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Black Friday: la résistance à la surconsommation s'organise


Paris, France | AFP | mercredi 21/11/2018 - Sites en ligne fermés vendredi, chiffre d'affaires reversés, marché de Noël solidaire: la résistance au "Black Friday", événement emblématique de la surconsommation, tente de sortir de l'ombre, et même de gros acteurs disent s'y convertir.

En 2017, Envie, modeste réseau de recyclage et de reconditionnement, s'était lancé tout seul lors du "Vendredi Noir", avec des animations portes ouvertes dans ses ateliers.
Désormais structurée, l'opération "Green Friday" compte un foisonnement d'initiatives destinées à contrer cet engouement venu des Etats-Unis. 
Soutenue par la mairie de Paris et ses 40.000 euros de subvention, elle compte aujourd'hui une centaine de membres. Chacun reversera 15% des ventes de vendredi à diverses associations. La Mairie organisera de son côté mi-décembre un "marché de Noël solidaire".
"La surconsommation est complètement déraisonnable", juge Anémone Berès, la présidente d'Envie, désireuse de "sensibiliser les Français: il existe des alternatives responsables, on peut consommer sans gaspiller".
Le Green Friday est trop récent pour que son effet réel soit mesuré, alors que le Black Friday devrait encore battre des records de chiffre d'affaires. Mais l'événement alternatif semble refléter un rejet du consumérisme débridé d'une partie de la société.
 

- "signal très fort" -

 
"Année après année, les consommateurs se lassent", estime même Heikki Väänänen, le PDG de la société spécialiste de la satisfaction client HappyOrNot. Selon son institut, les taux de satisfaction des consommateurs américains pendant le "Black Friday" ont chuté de 7,5% en 2017. 
"Si les performances du Black Friday reculent, ce sera le point de rupture", espère Emery Jacquillat, le patron engagé de la Camif. "Le jour où un acteur de la high tech se mobilisera, ça peut aller très vite et détourner les gens du modèle horrible d'Amazon. Un gros qui bouge un peu a plus d'effet qu'un petit qui bouge beaucoup".
Comme en 2017, ce défenseur du "Made in France" fermera son site le jour J, pour donner "un signal très fort". "On s'est dit qu'il fallait réveiller les consciences, passer à l'action. On n'est pas dans la +déconsommation+ mais dans la consommation responsable", ajoute-t-il.
Emmaüs, l'une des associations co-fondatrices du Green Friday, proposera ainsi des ateliers de couture afin de sensibiliser à la durée de vie des vêtements.
A l'étranger, on se mobilise également, à l'image de la campagne "Faites quelque chose" de Greenpeace: avec plus de 273 événements dans 38 pays, l'ONG invite à "ne rien acheter" vendredi et à privilégier ses animations et conférences pour apprendre à recycler, réparer, faire son soda ou ses propres cosmétiques.
Surfant sur cette tendance, la plateforme d'autopartage Drivy propose même 50 euros aux utilisateurs qui bouderont le Black Friday, quant l'enseigne Naturalia communique sur son "Vrack Friday".
 

- "vrai enjeu" -

 
Sensibilisée, la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) a mesuré pour la première fois avant le Black Friday, du nom de ces promotions géantes importées des Etats-Unis, que 65% des consommateurs étaient favorables à l'économie circulaire.
"Surconsommer, c'est un sujet de fond mais je ne sais pas s'il faut diaboliser le Black Friday. Avant Noël, il y a surtout un effet d'aubaine", assure Marc Lolivier, le délégué général de la Fevad.
Chez Fnac Darty, on assure être "à fond sur le thème du consommer mieux". "On a lancé le premier baromètre du SAV avec les articles qui tombent en panne, on répare nos produits", soutient Vincent Gufflet, directeur commerce et services, pour qui son enseigne pratique "tout sauf du +greenwashing+".
Dans l'agro-alimentaire, Danone France va plus loin. Avec son Green Day, la multinationale a reversé le chiffre d'affaires France du 21 septembre, soit 5,4 millions d'euros, à un fonds de transition agricole.
"Est-ce juste de la communication? C'est un vrai enjeu", assure Laurence Peyraut, sa secrétaire générale, ravie du succès de l'opération. "Nous sommes des entreprises commerciales convaincues que la croissance est durable si elle est responsable. Le monde associatif ne nous a pas critiqué".
Cible d'un boycott au Maroc en raison de sa politique tarifaire, Danone reconduira-t-il l'opération en 2019?
"Il est trop tôt pour dire quelle forme cela prendra, répond Mme Peyraut. On veut lancer un mouvement et il n'y a aucun intérêt à marcher seul en tête".

Black Friday: achats impulsifs, retours, invendus et gros gâchis

Le choix du e-commerce de faciliter le retour gratuit des colis génère des montagnes d'invendus qui finissent parfois à la broyeuse, en particulier au moment des opérations de super promotions comme le Black Friday.
"Plus on commande, plus on renvoie (...) chaque paquet a un impact sur le climat", dénonce l'ONG environnementale Greenpeace en Allemagne. Elle pointe du doigt les comportements d’achat impulsifs en particulier chez les jeunes. 
Chez les Allemands de moins de 30 ans, un quart des colis commandés sont retournés à l’expéditeur, selon un sondage réalisé par Greenpeace. Plus de la moitié de ces jeunes consommateurs savent, dès l'achat, qu'il renverront une partie de leurs commandes. 
Chez le géant du secteur Amazon, le reconditionnement ou la vérification de l'état du produit retourné sont parfois jugés plus coûteux que la destruction pure et simple de l'article.
Environ 30% des articles réexpédiés par les clients déçus d'Amazon Allemagne finissent à la poubelle, a aussi révélé une première enquête sur le sujet réalisée en juin par la télévision publique allemande (ZDF) et le magazine économique WirtschaftWoche.  
Des équipes sont affectées chaque jour à la destruction de meubles, téléphones, matelas, portables ou machines à laver neuves, selon les témoignages, photos et vidéos à l'appui, des employés de la firme américaine en Allemagne.
Le géant américain a répondu dans un communiqué, disant "travailler continuellement" à minimiser le nombre d'articles invendus. Il cite ses circuits de seconde main, ou même de don caritatif. 
"Dans le e-commerce, le client ne peut tester correctement son achat qu'après une prise en main, la possibilité du retour fait donc intégralement partie du modèle économique et intervient dès le choix du produit", commente l'institut allemand EHI, auteur d'une étude sur les conséquences de ces renvois massifs de produits. 
Près de 32% des détaillants interrogés reconnaissent préférer laisser gratuitement l'article à leur client, plutôt que de gérer les coûts du retour.
D'autres plateformes ont pourtant intégré le coût du retour dans leur stratégie, jugeant la satisfaction complète du client et l'assurance de son retour sur leurs sites plus importante que les frais de logistique. 
Zalando, le géant européen de la mode en ligne, encourage ainsi ses clients à commander en plusieurs tailles. 
Cette stratégie dite de "cabine d'essayage à domicile", couplé à un service de coursiers dépêché chez le client à sa convenance pour venir récupérer par exemple les chaussures trop grandes et trop petites, est déjà mise en place dans plusieurs pays, dont l'Allemagne, la France et les Pays-Bas.

le Mercredi 21 Novembre 2018 à 06:03 | Lu 629 fois