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Au Chili, une île de pêcheurs s'embrase à cause de la "marée rouge"


Etals de poissons vides, pénuries de produits de bases, barrages de pneus enflammés et touristes bloqués sur cette île du sud du Chili: la colère des pêcheurs de Chiloé gronde face à la prolifération d'algues toxiques qui les a mis au chômage forcé.

Lundi, ces travailleurs de la mer ont débuté leur deuxième semaine de protestations sur cette île de 170.000 habitants, située à environ 1.000 km au sud de Santiago, pour réclamer une compensation suffisante de l'Etat.

Le gouvernement, qui a interdit l'extraction de fruits de mer dans la région à cause de l'apparition massive d'algues, a eu beau mettre la main au portefeuille, le compte n'y est pas.

Les représentants des pêcheurs ont refusé la dernière proposition du gouvernement de la présidente socialiste Michelle Bachelet: un bon de 400.000 pesos chilien (environ 600 dollars) chacun, ainsi que 250.000 pesos (225 dollars) par famille.

Dépêché sur place pour mener les négociations, le ministre de l'Economie Luis Felipe Céspedes leur a demandé d'être "raisonnables" tout en soulignant que le dialogue restait ouvert.

Le gouvernement a annoncé qu'il effectuerait de toute façon un premier versement aux familles de pêcheurs.

Depuis une semaine, les accès en bateau sont bloqués par les pêcheurs, qui ont monté des barrages de pneus enflammés sur les routes et réclament une plus grande aide de l'Etat.

La protestation s'est étendue lundi à la capitale, où une centaine de personnes ont manifesté devant le palais présidentiel de La Moneda en signe de solidarité.

- Espèces décimées -
A Chiloé, les cours ont été suspendus dans plusieurs communes et les touristes sont restés coincés sur l'île.

"Nous sommes arrivés le 25 (avril) et ensuite a commencé le chaos", a raconté à l'AFP Nora Vivente, une touriste argentine.

"Leur revendication est juste et nous la soutenons mais malheureusement cela nous affecte indirectement, nous aimerions qu'ils nous donnent une solution" pour quitter l'île, a-t-elle ajouté.

A Ancud, une des villes de Chiloé, le marché était fermé faute de marchandises et les stations-essence de l'île n'avaient pas été ravitaillées.

Provoquée par la prolifération d'algues qui consomment l'oxygène disponible et génèrent des toxines vénéneuse pour les mollusques, la "marée rouge" est un phénomène habituel qui connaît une forte intensité ces derniers mois.

Les côtes chiliennes ont récemment été le théâtre d'épisodes alarmants, avec la mort de milliers de saumons, de sardines, de baleines et de machas, un coquillage typique de la région.

Certains scientifiques relient ces événements au phénomène climatique El Niño, qui réchauffe la mer et entraîne notamment une multiplication d'algues.

Mais les pêcheurs affirment que, si cette "marée rouge" est si virulente, c'est en raison des tonnes de saumons contaminés par ces algues déversés en mer en début d'année. L'industrie du saumon, puissante dans ce pays qui en est le deuxième producteur mondial, derrière la Norvège, réfute ces accusations.

Avec 800.000 tonnes par an et 3,5 milliards de dollars de recettes, elle souffre également de ce conflit. Selon les calculs du secteur, le blocage des routes entraîne des pertes de neuf millions de dollars par jour, Chiloé concentrant les deux tiers des sites de production du pays.

Une troisième hypothèse a surgi récemment: les cendres provenant de l’irruption il y a un an du volcan Calbuco, conjugué au phénomène El Niño, auraient agi comme un fertilisant, selon David Cassis, chercheur de l'université chilienne de Santo Thomas.

Le gouvernement chilien a annoncé vendredi qu'il demanderait "à un groupe de scientifiques indépendants qu'ils réalisent les études nécessaires afin d'évaluer ces hypothèses".


Rédigé par () le Mardi 10 Mai 2016 à 06:59 | Lu 975 fois