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Association 193 : « Faire la vérité sur les essais nucléaires »


Père Auguste (à droite)
Père Auguste (à droite)
PAPEETE, le 13 janvier 2015. La nouvelle association 193 souhaite que l’État « demande pardon aux Polynésiens » pour les 193 essais nucléaires tirés en Polynésie. Elle réclame aussi que le 2 juillet 1966, jour du premier essai tiré depuis Moruroa, devienne une date officielle de commémoration.


Père Auguste se souvient avoir vu lorsqu'il était jeune un grand poster affiché dans un fare qui représentait un tir atmosphérique tiré en 1971 à Moruroa. « Les Polynésiens étaient fiers d'afficher ces essais nucléaires. Puis, on est passé à un moment, où il faut tout oublier. Non, il faut en parler », insiste Père Auguste. Celui-ci a créé il y a près de trois mois, l'association 193. Cent quatre-vingt-treize, c'est le nombre d'essais nucléaires (atmosphériques, de sécurité et souterrains) réalisés sur les atolls de Moruroa et Fangataufa entre 1966 et 1996.

Après trois mois d'existence, l'association revendique 425 adhérents et 1 016 pétitionnaires. Elle insiste : « Nous ne voulons pas faire concurrence aux associations qui existent déjà et qui font un bon travail comme Moruroa e Tatou », a mis en avant Père Auguste, président de l'association. « Nous nous situons plus sur un terrain moral ».
L'association revendique dans ses rangs six prêtres et neuf diacres et a son siège social encore pour un mois à la paroisse Christ-Roi, à Pamatai, à Faa'a, mais se défend d'être une « association catholique » .
« 193 » est née après « un élément déclencheur pour beaucoup de Polynésiens ». Ce « déclic », remonte au mois de juin. Après plusieurs jours de débats, la stèle portant la mention « place Jacques Chirac », en l'honneur de l'ancien chef de l'État, a été installée à une centaine de mètres de la stèle des victimes des essais nucléaires, qui ont été relancés en 1995 par Jacques Chirac lui-même.
Le projet de cette installation avait choqué les associations de victimes des essais nucléaires, d'autant que Gaston Flosse avait proposé de déplacer la stèle des victimes au rond-point face à la base marine de Fare Ute.
« Les essais nucléaires ont complètement chamboulé la société polynésienne au niveau social, économique et culturel », souligne Frère Maxime, connu pour son engagement pour l’environnement en Polynésie. « Il faut que nous fassions la vérité sur les essais nucléaires dans tous leurs compartiments pour que les générations présentes et futures connaissent bien l'histoire de la Polynésie. »

« Faire du 2 juillet 1966, une date officielle commémorative »

Chaque année, le 2 juillet 1966, l’association Moruroa e tatou se retrouve au lieu de mémoire au bas de l’avenue Pouvana'a a Oopa pour commémorer la première bombe atomique qui a été expérimentée au-dessus de Moruroa le 2 juillet 1966. « Cette date symbolique est l'amorce du fait nucléaire dans notre pays dont les conséquences restent encore à déterminer », explique l'association. Le 2 juillet 1966, la Polynésie est entrée dans l’ère nucléaire avec le premier essai Aldébaran tiré depuis Moruroa. L'association 193 souhaite que cette date devienne « la date de référence » pour entamer un devoir de mémoire.

« Que la France demande pardon aux Polynésiens »

« C'est le point le plus sensible », prévient Père Auguste, président de l'association 193. «Nous souhaitons que les Polynésiens soient unis pour avoir une parole forte devant l’État. Nous souhaitons que la France demande pardon aux Polynésiens pour libérer la population des frustrations ».
Fin novembre, une résolution demandant à l’Etat une indemnisation pour les conséquences environnementales mais également la reconnaissance du fait nucléaire a été votée à l’assemblée de Polynésie française. Le haussaire Lionel Beffre avait alors indiqué que cette résolution pouvait être « considérée comme un geste inamical vis-à-vis de l'État ». « On ne peut plus entendre ce genre de réactions », a souligné Père Auguste. L'association souhaite donc mener des « actions auprès des autorités publiques permettant aux populations polynésiennes l'obtention d'une demande de pardon de la France et réparation qui en suit, dans un sens du bien commun ». L'association aimerait notamment que l’État s'investisse dans la « santé » des Polynésiens. « Beaucoup d'îles n’ont pas de médecins et la CPS paie les maladies liées à cette période des essais nucléaires », souligne Père Auguste.

Rédigé par Mélanie Thomas le Mardi 13 Janvier 2015 à 11:45 | Lu 3074 fois