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Affaire OPT : beaucoup d’argent liquide en circulation


Geffry Salmon a été au coeur des débats, vendredi 28, dans l'instruction à l'audience du procès Flosse Haddad
Geffry Salmon a été au coeur des débats, vendredi 28, dans l'instruction à l'audience du procès Flosse Haddad
Dans le cadre de l’instruction à l’audience de l’affaire Flosse Haddad, vendredi 28 septembre, le Tribunal s’est intéressé à certains mouvements de liquidités, du groupe Haddad vers l’extérieur, via Michel Yonker, l’homme de confiance d’Hubert Haddad. Après avoir constaté la veille la nature très défavorable à l’Office des affaires entre l’OPT et le groupe 2H, le tribunal correctionnel a entendu Geffry Salmon au sujet de plusieurs remises en espèces dont il a été le bénéficiaire. Salmon est un homme clé dans ce dossier : proche de Gaston Flosse, directeur général de l’Office des postes et télécommunications puis Pca de l’OPT avant de devenir Pdg d’Air Tahiti Nui, entre 2000 et 2006.

Le Tribunal s’est ensuite intéressé à l’influence qu’a pu avoir Gaston Flosse pour favoriser le groupe 2H, d'Hubert Haddad. Il était alors président du gouvernement jusqu’en mai 2004. L’instruction a établi des relations avec Hubert Haddad depuis au moins 1987. Le sénateur sera plus particulièrement interrogé lundi à ce propos. Il sera également entendu sur les 10 millions Fcfp qu’il a reçu du groupe Haddad, chaque année de 1993 à 2005, via Michel Yonker et Melba Ortas, sa secrétaire personnelle. Entendu également sur les 40 millions en espèces, adressés via le même circuit en 4 versements de novembre 2004 à février 2005.
Des sommes prétendument données à Gaston Flosse par l'homme d'affaires pour financer le Tahoera'a Huiraatira mais dont on ne trouve aucune trace dans la comptabilité du parti politique.

Les recherches effectuées en 2009, lors de l’instruction, dans la comptabilité et dans les relevés bancaires de 4 des sociétés du groupe 2H ont établi un total de 77 retraits en espèces sur les comptes bancaires de diverses sociétés du groupe 2H pour un total de 112.5 millions fcfp en six ans, de juin 2000 à mai 2006. Tous ces retraits ont été imputés sur le compte courant d'associé d'Hubbert Haddad.

Une partie de ces sommes est soupçonnée avoir servi à alimenter des réseaux de corruption, dans la même période, notamment en faveur de l'ancien homme fort du pays, Gaston Flosse, mais également et dans une moindre mesure, en faveur d'Emile Vernaudon, ministre de l'OPT, Geffry Salmon, directeur général puis Pca de l'office et Alphonse Teriierooiterai, qui lui a succédé.

Geffry Salmon a confirmé, vendredi à l’audience, avoir bénéficié de versements d’espèces remis sous enveloppes Kraft dans des conditions assez romanesques par Michel Yonker, l’homme de confiance d’Hubert Haddad et directeur du groupe 2H.
Mais il s’est borné à l’année 2006 et à 3 versements en février, mars et juin, pour un total de 2.6 millions Fcfp. Et encore en les qualifiant de « dépannages ».

Lui qui avait comparé le « système Haddad », lors d’un commentaire recueilli pendant l’instruction en 2009, à une « pieuvre » présente à tous les niveaux et dont le fonctionnement consiste à accorder des avantages financiers à ceux qui contribuent à lui faciliter l’octroi de marchés, Geffry Salmon nie aujourd’hui avoir été de quelque influence dans l’octroi à Yellow On Line du marché de la régie des ventes publicitaires de l’annuaire téléphonique officiel de l’OPT, alors qu’il en était le directeur général en 2002, pas plus de favoritisme lorsque Pdg d’Air Tahiti Nui il assurera un monopole de fait à Reva Tahiti ou Oba Pub, deux émanations du groupe Haddad. Il nie surtout un quelconque lien de corruption avec le groupe 2H.

Non, ces remises d’espèces sont des dépannages : « J’étais en déshérence professionnelle », explique-t-il. « Depuis le 7 juillet 2005 j’étais redevenu simple agent de l’OPT »

« Simple agent ? », demande la présidente du Tribunal. « Quel salaire mensuel perceviez-vous à l’époque ? »

« 800.000 fcfp madame la présidente. ».

Le procureur : « Vous sollicitez Hubert Haddad pour un secours financier. Que ne vous êtes-vous pas servi dans les avoirs que vous aviez à la banque ? », interroge-t-il, évoquant le pactole de près de 150 millions Fcfp qui sera retrouvé à l'actif de Geffry Salmon, plus tard, sous forme de bons au porteur à la banque Socredo.

« J’ai toujours géré mes affaires ainsi », témoigne le prévenu.

Interrogé à propos de ces « dépannages», Hubert Haddad, les mains posées sur la barre, paumes retournées vers le ciel et le verbe courtois s’adresse au Tribunal :
« Madame la Présidente, comme je le faisais à chaque fois à l’époque, lorsque je descendais à Tahiti, j’ai séjourné au Hilton. J’ai invité en toute amitié M. Salmon à prendre le petit déjeuner. J’ai alors vu un homme abattu, déprimé, au bord du suicide. Je pense qu’il était sous prozac à l’époque. Il était au bord du gouffre. Il m’a expliqué que l’Austin de sa fille avait pris l’eau, ou avait été inondée : il fallait qu’il en rachète une. A Tahiti, vous le savez comme tout le monde, Madame la Présidente, à un million on ne trouve pas de voiture. J’ai donc décidé de lui tendre la main, comme on le fait à quelqu’un qui en a besoin. (…) Vous savez, depuis ma plus tendre enfance, on m’a toujours appris à tendre la main à quelqu’un lorsqu’il en a besoin. Et peut être que si Geffry Salmon est devant nous aujourd'hui, c'est grâce à ce geste. (...) Vous savez, je ne pratique pas la corruption : c’est contraire à ma religion».


Pourtant, c’est bien le procès de la corruption et d’un certain fonctionnement des affaires en Polynésie, qui est à l’œuvre depuis lundi 24 septembre, au Palais de Justice de Papeete. Un procès qui avance, chaque jour un peu, et devrait s’achever vendredi 5 octobre.

Rédigé par Jean Pierre Viatge le Vendredi 28 Septembre 2012 à 18:50 | Lu 4311 fois