les techniciens, fait preuve d’un réalisme certain dans le sens où les causes de la récession économique ont parfaitement été identifiées. Pour autant, les mesures proposées par le gouvernement au travers du document budgétaire, au lieu de venir corriger les effets négatifs de la situation économique viendront les aggraver.

Votre projet de budget vient officialiser et poursuivre le recul du produit intérieur brut observé depuis plusieurs années. Depuis 2007, en opposition à la croissance observée depuis plusieurs décennies et jusqu’en 2004, malgré une chute en 2001 liée à l’effet des attentats aux Etats-Unis, notre PIB n’a eu de cesse de se détériorer.

Ainsi notre PIB s’est contracté, passant de 557,3 milliards en 2008 à une estimation de près de 534 milliards en 2010 et à une prévision de 526 milliards pour 2011. Vos prévisions pour 2012 ne viennent qu’entériner une nouvelle évolution négative pour 2012 de 8%. C’est clair, mes chers collègues, le pays s’appauvrit de jour en jour.

Face à cette constante dégradation, vous nous présentez un projet de budget qui ne comporte aucune mesure pour retrouver un mouvement de croissance.
Pire, les actions que vous proposez viendront nous engluer plus profondément dans la récession et la régression.

Il suffit en premier lieu de constater le recul considérable des crédits d’investissement qui baissent de plus de 27% par rapport à 2011. Vous semblez vous satisfaire de cette baisse de près de 10 milliards en expliquant que votre inscription de 19,4 milliards est plus proche des réalisations constatées. (…) Dans un pays où le dynamisme économique est étroitement lié à la commande publique, ceci augure d’une nouvelle étape de dépression.



Gaston Tong Sang (To tatou ai'a) : un budget sans ampleur, et sans visibilité

Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement
J’avoue, mes chers collègues, ne pas réussir à choisir entre la déception et la consternation ! Jamais budget n’aura connu un tel manque d’ampleur, un tel manque de visibilité. En plein cœur de la crise, nous nous inquiétons vraiment de l’avenir de notre pays tel qu’il est géré par l’actuel gouvernement.

(...) Une simple preuve de la médiocrité de votre budget : la dotation aux amortissements n’est que de 240 millions ! Fin 2010, le précédent gouvernement, que j’avais l’honneur de présider, avait réussi à disposer d’un autofinancement de plus de 6 milliards ! Dans un contexte de réduction des recettes, ce résultat de fin d’année relevait d’un énorme challenge qui fut réalisé. Cela permettait au pays de retrouver sa crédibilité face aux bailleurs de fonds qui pouvaient ainsi constater que le pays faisait preuve de rationalité dans sa gestion, et de sa capacité d’investir.

Malheureusement, en moins de 6 mois, ces 6 milliards ont fondu comme neige au soleil ! Comment avez-vous fait ?

(...)Il nous appartient malgré tout d’analyser en profondeur ce budget, marqué par un prévisionnel de recettes en fonctionnement de près de 10% ! Pas suffisamment compensé par la baisse des dépenses. Ainsi les dépenses de personnel ne baissent que de 2,8%, c’est bien peu ! Insuffisant. En 2011 elles étaient à la baisse de plus 3% dans le projet de budget que vous avez rejeté, quant les recettes s’inscrivaient dans une hausse prévisionnelle.

(...)Alors votre solution miracle pour compenser ces pertes de recettes est d’augmenter les droits de douanes. Mesure anachronique dans une économie mondialisée. Mesure étrange dans son application via un jeu de vases communiquant dont nous n’avons pas encore saisi toutes les subtilités. Mais nous nous sommes déjà exprimé sur le sujet, je n’y reviendrai donc pas.

Mais je ne vois là, en tout cas, aucune mesure de relance, bien au contraire ! A la limite, vous auriez au moins pu envisager de ne plus taxer sur les prix CAF mais sur les prix FOB, pour diminuer ainsi la charge fiscale pour les consommateurs !

Car ce n’est que comme ça que vous réussirez à engendrer des gains fiscaux : en relançant la consommation ! C’est le fondement de notre économie qui ne peut, malheureusement, s’appuyer sur des matières premières et une industrie solide.


