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AstraZeneca, le vaccin mal-aimé


Paris, France | AFP | jeudi 08/04/2021 - "AstraZeneca? J'en veux pas!" Médecins et responsables de centres de vaccination à travers la France s'alarment de la méfiance, voire de la peur qui montent envers ce vaccin anti Covid-19, alimentées par les effets secondaires très rares qu'il peut provoquer.

"Les gens nous disent qu'ils ont peur, peur de mourir, d'avoir un effet indésirable", explique à l'AFP le Dr Thierry Mraovic.

Le week-end de Pâques, le centre de vaccination qu'il coordonne à Gravelines (Nord) a "fait seulement 132 injections" avec ce vaccin réservé aux plus de 55 ans, pour 750 doses disponibles.

"Des personnes avaient des rendez-vous, elles sont reparties quand elles ont vu que c'était Astra, en disant +je n'en veux pas+. Le centre de Dunkerque a tenté de nous envoyer des gens éligibles à l'AstraZeneca, personne n'est venu", soupire-t-il, en soulignant que les doses n'ont pas été perdues mais "rendues à la pharmacie hospitalière".

"Mes patients refusent l'AstraZeneca", confirme Didier Legeais, chirurgien-urologue également responsable d'un centre de vaccination pour soignants à Grenoble.

"Ils téléphonent pour dire qu'ils veulent du Pfizer, ils décalent ou annulent leurs rendez-vous au dernier moment. Donc forcément, on risque d'avoir des doses d'AstraZeneca sur les bras", redoute le Dr Legeais, vice-président du syndicat des médecins de l'Isère.

Cette désaffection pour l'un des quatre vaccins autorisés en Europe arrive au mauvais moment pour la campagne de vaccination française. 

"Pédagogie"

Longtemps accusée d'être trop lente, la campagne doit accélérer en avril, avec la livraison de 12 millions de doses tous vaccins confondus, dont 3 millions d'AstraZeneca, selon les chiffres du ministère de la Santé.

"Bien sûr qu'on a des craintes autour d'une défiance qui pourrait s'installer", reconnaît-on dans l'entourage du Premier ministre Jean Castex, avant de relativiser: "C'est difficile d'évaluer les conséquences. Mais a priori, il n'y a pas lieu d'avoir des inquiétudes sur le fait qu'on ne tienne pas nos objectifs".

"Il y a un discours très sonore autour d'une défiance qui s'installerait, et une réalité de terrain, de chiffres", veut-on croire au ministère de la Santé.

"La semaine dernière on a fait 400.000 vaccinations AstraZeneca. Les professionnels de santé ont passé des commandes très importantes de vaccins, près de 1,5 million sont arrivées la semaine dernière", poursuit-on de même source.

"Il est important de pouvoir rassurer les gens sur le vaccin, non pas parce qu'on veut absolument le refourguer, mais parce que l'AstraZeneca protège efficacement des formes graves, quasiment autant que le Moderna et le Pfizer", conclut-on au ministère.

Dans l'entourage de Jean Castex, on insiste sur le besoin "de pédagogie, d'explications après tant de rebondissements dans le parcours de ce vaccin".

Des rebondissements qui ont pu déconcerter le grand public.

Le 2 février, juste après son autorisation, AstraZeneca est d'abord réservé aux moins de 65 ans, faute de données sur son efficacité chez les plus âgés. Un mois plus tard, son utilisation est élargie à tous les âges.

Bénéfices

Puis, mi-mars, le vaccin est suspendu quelques jours après des signalements en Europe de thromboses (caillots sanguins) très rares et très atypiques. L'Agence européenne des médicaments (EMA) a reconnu mercredi qu'ils étaient bien liés à l'AstraZeneca.

Entre-temps, la France décide le 19 mars d'injecter ce vaccin uniquement aux plus de 55 ans, car ces thromboses ont surtout été observées chez des sujets plus jeunes. Les autorités sanitaires n'ont toujours pas annoncé ce qui allait se passer pour les moins de 55 ans qui avaient eu leur première injection.

D'autres pays ont également fixé des limites d'âge, mais sans forcément choisir la même, ce qui peut nourrir la confusion. AstraZeneca est par exemple réservé aux plus de 30 ans au Royaume-Uni, de 60 ans en Allemagne ou de 65 ans en Suède.

Pour Yannick Frezet, médecin généraliste à Rive de Gier (Loire), la suspension de mi-mars a été un tournant.

"A partir de ce moment-là ça a été une défiance générale et totale", raconte le Dr Frezet, vice-président de l'URPS (Union régionale des professionnels de santé).

"Avant, j'avais 50 demandes pour 10 doses et maintenant il faut que j'appelle les patients pour faire de la pédagogie. Je prends le temps de leur expliquer que le bénéfice de ce vaccin est plus important que le risque", poursuit-il.

C'est aussi ce sur quoi insistent l'EMA comme l'OMS (Organisation mondiale de la Santé): elles ont martelé ces dernières semaines que les risques d'hospitalisation ou de décès entraînés par le Covid dépassaient de très loin celui des effets secondaires d'AstraZeneca.

Rédigé par RB le Jeudi 8 Avril 2021 à 05:55 | Lu 195 fois