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29 juin : autonomie ou "occupation" ?


29 juin : autonomie ou "occupation" ?
PAPEETE, vendredi 28 juin 2013. Ce 29 juin 2013, l’autonomie sera fêtée discrètement. Cette année ce férié territorial tombe un samedi et n’offre donc pas un jour de congé supplémentaire. Enfin, le programme officiel est pour le moins léger : pas de grand défilé déroulant sur l’asphalte de Papeete tous les archipels polynésiens comme cela a pu être le cas il y a quelques années en arrière. La majorité autonomiste au pouvoir a prévu seulement une «cérémonie commémorative à la stèle de l’autonomie au rond-point du Pont de l’Est» à 8h ce samedi, avant que le gouvernement ne se réunisse, dès 9h en Conseil des ministres extraordinaire.

C’est vrai que les impératifs sont là, et avant que le président Flosse ne se déplace à Paris dans les premiers jours du mois de juillet qui approche, il faut préparer une réforme fiscale bien ficelée et un nouveau collectif budgétaire qui montre le chemin que le Tahoeraa veut faire prendre au développement économique du Pays. Bref, pas de temps à perdre, la majorité est pressée, et pour une fois les symboles seront un peu délaissés. Pourtant cette fête de l’autonomie a été longtemps chère à Gaston Flosse. C’est lui qui l’a instaurée en 1985 après que le premier statut d’autonomie ait été accordé à la Polynésie française. Dans une lettre adressée à l’assemblée territoriale cette année-là, le président du gouvernement Gaston Flosse écrivait : « Un 29 juin célébrera le retour bonifié de ce qui fut donné autrefois ce même jour (…) Au souvenir de la réunion à la France des Îles de la Société et de quelques dépendances, associons celui de l’autonomie acquise sur quatre archipels… ». Mais un siècle auparavant, en 1880, le 29 juin est avant tout dans l’histoire de la Polynésie, la date de la donation à la France des états du roi Pomaré V. Pour certains donc cette date est celle de l’annexion, celle de «l’occupation» comme l’écrit aujourd’hui le Tavini Huiraatira dans un communiqué de presse.


Aussi ironie de l’histoire, si la majorité autonomiste ne célèbre pas vraiment cette année la fête de l’autonomie en grandes pompes, l’UPLD et le Tavini organisent, eux, ce samedi 29 juin : «la commémoration de l'annexion du 29 juin 1880 dans la commune de Faa'a à la stèle de Tavararo. La population est invitée à y participer et à se rassembler dès 17 h à la mairie de Faa'a et au restaurant Océan pour les regroupements jeunes pour ensuite se rendre à la stèle de Tavararo afin d'honorer dans la communion nos ancêtres qui ont défendu notre Pays au XIXe siècle ainsi que ceux et celles qui ont milité pour notre souveraineté et qui nous ont quittés. La réinscription de notre Pays sur la liste onusienne des territoires à décoloniser en tant qu'événement historique et politique sera également mis à l'honneur». En 1985, Gaston Flosse avait tenté de sublimer ce repère historique douloureux en faisant de cette date une fête océanienne au cours de laquelle l’identité territoriale était mise en avant : l’officialisation du drapeau de la Polynésie date ainsi de cette époque.

Mais les changements successifs de gouvernements ont conduit à ce que cette fête de l’autonomie apparaisse ou disparaisse du calendrier des festivités selon les orientations politiques, au point que la date n’a pas réellement fédéré les esprits, mis à part comme un jour férié. La cérémonie prévue pour cette édition 2013 sans grande ostentation de festivités n’a ainsi visiblement dérangé personne. Cela n’empêchera en revanche, le Tavini indépendantiste et ses alliés de prendre date ce jour précis pour présenter l’autre face de l’Histoire. Celle des archipels de Polynésie qui passent en 1880 du statut de protectorat français à celui de colonie française.



29 juin : autonomie ou "occupation" ?
Le discours du Tavini se radicalise


Sur le plan strictement historique, fêter l’autonomie de la Polynésie un 29 juin est un contre sens : c’est la date de l’abdication de Pomare V, le dernier souverain en exercice. En 1985, le Tavini (front de libération de Polynésie) érigeait une stèle sur la commune de Faa’a où le leader indépendantiste Oscar Temaru est maire. Une stèle «à la mémoire des Ma’ohi qui se sont levés pour défendre leur patrie». Pour le Tavini, le 29 juin 1880 est le jour de l’annexion de la Polynésie par la France. Dans une note historique, le Tavini rappelle l’épopée des longues migrations du peuple ma’ohi qui s’installe en Polynésie sur des îles désertes. « Puis, soudainement, les Blancs débarquent et s’installent comme chez eux. Les Blancs débarquent et s’imposent. La colonisation a été un choc terrible» poursuit le texte du Tavini qui rappelle que l’installation du protectorat français le «premier pas vers la colonisation du fenua» ne s’est pas faite sans résistance ni sans mal. «Les maladies, l’alcool, la violence de la colonisation font des ravages dans la population». Une guerre d’indépendance alimente quelques batailles entre 1842 et 1846 avant que les combattants ma’ohi ne déposent leurs armes. «La pacification se traduit par des mesures d’intimidation, d’humiliation et d’oppression», toujours selon les termes employés par le Tavini.

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 28 Juin 2013 à 14:32 | Lu 1859 fois