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A Mayotte, des milliers d’enfants déscolarisés


Mamoudzou, France | AFP | mercredi 14/11/2017 - Plusieurs milliers de mineurs sont déscolarisés à Mayotte, n’allant plus en cours depuis plusieurs mois voire plusieurs années, au mépris du principe de l’instruction obligatoire qui s'impose en France pour tous les enfants, français ou étrangers.

"J'étais consciente de l'abandon de Mayotte par la France mais je ne pensais pas que c’était si important", s'est offusquée Aude Macé, artiste d'une compagnie de théâtre métropolitaine qui s'est rendue dans le 101ème département français pour une dizaine de jours afin d'initier ces enfants au théâtre et leur permettre de s'exprimer.
"L'isolement des enfants me choque beaucoup. Ils doivent apprendre énormément à force d'être seuls, mais comme ils sont seuls, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a forcément des gens qui abusent", a-t-elle ajouté. 
"J'aime bien lire mais je ne vais plus à l’école depuis 2015", explique tristement à l’AFP Hachimia (le prénom a été changé, ndlr), 14 ans, originaire des Comores. "Ils m'ont fait passer un test au vice-rectorat et maintenant, mon dossier est en attente. Mais ils m'ont dit que j'ai un niveau faible, que je devrais aller en CM1 ou en CM2. Je ferais bien un stage (…) mais je ne peux pas car je n'ai pas de papiers", continue l’adolescente. 
Selon Le Village d’Eva, une association qui accompagne actuellement 200 de ces enfants, en 2015 plus de 5.000 mineurs étaient déscolarisés sur le territoire, un nombre "qui a dû augmenter suite aux décasages de l’année dernière", déplore Badrouzamane Bousry, coordinatrice de l'association. En 2016, des collectifs de villageois avaient illégalement expulsé de leurs habitations ceux qu'ils considéraient comme étrangers. 
 

-livrés à eux-mêmes-

Interrogé par l’AFP, le vice-rectorat a admis n'avoir aucun chiffre sur le nombre de mineurs déscolarisés. Mais en septembre, le directeur général administratif de la mairie de Mamoudzou comptabilisait 600 enfants déscolarisés dans le chef-lieu de Mayotte, rien que pour le premier degré.
Bon nombre de ces mineurs sont originaires des Comores. Vivant souvent sans leurs parents restés au pays, ils sont confiés à des membres lointains de la famille résidant à Mayotte, où ils sont "livrés à eux-mêmes, à défaut d'être pris en charge par des associations", a alerté la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) dans un rapport en juillet.
Ceux qu'accompagnent les associations peinent à intégrer un établissement, notamment dans le premier degré où les communes exigent souvent des pièces à joindre au dossier d'inscription hors du cadre légal, a dénoncé la CNCDH. "Un agent d'une mairie m'a expliqué qu’il y en avait trop [des étrangers], que ça permettait d'en dégager", s'indigne Marie Hamel, en service civique au Village d’Eva.
En outre, précise-t-elle, les mairies fournissent rarement un justificatif mentionnant le motif du refus de scolarisation, même si elles y sont légalement contraintes.
Selon la CNCDH, les étrangers "rencontrent (…) plus de difficultés lors de l'inscription scolaire" en raison d’une "défiance générale de la population" et de "l'attribution d’une priorité aux enfants mahorais dans un contexte plus général de manque de places".
D'autres freins administratifs compliquent encore la situation, explique le Village d’Eva, tels l'impossibilité de produire un justificatif de domicile dans les cas où le mineur habite un logement non déclaré ou auto-construit; ou encore l'obtention difficile de la délégation d’autorité parentale lorsque les parents résident aux Comores.
Enfin, le manque de classes adaptées à un public allophone est un obstacle supplémentaire à la scolarisation de tous les mineurs.

le Mercredi 15 Novembre 2017 à 05:19 | Lu 436 fois