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Birmanie : violences à Rangoun, Londres sanctionne le chef de la junte


Rangoun, Birmanie | AFP | jeudi 25/02/2021 - Des partisans de la junte birmane armés de tuyaux et de lance-pierres ont affronté jeudi des habitants de Rangoun dans une soudaine montée de la tension tandis que Facebook a annoncé fermer tous les comptes liés à l'armée.

La colère contre les généraux auteurs du putsch du 1er février secoue la Birmanie, avec des manifestations quotidiennes de plus ou moins grande ampleur pour réclamer la libération d'Aung San Suu Kyi, l'ex-cheffe du gouvernement civil, et le retour à la démocratie. 

Jeudi, des centaines de partisans des militaires, portant des pancartes sur lesquelles était inscrit : "Nous soutenons nos forces de Défense" ont défilé dans le centre de la plus grande ville de Birmanie. 

Les autorités leur ont donné accès à l'emblématique pagode Sule, un carrefour clé de Rangoun qui ces derniers jours a été barricadé pour empêcher les manifestants dénonçant le coup d'État de s'y rassembler.

Les riverains ont commencé à frapper sur des casseroles et des marmites, un acte devenu un symbole de la résistance contre la junte, pour protester contre la manifestation en faveur des militaires.

À midi, des affrontements ont éclaté aux abords de la gare centrale de Rangoun. 

Des partisans des militaires - certains armés de bouts de tuyaux, de couteaux et faisant usage de lance-pierres - se sont retournés contre les habitants qui les huaient. 

"Ils nous ont visés avec des lance-pierres depuis une voiture ... une dizaine de personnes ont été blessées à la tête", a raconté à l'AFP Aung Zin Lin, 38 ans, qui vit à proximité. 

"Ce sont des brutes" 

Surpassant en nombre les partisans des militaires, les habitants ont riposté et en ont arrêté certains qui étaient équipés de matraques, de couteaux de poche et de frondes, a-t-il dit. 

Lorsque la police est arrivée, des femmes et des enfants se sont tenus par le bras pour constituer un bouclier humain, craignant que les forces de l'ordre ne tentent d'arrêter des habitants.

Mais après un moment de tension, la police a finalement écarté les assaillants. 

"Je pense qu'ils (les partisans de l'armée, ndlr) ont le droit de protester mais ils n'auraient pas dû utiliser d'armes", a déclaré à l'AFP Zaw Oo, blessé aux côtes dans les affrontements. 

"Ce sont des brutes" a-t-il ajouté.

Autour des principales artères de circulation, les habitants de Rangoun brandissaient des poignées de billets au passage des militants partisans des militaires, les accusant d'être payés par l'armée pour manifester.

Plus loin dans la ville, sur le campus verdoyant de l'Université de Rangoun, les étudiants ont défilé pacifiquement, portant les drapeaux rouges de la Ligue nationale pour la démocratie, le parti d'Aung San Suu Kyi. La lauréate du prix Nobel de la paix, 75 ans, est tenue au secret depuis son arrestation. 

Des membres du personnel médical ont également défilé. "Nous voulons voir ce gouvernement illégitime tomber", a déclaré un pharmacien. La "Révolution des blouses blanches" fait partie du vaste mouvement de désobéissance civile contre la junte.

Les Birmans rivalisent d'ingéniosité dans leur rébellion contre la junte, et jeudi, dans diverses villes du pays, les manifestants se sont peint sur les joues le salut à trois doigts, leur signe de ralliement, à l'aide de thanaka, une pâte cosmétique naturelle.

La Banque Mondiale suspend ses aides

Jeudi, Facebook a annoncé avoir fermé tous les comptes restants liés à l'armée birmane, en raison de l'utilisation par la junte de "violences meurtrières" contre les manifestants pro-démocratie.

"Les événements depuis le coup d'Etat du 1er février, y compris des violences meurtrières, ont précipité la nécessité de cette interdiction", a expliqué Facebook dans un communiqué. 

Les pages des institutions gouvernementales désormais gérées par la junte ne sont pas affectées. 

"Cette interdiction ne couvre pas les ministères et agences du gouvernement engagés dans la fourniture de services publics essentiels", dit le communiqué.

Depuis le début du mois de février, la police a utilisé des gaz lacrymogènes, des canons à eau et des balles en caoutchouc contre les manifestants. Des tirs isolés à balles réelles ont également eu lieu.

Le nombre de morts depuis le coup d'Etat est monté à cinq mercredi, après le décès d'un homme de 20 ans qui a succombé à ses blessures à Mandalay (centre).

L'armée de son côté a signalé qu'au moins un policier avait trouvé la mort.

Plus de 720 personnes ont été arrêtées depuis le putsch, selon l'Association d'aide aux prisonniers politiques, dont un économiste australien, Sean Turnell, un conseiller d'Aung San Suu Kyi. Son épouse a adressé une lettre, que l'AFP a pu consulter, à la femme du commandant en chef de l'arme Min Aung Hlaing pour l'implorer de le relâcher. 

De nouvelles sanctions contre la junte ont été décidées jeudi. 

Le Royaume-Uni a annoncé des sanctions contre six responsables de la junte, dont Min Aung Hlaing, qui sont désormais interdits de séjour sur le sol britannique et de faire des affaires avec des entreprises britanniques.

La Banque mondiale a de son côté annoncé suspendre toutes ses aides à la Birmanie, qui se sont élevées à environ 900 millions de dollars en 2020.

Les montants demandés par le pays depuis le 1er février, date du putsch, ne seront pas honorés, a écrit l'organisme international dans un courrier que l'AFP s'est procu

le Jeudi 25 Février 2021 à 04:31 | Lu 264 fois