Tahiti Infos

Bianca Cogorno, "je rame pour former des guerrières"


Bianca Cogorno, "je rame pour former des guerrières"
PAPEETE, le 02 novembre 2016 - À la tête de la première équipe latino-américaine participant à la compétition Hawaiki Nui Va'a, Bienca Cogorno est Péruvienne. Elle est tombée amoureuse de ce sport en 2011 et jeudi 3 novembre, avec son équipe, elle court pour défendre les couleurs du Pérou, mais surtout pour elles et les femmes péruviennes. L'objectif de son équipe Hano Hano Peru est de former des guerrières.

Rien ne destinait Bianca Cogorno au Va'a. Bianca est Péruvienne, elle a grandi sur une plage du Pérou, loin de la Polynésie et de sa culture. Petite, elle partait avec son kayak sur la tête et sa rame sous le bras pour ramer. Elle rame depuis l'âge de sept ans.

D'une famille de rameurs, son grand-père et son père ramaient avant elle, les sports de rames occupaient déjà une place importante dans sa vie. Jusqu'à ce qu'elle découvre le Va'a.

En 2011, une amie lui parle de ce sport qu'elle a découvert lors d'un voyage en Polynésie. "Flavia Chavez est revenue de Polynésie et il a décidé d'importer ce sport nautique. Il s'est associé avec Rafael Belmont pour construire leur premier va'a d'après un prototype argentin." Bianca se dit, pourquoi pas, "j'avais envie d'essayer", le coup de foudre est instantané, "la sensation que m'a procuré le va'a, je ne l'avais jamais vécue avant. Je me suis sentie forte, vibrer et ne faire qu'une avec la mer, c'était incroyable. Avec le va'a, tu entres dans une relation privilégiée avec la mer. Je me suis dit, il faut que je fasse découvrir cette sensation à d'autres femmes."

"Depuis que je pratique le va'a, je suis devenue une femme plus forte, plus sûre d'elle. J'ai vaincu des peurs grâce à la pirogue. Le va'a m'a aidée à m'épanouir en tant que femme. Il m'a aidée à devenir meilleure, mais surtout, il m'a donné envie de me battre pour les autres. J'œuvre pour faire découvrir ce sport à d'autres femmes et jeunes filles. "

Pratiquer le va'a au Pérou est une activité étrange. "Les gens trouvent ça très étrange. Je leur explique tout ce qu'est le va'a d'un point de vue culturel, sportif, mais aussi spirituel. Ils commencent à comprendre."

Bianca en est convaincue, pour réussir dans le va'a il faut être une battante, "je ne prends dans mon équipe que des femmes ou jeunes filles qui ont la niaque. La société latino-américaine est très machiste et violente envers les femmes. Je rame pour former des guerrières. En janvier je vais commencer à apprendre le va'a à des petites filles pour en faire des femmes fortes " assure la rameuse péruvienne.

Rameuse, mère de famille et surtout chef d'entreprise, Bianca n'a pas une minute pour souffler. "C'est une grosse responsabilité, un travail très exigeant, parfois j'ai beaucoup de pression et je me demande si j'en suis vraiment capable, mais les doutes s'envolent rapidement." Déjà très fortement investie dans le va'a, elle en a fait sa mission à la mort de son père en novembre 2015. "Il m'a demandé de continuer à promouvoir le va'a. Il me disait toujours que les sports de rame renforcent la tête, renforcent le cœur et renforcent l'âme. Je suis là pour lui rendre hommage. Il m'a dit d'aller jusqu'au bout, c'est ce qu'on fait avec Hano Hano Peru."

Bianca est tellement investie dans sa mission, qu'elle crée l'équipe Hano Hano Peru en 2014. Depuis, c'est elle qui finance le club avec ses propres deniers. À croire que l'investissement de cette femme courageuse paie. Seulement deux ans après sa création, l'équipe de huit Péruviennes a déjà pris part à différentes compétitions internationales. Elles sont montées sur le podium à Hawaii et aujourd'hui participent à l'Hawaiki Nui Va'a. "Nous avons la chance d'avoir été invitées à la compétition par le comité organisateur. Aujourd'hui, seulement deux ans après notre création, nous sommes en Polynésie. Nous avons encore énormément à apprendre, notamment d'un point de vue technique!".

En juillet dernier Bianca s'est engagée dans la course Te Aito. " Quand je suis arrivée à La Mecque du va'a, ça a été très fort. J'ai participé au Te Aito, pas pour moi, mais pour l'exemple, pour ces femmes et ces enfants Péruviens. Quand j'ai traversé la ligne d'arrivée, c'était une des plus belles expériences que je n'ai jamais vécues. J'ai compris ce que c'était que qu'être un Aito, j'ai ressenti le mana de la Polynésie. Ça m'a bouleversée et j'en ai pleuré pendant au moins une semaine. Ça m'a renforcée dans ma mission de former des femmes fortes. Une femme fait une société" affirme la rameuse péruvienne.

"Les huit filles de mon équipe sont mes huit piliers. Chacune d'entre elles va se charger d'une école primaire à la rentrée de janvier, elles vont m'aider à promouvoir le va'a et à former des petites filles qui auront tous les outils et la force d'affronter ce monde d'homme."

Pendant le Te aito, Bianca a rencontré Tamato Perez, "nous nous sommes rencontrés au bon moment" assure-t-elle. Tamatoa Perez a accepté de s'embarquer dans l'aventure péruvienne, "j'ai été impressionnée par cette femme courage. Elle est forte et investie d'une mission incroyable, elle y croit, vraiment donc moi j'y crois."

Investie de cette mission de former des femmes forte, Bianca est d'autant plus fière d'être la première équipe latino-américaine à participer à l'Hawaiki Nui va'a, "c'est paradoxal, nous venons d'une société très machiste, où les hommes dominent tout, et les deux premières équipes latino à participer à l'Hawaiki Nui sont deux équipes féminines : celle de Hano Hano Peru et une délégation sud-américaine composée de Brésiliennes, Argentines, Péruviennes, et une Vénézuélienne. Le fait que cette année soit la première année que les femmes soient mises en valeur pour le Hawaiki nui n'est pas un hasard. Il doit y avoir une bonne raison à tout cela."

"Je n'ai qu'une chose à rajouter à tout cela, la mer rend digne l'être humain et soigne l'âme", conclut Bianca

Cette fois-ci encore les Péruviennes vont ramer pour les femmes et enfants de leur pays, leur objectif est de finir la course et se placer en bonne place dans le classement.

Nous n'avons plus qu'à souhaiter Faaito ito à Bianca et son équipe Hano Hano Peru .


Avec AITO SPORT

Bianca Cogorno, "je rame pour former des guerrières"

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mercredi 2 Novembre 2016 à 17:55 | Lu 2473 fois