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A Mayotte, le Raid essuie des "caillassages"


Gregoire MEROT / AFP
Gregoire MEROT / AFP
Mamoudzou, France | AFP | jeudi 30/11/2022 - Dépêché en urgence à Mayotte pour tenter de mettre un terme aux graves violences entre bandes rivales, le Raid n'y a pas encore été confronté mais n'a pas échappé aux échauffourées habituelles que connaît le département de l'océan Indien.

La durée du déploiement dans l'île d'une dizaine de policiers d'élite sur l'île n'a pas été précisée mais la perspective de son départ inquiète déjà les policiers locaux.

A peine ce renfort annoncé par le gouvernement mi-novembre, les bandes les plus violentes se sont repliées et dispersées, laissant la population abasourdie par un calme inédit.

Cependant, à Vahibé, petit village déshérité coincé entre deux flancs de colline aux confins du chef-lieu Mamoudzou, les forces de l'ordre ont été bien occupées depuis vendredi, quand les policiers locaux se sont rendus dans un bidonville pour arrêter des individus suspectés d'être des "coupeurs de route", rackettant violemment les automobilistes.

Bilan de l'opération: des heures d'affrontement entre les jeunes et la police, deux suspects interpellés et tout un village pris entre deux feux.

Lundi, une autre opération a été menée à Vahibé par la direction territoriale de la police nationale (DTPN, qui regroupe police nationale et police aux frontières), épaulée par le Raid.

Mais l'effet de surprise y est impossible: une seule route permet d'accéder au village depuis Mamoudzou.

"Opération LIC" 

Alors, quand les habitants repèrent le convoi de 4X4 et de fourgons blancs, ils sortent les téléphones pour prévenir les personnes sans papiers qu'une "opération LIC (lutte contre l'immigration clandestine)" est en cours.

Une fois le convoi garé au pied du bidonville de Vahibé, il n'y a déjà plus grand monde à interpeller. 

Une trentaine de policiers se répartissent le terrain. Il y a le Raid, ainsi que le GAO, une unité spéciale de la police aux frontières, comparable à la BAC et reconnaissable aux tee-shirts noirs marqués d'un guépard que revêtent ses membres.

Tandis que les policiers procèdent à l'interpellation de trois hommes en situation irrégulière - les seules de l'opération, les jeunes préparent la riposte. "Regarde, ils sont là, là et là", indique Omar, perché sur un toit qui domine la vallée de brousse et de tôles, au spectacle comme tout le village.

Les premières pierres pleuvent, en provenance de petits groupes de jeunes dispersés dans la colline.

Très mobiles, ils communiquent entre eux en shimaoré, mais invectivent les policiers en français. Lesquels répliquent en plongeant le bidonville dans un épais nuage de gaz lacrymogènes. Dans cet air saturé, les cris, le son des pierres et celui des armes.

"Tu as entendu ? Ça, c'est pas comme d'habitude", commente Nasri, lycéen, alors que plusieurs coups de feu retentissent.

"Ça va reprendre"

Les hommes du Raid ont dégainé leurs fusils à pompe et leurs cartouches de caoutchouc contre les jeunes, torses et pieds nus. Ce qui ne semble pas décourager ces derniers.

"A la fois je les comprends, c'est pas bien ce que la police fait, en plus ils laissent souvent les enfants tout seuls ici. D'un autre côté, on en a marre des délinquants, il y a tout le temps de la violence et on ne peut plus rien faire, même pas aller à l'école, il faudrait les arrêter", témoigne le lycéen.

"Ça changera jamais", poursuit-il, désabusé.

Depuis plusieurs semaines et l'agression d'un chauffeur de bus scolaire caillassé dans le village, les élèves de Vahibé ne peuvent plus se rendre au collège ou au lycée, comme dans une grande partie nord de l'île. Ce qui peut en partie expliquer le calme relatif qui s'est installé: les jeunes de villages rivaux des zones sous tension ne se croisent presque plus.

La présence du Raid semble, elle-aussi, dissuasive. "On aimerait qu'ils restent, c'est un soulagement de les avoir avec nous, mais Paris refuse", explique Abdel Aziz Sakhi, secrétaire zonal Alternative police CFDT.

"Connaissant les jeunes, ça va être la fête quand ils seront partis, ça va reprendre c'est sûr", estime-t-il.

"La date de départ du Raid n'a pas été fixée", indique-t-on place Beauvau. Le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, est lui attendu à Mayotte fin décembre.
 

le Jeudi 1 Décembre 2022 à 05:49 | Lu 498 fois