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Annoncé en grande pompe l'an dernier, où est passé le fameux plan de transition alimentaire


Le gouvernement a annoncé ce mardi, à Tarahoi, lors de la deuxième séance de la session budgétaire, plusieurs mesures fortes afin de contrer l'épidémie d'obésité. Crédit photo : Archives TI.
Le gouvernement a annoncé ce mardi, à Tarahoi, lors de la deuxième séance de la session budgétaire, plusieurs mesures fortes afin de contrer l'épidémie d'obésité. Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 25 septembre 2024 - Le plan de transition alimentaire (PTrA) 2024 -2034, présenté en grande pompe par le gouvernement en juillet 2023, semble avoir disparu des radars. Alors que le Fenua fait face à une véritable épidémie d'obésité, les mesures concrètes tardent à se mettre en place, malgré les annonces fortes du gouvernement ce mardi à Tarahoi, lors de la session budgétaire. Pourtant, ce plan d’action, déjà ficelé, budgétisé et prêt à l'emploi, dort dans un tiroir.
 
Mais où est passé le fameux plan de transition alimentaire (PTrA) 2024-2034, concocté par le gouvernement Fritch et annoncé en grande pompe, en juillet 2023, lors d'une grande réunion interministérielle par l'équipe Brotherson. Ce plan – qui prévoyait de bousculer l'alimentation au Fenua et promettait une guerre de longue haleine contre l'obésité – paraissait être sur les rails après avoir été annoncé par Taivini Teai, le ministre de l'Agriculture et de la Transition alimentaire. Pourtant, depuis, on n’en entend plus parler et ce PTrA semble désormais perdu dans les limbes gouvernementales.
 
Et ce n’est pas faute d’avoir des raisons d’agir. La Chambre territoriale des comptes a publié un rapport accablant sur l’obésité en Polynésie française, dont Tahiti Infos a fait écho ce lundi. Le rapport a été étudié ce mardi lors de la deuxième séance de la session budgétaire à Tarahoi. Face à cette prévisible bombe, Cédric Mercadal, ministre de la Santé, a promis des mesures musclées, histoire de montrer qu’on prend le problème à bras-le-corps : prévention, “sport sur ordonnance” et même la création de 200 postes de “coachs de santé et bien-être”. L'exécutif ne s'est d'ailleurs pas arrêté là, puisque le ministre de l'Économie, Warren Dexter, a dégainé, à la surprise générale, une promesse de hausse de la TVA sur les produits sucrés, allant de 5 à 16 %, en fonction de leur teneur en sucre. Une initiative qui nécessitera du “courage politique”, comme l’a si bien relevé Steve Chailloux, élu Tavini.
 
Le plan qui valait 30 millions

Mais une question persiste : où est donc ce fameux plan de transition alimentaire, celui dévoilé par Taivini Teai en juillet 2023 ? Présenté avec tambours et trompettes pour un début de mise en œuvre prévue initialement en juin 2024, il semble s’être volatilisé et être bien loin des priorités gouvernementales. La raison ? Probablement des “problèmes de coût”, selon une de nos sources. Apparemment, le gouvernement aurait froncé les sourcils en découvrant la facture.
 
“Souvenez-vous, à l’époque du Covid-19, quand on comptait vingt morts par jour, les autorités, comme tout le monde, ont compris l’urgence de changer profondément nos habitudes alimentaires”, confie ce même interlocuteur “On a donc demandé à la Direction de l’agriculture (DAG) et à la Direction de la Santé de conduire l’élaboration d’un plan de transition alimentaire. De très nombreuses personnes issues de l'administration et de la société civile ont été mobilisées. Le changement de gouvernement intervenu en mai 2024 aurait pu  mettre un terme à cette démarche. Mais après l'investiture de la nouvelle équipe, l'avant-projet et les différents ministres concernés ont demandé à leurs équipes de poursuivre le travail. A l'issue de la réunion interministérielle du 23 juillet 2023, largement relayée dans les médias, il a été annoncé que le plan serait adopté en fin d'année 2023.” Alors, pourquoi ce plan, dûment ficelé, qui a coûté la bagatelle de 30 millions de francs aux contribuables, sans parler des heures de travail englouties par les équipes des différents services administratifs mobilisés, dort-il aujourd'hui dans un tiroir ?
 
La réponse serait, comme bien souvent, dans les chiffres. Le coût du plan a fait tiquer : 750 millions de dépenses annuelles nouvelles en fonctionnement et 600 millions par an en moyenne de dépenses nouvelles en investissement (sur la durée prévue du plan qui est de 10 ans). Tous ces chiffres doivent bien sûr être mis en relation avec au moins 20 milliards de dépenses annuelles de santé liées à l'alimentation. "Comme dans tout projet de ce type, il aurait été possible de revoir certaines actions,  de prioriser différemment, mais plus le temps passait, plus on pouvait craindre que rien n'allait être fait”, regrette notre source. Résultat ? Aux dernières nouvelles, le plan ne sera pas  repris.
 
À ce sujet, nous avons tenté de contacter le ministre de l'agriculture en charge de l'alimentation, Taivini Teai pour obtenir des éclaircissements. Malheureusement, son agenda trop chargé l’a empêché de répondre à nos sollicitations. On se souvient pourtant de son enthousiasme lors de la réunion interministérielle, où il soulignait l'importance capitale de ce plan.
 

Le gouvernement avait annoncé la future mise en œuvre du plan de transition alimentaire 2024-2034 lors d'une réunion interministérielle en juillet 2023. Crédit photo : présidence.
Le gouvernement avait annoncé la future mise en œuvre du plan de transition alimentaire 2024-2034 lors d'une réunion interministérielle en juillet 2023. Crédit photo : présidence.
 Un virage agro-alimentaire
 
Tahiti Infos a pu consulter ce fameux PTrA (plan de transition alimentaire). Un document de près de 80 pages, dense et ambitieux, avec plus de 90 actions concrètes. Tout un programme pour transformer radicalement le système alimentaire du Fenua, sur dix ans. L'objectif ? Une alimentation saine, durable et adaptée à la culture locale ; booster la production des archipels ; faciliter l’accès économique à des produits sains ; encourager l’autoconsommation ; et rendre les produits locaux accessibles à tous. En bref, un virage agro-industriel de grande ampleur au service de la santé publique.
 
Le plan, élaboré en partenariat avec les médecins et les cadres de la Direction de la santé et de la Direction de l'Education, prévoit aussi de renforcer les moyens des établissements scolaires pour le programme “École en santé”, d'améliorer l’encadrement sanitaire des filières animales, de faciliter l’accès au foncier pour les agriculteurs ou bien encore de créer une banque alimentaire à Papeete, pour offrir des produits de qualité aux ménages les plus précaires.
 
Certes, ces propositions ne promettent pas de résoudre instantanément la crise de l'obésité et n'ont, sur le papier, rien à envier aux annonces faites ce mardi par le gouvernement à Tarahoi. Mais elles ont le mérite de constituer une véritable politique publique au travers d'un cadre opérationnel chiffré. Avec deux ans de travail pour concevoir un tel plan, si le gouvernement choisit de repartir de zéro avec un nouveau projet à long terme contre l'obésité, on peut se préparer à attendre. 
 

 

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 26 Septembre 2024 à 08:00 | Lu 2673 fois