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Affaire Sofipac : des peines bien en-deçà des réquisitions du procureur


Yolande Wong Lam (à g.) et William Bernier, les deux principaux protagonistes de l'affaire, à l'audience du tribunal correctionnel en octobre 2015.
Yolande Wong Lam (à g.) et William Bernier, les deux principaux protagonistes de l'affaire, à l'audience du tribunal correctionnel en octobre 2015.
PAPEETE, le 19 janvier 2016 - Le tribunal correctionnel a rendu son délibéré ce mardi matin dans l'affaire Sofipac, ce vaste dossier d'escroquerie à la défiscalisation jugé en fin d'année dernière et portant sur plus de 3,8 milliards de francs. Aucun mandat de dépôt n'a été prononcé et les peines sont relativement légères comparées à celles préconisées par le parquet à l'audience, en octobre dernier.

Une peine de 7 ans de prison ferme, avec mandat de dépôt, et 100 millions de francs d'amende avait été requise par le ministère public à l'encontre de William Bernier, ancien patron de la Sofipac, ce cabinet de défiscalisation basé à Tahiti à la fin des années 2000 et chef d'orchestre désigné de cette escroquerie portant sur plus de 3,8 milliards de francs. Cet ancien banquier de 71 ans avait tenté de mettre fin à ses jours à l'époque, sonné par ces réquisitions. Absent ce matin du tribunal –il est retourné en métropole où il vit- William Bernier a été reconnu coupable mais échappe au placement immédiat en détention. Il est condamné à 5 ans de prison dont 3 ans avec sursis, 50 millions de francs d'amende et 5 ans d'interdiction de gérer. Son épouse est condamnée pour blanchiment.

5 ans de prison ferme, avec mandat de dépôt également, et 50 millions de francs d'amende avaient été requis contre Yolande Wong Lam, la principale apporteuse d'affaire de la Sofipac. Elle aussi échappe au mandat de dépôt et écope de 4 ans de prison dont 3 années avec sursis, 35 millions de francs d'amende et 5 ans d'interdiction de gérer. Elle avait monté des centaines de dossiers de défiscalisation bidons après avoir démarché des dizaines d'éleveurs, petits producteurs de vanille et autre gérants de pension de famille, profitant notamment du carnet d'adresse de Ruben Amaru.

A ce titre, l'ancien vice-président de la chambre d'agriculture, qui a lui aussi participé au montage de quelques dossiers, écope de 8 mois de prison avec sursis et 1 million de francs d'amende, conformément aux réquisitions du parquet qui avait jugé l'homme de bonne foi pendant l'enquête quand il avouait ne pas comprendre grand-chose à ce qu'il faisait ou à ce qu'on lui demandait de faire, manipulé par Yolande Wong Lam.

Sursis et relaxe pour les seconds couteaux

La fille de Yolande Wong Lam, Graziella Wong Lam, est condamnée à 1 an de prison avec sursis et 2 millions de francs d'amende pour avoir capté sur son compte en banque personnel, et sur instruction de sa mère interdit bancaire, l'argent des commissions que cette dernière se versait.

Joël Marama, prévenu entre autre pour avoir maquillé du matériel d'occasion en matériel neuf afin de le faire entrer dans le cadre des dispositions prévues par la loi Girardin écope de 20 millions de francs d'amende, 18 mois de prison dont 12 mois assortis du sursis.

Franck Tehaamatai, autre apporteur d'affaire central du dossier notamment dans le secteur de la perliculture ou sa responsabilité est engagée dans près de 80 dossiers, écope de 3 ans de prison dont 30 mois avec sursis, 30 millions de francs d'amende et 5 ans d'interdiction de gérer pour sa participation active à l'escroquerie. 3 ans de prison ferme et 40 millions de francs d'amende avaient été requis contre lui.

30 millions de francs d'amende et 2 ans de prison avec mandat d'arrêt ont été prononcés contre Walter Hugon –il ne s'était pas présenté au procès- pour sa participation au montage des dossiers frauduleux. Des peines d'amende et de prison avec sursis ont été prononcées contre deux seconds couteaux de l'affaire, un troisième a été relaxé des fins de la poursuite.

Pas de dommages et intérêts pour la Polynésie française

Entre novembre 2006 et décembre 2009, la Société financière du Pacifique de William Bernier a ainsi procédé au montage administratif et financier de 311 dossiers de défiscalisation pour une escroquerie pharaonique finalement chiffrée à plus de 3,8 milliards de Fcfp, pour 1, 37 milliards de francs de crédits d'impôts non perçus par l'Etat mais au profit des prévenus. Si chacun des prévenus a été condamné à indemniser l'Etat à hauteur d'une centaine de milliers de francs chacun, en plus des lourdes peines d'amende, la Polynésie française n'a pas été reçue dans sa demande de dommages et intérêts.

William Bernier et ses apporteurs d'affaire, l'intrigante Yolande Wong Lam en tête, étaient soupçonnés, chacun à leur niveau, d'avoir mis en place et entretenu pendant toutes ces années une façon très personnelle de gérer les dossiers de défiscalisation instruits par la Sofipac, en prenant de sérieuses libertés avec le cadre légal régissant le dispositif Girardin d'incitation à l'investissement outre-mer. Dossiers fictifs, fausses factures, perception anarchique de commissions, rétention arbitraire sur un compte bancaire au nom de la société puis distribution sporadique et hors cadre légal de l'argent censé être investi par les bénéficiaires des projets défiscalisés, montages illégaux pour l'achat de matériel d'occasion donc inéligible au dispositif Girardin : un contrôle de l'administration fiscale avait fini par découvrir ces dysfonctionnements en série avant d'en alerter la justice.

La Sofipac prenait soin que ses dossiers ne dépassent pas le seuil des 36 millions de francs, des marchés en dessous desquels l'agrément du ministère des Finances n'était pas nécessaire et les contrôles de réalisation a posteriori quasi inexistants.


Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 19 Janvier 2016 à 11:45 | Lu 4161 fois