Philip Schyle (non inscrit) : "Nous continuons à nous enfoncer, sans bouger"

Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement
La Polynésie française est engagée inexorablement dans une spirale infernale. C'est le message que veut délivrer ce projet de budget
primitif 2012. Nous sommes comme enlisés dans les sables mouvants de la crise structurelle. Nous nous délestons péniblement de la surcharge de masse salariale et de dépenses des satellites. Mais, nous continuons à nous enfoncer, sans bouger, dans ce contexte attentiste. Nous n'essayons même pas de nous agripper aux perches qui nous sont tendues.

Plus techniquement, dans ce projet de budget 2012, le gouvernement propose d'abaisser les recettes de fonctionnement de plus de 10 Mds Fcp, en prévoyant notamment une diminution des recettes fiscales (-8 Mds Fcp). Les dépenses vont donc forcément devoir diminuer. Mais pendant combien de temps, peut-on gérer ainsi la baisse, sans que la qualité des services ne soit altérée, l'aide économique et sociale compromise ? Cela devient une gestion à la petite semaine, voire au jour le jour. Le gouvernement ne nous propose plus une gestion de la crise, mais plutôt une gestion de la résignation. Ainsi le rapport parle t-il de "situation économique qui ne semble pas devoir s'améliorer à court terme et de perspectives moroses", de "contexte attentiste", de "spirale dépresionnaire".

Le gouvernement propose de taxer encore davantage la consommation (sur les produits électriques, sur les produits européens...). Mais en même temps, il diminue l'investissement, donc la commande publique, de plus de 7 Mds Fcp, qui aurait pu bénéficier aux entreprises du privé déjà bien mal en point. Il pousse ces dernières à réduire leur activité, leur production, leur personnel, voire pire, à disparaître. Autant donc de consommateurs potentiels qui ne consommeront plus ou très peu et qui, par voie de conséquence, ne paieront pratiquement pas de taxe.

M.le Président, Ms les ministres, vous entraînez la Polynésie et les Polynésiens dans un cycle infernal dont il faut pourtant impérativement sortir.





Jean-Christophe Bouissou (Ia Ora Te Fenua) : "Avec la taxation des produits européens, nous sommes très loin de la grande réforme fiscale"

Budget 2012 : l'opposition dénonce les nouvelles taxes et la baisse de l'investissement
Le projet qui nous est soumis aujourd’hui pour régler l’intervention publique en 2012 est sans imagination et exclut d'emblée toute possibilité de relance économique tant elle se limite à un seul objet: celui de la recherche de l'équilibre budgétaire!

Avec vos préconisations d’augmenter substantiellement la taxation des produits en provenance d’Europe, nous sommes très loin du discours électoraliste d’une grande réforme fiscale qui abolirait l’injustice flagrante provenant d’une sur-taxation des produits de grande consommation au bénéfice d’une fiscalité plus équitable en rapport avec les ressources des Polynésiens.

Le pire est que vous mêlez votre idéologie aux objectifs de prélèvements supplémentaires sur les consommateurs en mettant à l’index la France et l’Europe comme sources d’iniquités dans la politique fiscale du pays. Vous prétendez même vouloir faire évoluer les modes de consommation de la population vers les pays plus proches en augmentant les droits de douane sur les produits en provenance de nos partenaires institutionnels et économiques, lesquels nous permettent d’avoir le niveau de vie que nous connaissons.

Je vous entends bien dans vos explications lorsque vous faites référence aux textes européens qui n’interdisent nullement la mise en œuvre de régimes particuliers intéressant les PTOM dans ce domaine. Toutefois, la proposition d’appliquer les droits de douane à l’importation sur les produits en provenance d’Europe constitue une ineptie. C’est comme mordre la main de celui qui, quelque part, vous nourrit.

Sur ce prétexte fallacieux de réorientation de notre modèle de consommation, vous entendez faire soustraction de plus de deux milliards de Fcfp de la poche même – non pas des Européens – mais de nos compatriotes polynésiens… Allez donc y comprendre quelque chose dans la logique qui vous guide !

Pensez-vous sérieusement que les commerçants, les exportateurs ou les distributeurs polynésiens travaillant par exemple sous franchise avec de grands groupes français ou européens modifieront leurs circuits d’approvisionnement sous prétexte de coût économiquement plus intéressant dans le transport à partir de pays situés dans le bassin pacifique ? Si tel était le cas, pourquoi ne l’ont-ils pas déjà fait ?


Le projet de budget 2012 est téléchargeable ci-dessous:
rapport_n_148_2011.pdf Rapport n°148-2011.pdf  (393.89 Ko)

le Jeudi 8 Décembre 2011 à 09:33 | Lu 1052 fois