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Affaire OPT : Flosse revendique la confusion de patrimoine avec le Tahoera’a


Affaire OPT : Flosse revendique la confusion de patrimoine avec le Tahoera’a
" Le Tahoera’a c’est Gaston Flosse depuis 30 ans", a lancé au tribunal L'ancien président du Territoire, pour justifier les 160 millions Fcfp qui lui ont été remis en espèces par Hubert Haddad, de 1993 à 2005, et dont on ne trouve aucune trace dans la comptabilité du parti politique.

L’audition des prévenus au procès en correctionnelle de l’affaire OPT (Office des postes et télécommunications) s’est achevée mardi 2 octobre par celle du sénateur Gaston Flosse, président de la Polynésie française jusqu’en mai 2004.

Place aux plaidoiries des parties civiles, mercredi 3 octobre. Place également au réquisitoire du ministère public. Il ne sera pas tendre, selon toute vraisemblance.

L’ancien homme fort du pays a été entendu mardi sur les remises en espèces, qu’il a reçues en toute discrétion d'un proche d’Hubert Haddad, de 1993 à 2005, pour un montant total évalué, lors de l’instruction, à 160 millions Fcfp. Etaient-ce des pots-de-vin en échange de services rendus au groupe Haddad ? Le vieux lion est placé sous contrôle judiciaire depuis le 23 décembre 2009, dans cette affaire. Il est prévenu pour les chefs de corruption passive, recel d’abus de biens sociaux et complicité de destruction de preuves.

La confrontation avec Hubert Haddad n’aura pas eu lieu. Victime d’une angine de poitrine la veille, l’homme d’affaires s’est présenté à l’audience du tribunal correctionnel avec une petite mine, mardi matin 2 octobre, au Palais de Justice de Papeete. Un certificat médical délivré à la suite du malaise et la contre-expertise demandée par le tribunal s'accordent pour exiger du malade le plus strict repos. Le Tribunal n'aura entendu Hubert Haddad que quelques minutes. Le temps pour lui de certifier qu’il assume toutes les déclarations qu’il a faites au juge d'instruction en 2009.

L’homme d’affaires, 64 ans, est sous le coup d’une ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel pour les chefs d’abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption active, recel de favoritisme et complicité de recel de favoritisme, dans le cadre de l’affaire des annuaires téléphoniques de l’OPT. Il est actuellement sous contrôle judiciaire et a fait l’objet d’un mandat de dépôt du 12 juin au 25 novembre 2009.

De 2000 à 2006, plusieurs de ses sociétés semblent avoir successivement été favorisées notamment pour obtenir le contrat de l’édition et de la régie de la vente publicitaire de l’annuaire téléphonique officiel. Le groupe Haddad (2H) encaissait les recettes publicitaires sans pratiquement reverser un sou à l’OPT de sorte qu’en 2005, en à peine 5 ans, la dette de 2H à l’égard de l’Office se montait à 697 millions Fcfp. Parallèlement 77 retraits d’espèces étaient opérés dans les sociétés du groupe 2H, sans justification comptable, imputés en compte courant d’associé à Hubert Haddad, pour un montant de 112.5 millions Fcfp de 2000 à 2004. Cet argent est au cœur des débats. Une partie de ces sommes est soupçonnée d'avoir servi à alimenter des réseaux de corruption, dans la même période, notamment en faveur de l'ancien homme fort du pays, Gaston Flosse, mais également et dans une moindre mesure, en faveur d'Emile Vernaudon, ministre de l'OPT, Geffry Salmon, directeur général puis président de l'office et Alphonse Teriierooiterai, qui lui a succédé.

Pas de corruption pour Haddad. Il le répète : Oui, il admet avoir de 1993 à 2005 donné de l’argent à Gaston Flosse, en liquide, via Michel Yonker son homme de confiance et par le truchement de la secrétaire particulière du président, Melba Ortas ; Oui, il a fait ces dons jusqu’en 2003 pour aider le Tahoera’a Huiraatira dans son action politique ; Oui, il a ordonné quatre versements de 10 millions Fcfp, fin 2004 début 2005, mais il s’agit de prêts sur parole à Gaston Flosse et il en attend toujours le remboursement. Pour le reste, tout est dans le dossier de l’instruction menée par les juges Stelmach et Redonnet en 2009.

Tout cet argent donné à Gaston Flosse pour le parti politique n’apparait pas dans les comptes du Tahoera’a. Il peut avoir servi à l'enrichissement personnel de l'ancien homme fort du Pays, en contrepartie de faveurs. Le sénateur Gaston Flosse conteste cela. Il était entendu mardi après-midi à ce sujet.

"Le Tahoera’a, c’est Gaston Flosse"

La présidente du Tribunal : Vous êtes au courant que ces versements n’apparaissent pas dans les comptes du Tahoera’a Huiraatira. Comment pouvez-vous justifier l’utilisation de cet argent s’il n’entre pas en comptabilité ?

Gaston Flosse : C’est vrai que ça n’apparait pas. J’ai toujours utilisé tous mes revenus pour mon action politique et sociale. C’est pour ça que je n’ai rien aujourd’hui. C’était pour moi un moyen commode de payer mes dépenses au cours de mes actions politiques (…) et puis tous les mardis dès 4 h 30 je tenais les portes de la présidence ouvertes pour recevoir les personnes dans le besoin. Et il y avait des dizaines de gens qui défilaient pour me demander un travail, une maison, une aide pour payer la cantine des enfants…

La présidente du Tribunal : Cela ne vous dispensait pas de déposer ces sommes sur le compte du Tahoera’a Huiraatira. Alors pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

Gaston Flosse : Vous savez, le Tahoera’a Huiraatira c’est Gaston Flosse, depuis 30 ans.

La présidente du Tribunal : Concernant les remises de pensions alimentaires. Ces espèces provenaient-elles des enveloppes remises par Hubert Haddad ? Il s’agit de sommes importantes et on ne trouve pas de trace sur votre compte en banque.

Gaston Flosse : Je ne peux pas vous dire de manière précise d’où provenait cet argent. Tous mes revenus étaient consacrés, dans un tronc commun, à mon action politique et sociale. Je ne me suis pas enrichi.

Le Procureur Thorel : Vous nous expliquez que cet argent, cette rente en espèces, était destiné à soutenir l’action politique du Tahoera’a Huiraatira. Pensez-vous vraiment que cette manière d’agir, c’est faire de la politique ?

Gaston Flosse : Je vous ai parlé d’action politique et d’actions sociales aussi. Quand on est Président, on doit faire les choses correctement.

Le Procureur : Ne pensez-vous pas que répondre à la démarche individuelle de ces gens qui venaient quémander dans votre bureau revenait à acheter des électeurs ?

Gaston Flosse : Pas du tout. Je ne leur demandais même pas leur appartenance politique.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 2 Octobre 2012 à 19:08 | Lu 2747 fois