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60 milliards de prêts garantis par l'Etat au fenua


Tahiti, le 7 avril 2020 - La Polynésie est éligible au programme exceptionnel de 300 milliards d’euros de prêts garantis par l’Etat aux entreprises, adopté le 23 mars dernier par l'Assemblée Nationale. La procédure, longtemps attendue, a enfin été définie. Ce nouveau type de prêt va permettre de soulager la trésorerie des entreprises frappées par la crise du coronavirus. Mais sous conditions.

A l'annonce de la création du fonds de garantie et de la publication des textes législatifs, petites et grandes entreprises se sont manifestées pour obtenir ces prêts garantis par l'Etat (PGE). Ils seront à souscrire jusqu'au 31 décembre prochain mais dans le respect de certaines conditions.

60 milliards de Fcfp de crédit prévus

Si le nombre d'entreprises polynésiennes concernées n'est pas encore connu –entre 2 et 3 000 selon Claude Periou, directeur de l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) à Tahiti, le montant total susceptible d'être mobilisé va tourner autour de 60 milliards de Fcfp, soit l'équivalent de 10% du PIB, pour ce produit “sophistiqué et inédit”. Un montant sur lequel l'Etat apporte une garantie à hauteur de 90%. Les 10% restants représentent le “risque contenu” pris par les banques “qui y vont à reculons” selon Matahi Brothers, directeur de la Socredo et président du comité des banques de la Polynésie française. Elles ne demanderont aux entrepreneurs aucune garantie supplémentaire et appliqueront les mêmes taux. Comme annoncé, ce sera la Banque publique d'investissement (BPI) qui va garantir pour l'Etat ces prêts qui seront plafonnés à 25% du chiffre d'affaires 2019 pour les entreprises créées avant le 1er janvier 2019 ou à deux années de masse salariale estimée pour celles créées après cette date.

Taux d'intérêt réduit mais commission de garantie

Ces conditions étaient déjà connues, de même que l'absence de remboursement la première année et le choix pour l'entreprise de la durée d'amortissement –de une à cinq années– à l'issue de cette première année. Les critères d'éligibilité écartent toujours les Sociétés civiles immobilières (SCI) ainsi que les entreprises en liquidation judiciaire ou en redressement sans plan de continuation. D'autres modalités ont par contre été précisées. C'est notamment le cas des taux d'intérêt applicables. Ils seront de 0,75% la première année et comprendront une part variable à partir de la seconde. L'entreprise devra également s'acquitter de la commission de garantie de l'Etat à l'avance et en totalité. Cette commission varie de 0,25% à 2% selon la taille de l'entreprise. Un dispositif qui vise donc à permettre aux entreprises qui sortiront de la crise de choisir les modalités les plus adaptées à leur situation financière pour sortir la tête de l'eau.

Nouvelle convergence bancaire

Il y a quelques jours, les banques avaient proposé à leurs clients un report de six mois pour les crédits en cours, pour les entreprises et particuliers demandeurs. 6 000 crédits ont ainsi été reportés, un chiffre qui correspond à une trentaine de milliards en remboursement de capital et intérêt que les banques ne percevront pas pour l'instant. Une pratique commune au niveau des reports qui se retrouve également dans la mise en place des PGE. Même si leur octroi n'est pas automatique, l'examen des dossiers devrait être allégé et identique selon les établissements avec une évidente “recherche de convergence entre les trois banques de la place”. Une convergence déjà constatée dans la baisse des tarifs bancaires il y a quelques semaines. Pour demander un prêt garanti, l'entreprise doit se rapprocher de sa banque. Celle-ci donne un pré-accord ainsi qu'un identifiant du registre du commerce spécifique avec lequel l'entreprise devra faire sa démarche en ligne sur le site de la BPI. La BPI délivrera alors une attestation qui permettra le déblocage du prêt auprès de la banque. Taux et plafonds identiques, procédure unique, traitements des dossiers similaires, ce dispositif, destiné à renforcer la trésorerie des entreprises en difficulté, “n'est pas un outil où l'on va se concurrencer”, affirme Matahi Brothers. Inutile donc de courir de guichet en guichet pour obtenir de meilleures conditions.

Médiation et contrôles possible

Si l'enveloppe de 300 milliards d'euros ouverte au niveau national laisse espérer des comptes meilleurs, Etat et banques ont été catégoriques : L'octroi des PGE n'est pas un droit. Il appartient aux entreprises de faire une demande qui peut être refusée. Faute de remplir les conditions précises d'octroi de crédits, les banques pourront accorder un prêt ou vérifier que les fonds sont utilisés à bon escient. Face à un refus, la médiation de l'IEOM pourra intervenir même si selon Claude Périou, “l'IEOM ne peut pas se substituer à la banque mais peut lui demander des explications” sur des rejets de dossiers. Sur l'utilisation, ces prêts n'ont ainsi pas vocation à servir à rembourser d'autres crédits par exemple. Il va falloir que les chefs d'entreprises prouvent l'existence d'un évident besoin de trésorerie. Des contrôles seront nécessaires même s'ils apparaissent difficiles à mettre en place, “on ne peut pas mettre un banquier derrière chaque compte” résume Matahi Brothers. Des dossiers qui vont donc nécessiter un traitement particulier et des vérifications multiples. Paradoxalement, les banques vont ainsi connaître un surcroit d'activité avec des effectifs limités.

Matahi Brothers, directeur général de la Socredo et président du comité des banques de Polynésie : "On va être très actifs sur le sujet”

Vous avez travaillé avec le Pays sur les reports de crédit, avec l'Etat pour le fonds de garantie, vous êtes un peu au centre de la sauvegarde des entreprises ?
“Oui, on se sent très impliqués dans la situation difficile actuelle que connaissent les entreprises. Il faut saluer la contribution de l'Etat par sa garantie à hauteur de 90% des crédits qui vont être faits pour soulager la trésorerie des entreprises. On va être très actifs sur le sujet. Il faut faire en sorte que les entreprises puissent continuer, puissent tenir sur ces mois qui viennent afin que l'économie reparte sans quoi tout va s'arrêter. Il n'est pas possible d'envisager qu'il en soit ainsi.”

Le report de crédits et les prêts garantis sont-ils cumulables ?

“Tout à fait, les dispositifs des prêts garantis par l'Etat n'empêchent pas le bénéfice des reports. Au contraire, il s'agit de soulager les entreprises au travers d'une trésorerie qui soit le plus abondante possible pour faire face à la baisse de leur chiffre d'affaires”.

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 7 Avril 2020 à 21:00 | Lu 3535 fois