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Avec Aldébaran, Pascal Galopin prépare un film sur les essais nucléaires en Polynésie


Dans ce court-métrage, Pascal Galopin ne cherche p as à accuser: le film veut informer, transmettre, sensibiliser.
Dans ce court-métrage, Pascal Galopin ne cherche p as à accuser: le film veut informer, transmettre, sensibiliser.

Tahiti, le 7 juillet 2005 - Le réalisateur et producteur Pascal Galopin prépare un court-métrage de fiction sur les essais nucléaires en Polynésie. Né à Tahiti, ancien journaliste à La Dépêche, il porte ce projet depuis longtemps. Intitulé Aldébaran, le film tisse un récit familial entre une fille et son père, tous deux liés à l’histoire nucléaire de la France dans le Pacifique. Entretien avec ce passionné de cinéma et de la Polynésie. 
 

Votre court-métrage Aldébaran est annoncé comme “un rêve et un objectif de longue date”. Comment est née cette idée ?

Je suis né à Tahiti et j’ai grandi dans le restaurant de mes parents à Papeete. Là, j’entendais quotidiennement parler des essais nucléaires. Les militaires discutaient librement de ce qui se passait. Plus tard, en 1995, je suis revenu comme journaliste à La Dépêche de Tahiti, au moment des derniers essais décidés par Chirac. C’était une période de tensions, d’émeutes… Ce climat m’a profondément marqué. Aujourd’hui, je produis des films de fiction. Alors j’ai voulu raconter, non pas dans un documentaire, mais à travers une histoire personnelle et intime, un pan souvent ignoré de notre histoire commune.”


Pourquoi avoir choisi la fiction plutôt qu’un documentaire ?

“D’abord, je viens de la fiction. Puis, il y a déjà de nombreux documentaires sur le sujet. Ce que je voulais, c’est toucher les gens autrement, raconter une histoire familiale. Aldébaran raconte l’histoire d’une avocate, engagée dans la défense d’un Polynésien devant le tribunal administratif de Paris, face au Civen (le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires), qui apprend que son père, un ancien militaire, est en fin de vie. Elle le retrouve après des années de silence, et découvre qu’il a accumulé des archives précieuses sur les essais nucléaires. J'ai envie de parler aussi bien des militaires, des civils, des Polynésiens, comme des métropolitains impliqués dans cette histoire.”


Quelle part de vous-même y a-t-il dans ce scénario ?

“L’avocate, c’est un peu le jeune journaliste que j’étais : avide de comprendre. J’étais le gamin qui avait envie de savoir, mais qui n'arrivait pas à avoir la vérité, parce que c’était un grand secret. Ça se passait à mille kilomètres de chez nous, mais finalement, on ne savait pas ce qui se passait, alors qu’il se jouait un truc incroyable : près de 200 tirs nucléaires. Enfin, ce n’est pas rien.” 

Comment abordez-vous les conséquences sanitaires et sociales des essais ?

“Le film ne montrera pas d’archives d’explosions atomiques – on les a vues. Je préfère utiliser des voix off, des témoignages, des images fixes qu’on va essayer d’animer grâce à l’IA [intelligence artificielle, NDLR]. Ce sera une manière pour moi de montrer, d'informer. Je collabore avec des associations comme l’Aven [Association des vétérans des essais nucléaires, NDLR], qui m’aident à collecter des récits. Le personnage principal se confronte à des dossiers, des photos, des témoignages – autant d’échos d’une mémoire collective.”

 Vous insistez beaucoup sur la transmission. C’est votre priorité ?

“Oui, transmettre et informer. En France, 90% des gens ne savent pas ce qui s’est passé à Tahiti entre 1966 et 1996. Et dans le monde, Tahiti évoque les cocotiers, Bora Bora, les dauphins… Pas 193 essais nucléaires. J’ai envie de dire : ‘Regardez, écoutez, comprenez.’ On n’invente rien. Tout ce qu’on va raconter a déjà été publié, dévoilé. Ce n’est pas un film militant ou à charge – d’ailleurs je ne suis pas un anti-nucléaire –, mais un récit qui pose des questions essentielles : pourquoi tant d’essais ? Pourquoi là-bas ? Pourquoi le silence ? Mon film ne condamne pas. Il raconte, c’est tout.”

Justement, à quel public s’adressera le film ?

“À tous. Bien sûr, je veux sensibiliser le public métropolitain, très mal informé. Mais Aldébaran parle aussi aux Polynésiens. Le film n’existe pas sans eux. Il y aura des personnages polynésiens, des voix polynésiennes. Et pourquoi pas présenter le film au Fifo, ou du moins à Tahiti ?”

Vous êtes en recherche de comédiens polynésiens, c’est bien ça ?

“Oui, il y a deux rôles, petits mais importants : un ancien travailleur polynésien des sites nucléaires, autour de 70 ans, et une femme d’une soixantaine d’années, la belle-mère de l’héroïne, Polynésienne elle aussi. Ce sont des rôles secondaires mais très symboliques. Je cherche des comédiens en métropole, pour des raisons logistiques. Mais je suis en lien avec la Délégation de la Polynésie pour élargir le casting. J’ai aussi besoin de voix off polynésiennes – des témoignages pour donner chair à la mémoire collective.”

Quel est le calendrier de production ?

“Le tournage est prévu pour cet automne en France. Le film durera 20 à 25 minutes. Il devrait être prêt début 2026 pour les festivals et les diffuseurs. Je cible des chaînes comme France Télévisions, Arte, Canal+. Mais j’aimerais aussi que le film circule dans des associations, des ciné-débats avec l’Aven, partout en France. Ce n’est pas un projet commercial ; c’est une œuvre de mémoire.”

Qu’en est-il d’un autre projet de long-métrage à Tahiti, Le Sang du corailadaptation du roman éponyme de Monak (2022), qui raconte le parcours chaotique d’une raerae ? 

“Il est écrit, prêt, mais en phase de financement. C’est un projet ambitieux. On a fait des repérages, on a identifié les personnages, mais tourner six semaines à Tahiti, ça coûte très cher. Il faut des partenaires, des diffuseurs, des distributeurs… Je suis confiant, mais cela prend du temps. On fera d’abord peut-être un court-métrage également. En attendant, Aldébaran me permet d’avancer et de continuer à parler de la Polynésie, autrement.”



Aldébaran, un nom chargé de silence
 
Aldébaran est d’abord une étoile. La plus brillante de la constellation du Taureau. Mais c’est aussi le nom donné à un tout autre éclat : celui du premier essai nucléaire atmosphérique français en Polynésie, mené le 2 juillet 1966 à 5h34 sur l’atoll de Moruroa. Choisir ce nom pour le film, c’est convoquer ce double sens : la lumière fascinante d’un astre et l’éclat destructeur d’une bombe. 
 
Pitch du film, selon le réalisateur Pascal Galopin :
 
“Alors qu’elle défend, à Paris, un Polynésien tombé malade après les essais nucléaires français, une jeune avocate voit ressurgir son propre passé. De retour chez ses parents après une longue absence, elle affronte les silences de son histoire familiale et retrouve son père, ancien militaire lui aussi exposé à la radioactivité, à l’agonie. En découvrant les archives qu’il a patiemment rassemblées sur les victimes des essais en Polynésie, elle reprend le flambeau de son combat, transformant peu à peu sa bataille juridique en un véritable devoir de mémoire.”

Rédigé par Darianna Myszka le Lundi 7 Juillet 2025 à 15:21 | Lu 2231 fois