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Avis de mauvais temps pour les finances communales


Tahiti, le 10 octobre 2021 - La baisse du niveau de recettes fiscales constatée en Polynésie depuis l’année dernière cause une importante diminution de la dotation au Fonds intercommunal de péréquation, au moins pour les années 2022 et 2023. Les voix montent, parmi les élus locaux, pour demander une contribution compensatrice de l’Etat ou du Pays en soutien à la principale source de trésorerie des communes polynésiennes.
 
C’est un effet collatéral de la crise sanitaire. Le ralentissement qui affecte l’économie polynésienne depuis 2020, et la diminution des ressources fiscales qu’il engendre pour la collectivité, annonce une période de vaches maigres pour les finances communales à partir de 2022.

Privées de la capacité d’avoir une fiscalité propre, les 48 communes de Polynésie dépendent en effet presque exclusivement des dotations tirées du Fonds intercommunal de péréquation (FIP) pour assumer leurs charges de fonctionnement et financer leurs investissements. Ce fonds a été financé à hauteur de 16,7 milliards de Fcfp par le Pays en 2020. Problème : ses recettes sont le reflet des ressources fiscales de la Polynésie française. Avec un délai de deux ans, le FIP est destinataire de droit d’une quote-part minimale du montant réel des impôts et taxes prélevés par la collectivité. Fixée à au moins 15% par la loi organique, elle est maintenue à 17% depuis lors. Le fonds en tire 85% de ses ressources. Le complément (près de 2,6 milliards de Fcfp) provient de dotations versées annuellement par l’Etat.
 
Effet différé
 
Ce délai de deux ans est lié à la mécanique de financement du FIP. Pour l’année en cours, une évaluation de la dotation éligible est calculée sur la base des recettes prévisionnelles prévues au budget primitif de la collectivité. Mais la dotation définitive n’est arrêtée qu’après que les recettes fiscales réelles ont été portées au compte administratif de la collectivité et entérinées par décret à Paris.

Les crédits alloués par le Pays au FIP pour l’année 2021 sont ainsi établis sur la base des recettes fiscales réelles de 2019. Le fonds peut tabler cette année sur la perception de 16,9 milliards de Fcfp. Mais à partir de 2022, la situation se gâte. Car si l’assiette prévisionnelle calculée sur le fondement du budget primitif de la collectivité pour 2020 était de 101,9 milliards de Fcfp avec une dotation prévue de 17,3 milliards de Fcfp au FIP, l’année prochaine, le compte administratif a en réalité constaté une moins-value historique de -9,3 milliards de Fcfp des recettes fiscales en 2020. Un constat qui annonce une diminution de la quote-part réservée au FIP de 1,6 milliard pour s’établir à 15,7 milliards de Fcfp en 2022.
 
Les recettes fiscales ne sont pas rétablies en 2021, mais le Pays a prévu le coup pour le budget primitif adopté en décembre 2020. L’assiette prévisionnelle des impôts, droits et taxes, y est de 93,26 milliards de Fcfp, avec une dotation prévisionnelle au FIP à 15,9 milliards de Fcfp en 2023. Des crédits toujours en perte de vitesse d’un milliard par rapport à cette année.

Une évolution à la baisse des crédits alloués au FIP qui, si elle est inquiétante, peut encore être compensée. En effet, le Comité des finances locales, l’entité mixte Etat-Pays-Communes chargée de l’affectation des crédits du FIP aux collectivités locales, s’est constitué un fonds de réserve de près de 7 milliards de Fcfp au cours des derniers exercices. Une manne qui pourra être mise à profit pour la trésorerie des communes polynésiennes.
 
L’Etat et le Pays appelés à l’aide
 
Mais ces baisses attendues de dotation inquiètent tout de même. Jeudi, en séance budgétaire Tepuaraurii Teriitahi, présidente du groupe Tapura et conseillère municipale à Paea a invité l’Etat “à revoir à la hausse sa participation” au FIP. Un effort supplémentaire en faveur des “communes de la République” également défendu par le président du groupe Tavini, le maire de Paea Antony Géros, pour qui la “fracture fiscale sans précédent” que connaît le pays depuis 18 mois avec la crise sanitaire menace l’équilibre financier des communes. Point de vue que rejoint Cyril Tetuanui, le président du Syndicat pour la promotion des communes (SPC) et maire de la commune de Tumara’a à Raiatea.
 
Pour l’édile de Arue, Teura Iriti, cette main tendue pourrait aussi l’être en direction du Pays. Car si la quote-part des recettes fiscales fixée par la loi organique ne peut être inférieure à 15% de celles-ci, rien ne la plafonne. Elle est traditionnellement de 17%. Mais, même provisoire, une réévaluation de la quote-part réservée au FIP serait vertueuse, comme l’a défendue jeudi l’ancien ministre des finances, Nuihau Laurey, représentant non-inscrit à Tarahoi. Pour lui, une quote-part portée à 20% créerait les conditions d’un soutien “géographiquement dispersé de la relance économique par l’investissement” en bénéficiant aux investissements locaux. Des pistes de réflexion. Mais il est probable que le fonds de réserve providentiel de 7 milliards de Fcfp du FIP doive assez vite être mis à contribution.  
 

​Tepuaraurii Teriitahi, élue de Paea et présidente du groupe Tapura

“Jusqu’ici, rien d’affolant. Mais nous le savons, avec la crise sanitaire et économique que nous traversons depuis 18 mois, 2022 sera le cap le plus difficile à passer pour les communes. Et 2023 ne sera pas plus florissant. (…) Nous le répétons chaque année : L’Etat ne pourrait-il pas revoir à la hausse sa participation au FIP ? Elle est loin d’être à la hauteur de celle du Pays. Je vous rappelle qu’il ne contribue à ce fonds pour les communes qu’à la hauteur (…) d’un total de 2,6 milliards contre 16 milliards environ pour le Pays."
 

Antony Géros, tavana de Paea et président du groupe Tavini

“La fracture fiscale semble être vertigineuse, entre une assiette de prélèvements fixée à 99,64 milliards de Fcfp en 2019 et à 93,16 milliards en 2021. Il s’agit me semble-t-il d’une situation sans précédent qui risque de dépeindre sur l’équilibre financier des communes qui tirent du FIP –faut-il le rappeler ?– leur principale ressource (…). Pour autant, je me permets de rappeler que l’article 52 de la loi organique prévoit dans son deuxième alinéa que le FIP peut recevoir des subventions de l’Etat destinées à l’ensemble des communes. L’Etat ne pourrait-il pas faire un effort supplémentaire en faveur des communes de la République ? Me faisant l’écho de madame la sénatrice de la Polynésie française [Lana Tetuanui, ndlr], lors de l’examen de ce dossier en commission, je ne peux que l’inviter à user de toute son influence et de ses atouts acoustiques auprès de ses pairs, pour que cette disposition, que le législateur a jugé utile d’inscrire dans la loi organique, ne l’ait pas été en vain, mais pour un jour être mise en œuvre.”
 

Cyril Tetuanui, maire de Tumara'a et président du SPC

“Les recettes fiscales baissent, le FIP baisse. On ne peut rien y faire. A moins que l’Etat compense la perte de dotation. Le Pays n’y peut rien. L’Etat a bien voulu aider les entreprises durant la crise Covid, je pense qu’il peut faire un geste pour soutenir la dotation du FIP. Ça fait longtemps que l’on demande que soit renforcée sa participation. Pour l’instant, il ne bouge pas.”
 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Dimanche 10 Octobre 2021 à 20:57 | Lu 1598 fois