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2 000 manifestants anti-nucléaire à Papeete, un "succès" pour Temaru


Tahiti, le 17 juillet 2021 - A une semaine de l’arrivée d’Emmanuel Macron en Polynésie française, la manifestation anti-nucléaire Mā'ohi Lives Matter a rassemblé 2 000 personnes samedi. "Un succès" pour Oscar Temaru. En marge, le Tavini Huiraatira recueille fait une moisson de plaintes visant les chefs d’État français, dont Emmanuel Macron, pour crime contre l’humanité.
 
A une semaine de l’arrivée d’Emmanuel Macron en Polynésie, l’événement peut difficilement passer inaperçu. Quinze jours après la commémoration du 2-Juillet, la manifestation anti-nucléaire Mā'ohi Lives Matter a mobilisé un peu plus de 2 000 personnes, samedi matin, dans les rues de Papeete. Des manifestants essentiellement venus de Tahiti, Moorea et des Raromata’i. Surtout une bonne part de militants ou sympathisants du mouvement souverainiste, avec le soutien affiché des associations de défense des victimes du nucléaire 193 et Moruroa e tatou. Le soutien de l’Église protestante Mā'ohi s’est en revanche avéré plus discret qu’il y a quinze jours. L’EPM était représentée samedi par le pasteur Mitema Tapati, vice-président de Moruroa e tatou. Cette défection explique sans doute la chute de mobilisation anti-nucléaire, en baisse d’un millier de personnes en deux semaines. Mais "difficile de mobiliser deux fois le même mois sur le même sujet", plaide le député souverainiste Moetai Brotherson, invité sur TNTV le soir-même. 
 
Si le 2 juillet était cette année la date anniversaire du premier essai nucléaire français au fenua, en 1966, il s’agissait samedi de rappeler le mercredi noir que fut le 17 juillet 1974, date de l’essai atmosphérique Centaure à Moruroa. C’était le 41e des 46 tirs nucléaires aériens réalisés par le Centre d’expérimentation du Pacifique. Un tir atmosphérique dont on estime que le panache s’est étiré jusqu’à Tahiti, exposant 110 000 Polynésiens à des retombées radioactives. En vue de cette manifestation, Oscar Temaru n’avait pas hésité à appeler dès mars dernier à une mobilisation symbolique – et autant dire tout à fait utopique – de 100 000 personnes en hommage aux victimes. Influence du calendrier présidentiel ? Samedi, il n’a pas hésité à décrire le rassemblement pacifiste Mā'ohi Lives Matter comme "un succès" : "Je remercie notre population. Le peuple s’est levé aujourd’hui."

Oscar Temaru, le Père Auguste et le pasteur Mitema Tapati.
Oscar Temaru, le Père Auguste et le pasteur Mitema Tapati.
Rien pour Macron...
 
Un peu plus de 2 000 personnes donc pour cette piqûre de rappel anti-nucléaire. Mais des manifestants engagés dont un bon tiers est resté jusqu’à 15 heures pour écouter les témoignages de "combattants" du nucléaire, qui se sont succédé, souvent pour haranguer la foule, pendant trois heures sur la scène aménagée place Tarahoi. Des militants de la première heure à l’instar du Père Bruno Mai, des malades atteints de cancers reconnus potentiellement radio-induits ou des proches, des politiques tels Richard Tuheiava, Moetai Brotherson, des leaders d’opinion à l’instar du père Auguste Uebe-Carlson, le président de l’association 193, de Hirohiti Tefaarere, son homologue à Moruroa e tatou ou de Heinui Le Caill, président de l’association Te reo o Tefana et de la radio éponyme de Faa’a. Un chapelet de témoignages qui s’est s’achevé par l’intervention du vieux leader souverainiste. Le tout sous un ciel menaçant, à quelques dizaines de mètres du futur centre de mémoire des essais nucléaires, prévu dans l’ancienne résidence du commandant de la marine.
 
En début de matinée, la manifestation avait débuté avec une marche pacifiste, baignée sous un flot de banderoles vindicatives : "Ils ont empoisonné nos ainés. Ils savaient ce qu’ils faisaient" ; "La France, paye ta dette et rentre chez toi avec ta merde" ; "Etat français : criminel". Interrogé sur la venue prochaine du président de la République en Polynésie française, Oscar Temaru a toutefois feint de ne pas vouloir y associer la manifestation du jour. Il s’est simplement borné à rappeler son combat de quarante ans : "Pendant des dizaines d’années, il y a eu un déni de réalité dans ce pays. (…) Je ne sais pas si Macron arrivera. Ce n’est pas mon problème. On s’est toujours battu contre les mensonges d’Etat. Je dirais même le terrorisme d’Etat dans cette affaire du nucléaire." Aucune manifestation spéciale n’est par ailleurs annoncée par le leader souverainiste pour la venue du chef d’État. En fin de discours, en revanche, Oscar Temaru lancé un évocateur : "Maintenant, nous allons préparer la venue de Macron".
 

​... sauf 263 plaintes

Une promesse de calme en apparence. Car pour le début du séjour présidentiel, le centre de gravité indépendantiste se déplacera provisoirement de Faa’a à Mahina. L’Église protestante Mā'ohi organise en effet son synode le week-end prochain. François Pihaatae y a invité le président de la République par voie de presse. "Qu’il vienne ou pas, ce n’est pas ça qui va changer quelque chose dans notre démarche", a souligné Hirohiti Tefaarere, en l’absence du leader religieux. Pour cette prochaine assemblée ecclésiastique, le commission permanente de l’EPM a acté un positionnement on ne peut plus clair en faveur de la souveraineté de la Polynésie, comme l’a indiqué Tefaarere, samedi en marge de la manifestation. 
 
En attendant, pour Oscar Temaru, "c’est à La Haye qu’il faut déposer plainte. Et c’est à New York que le président doit aller rendre des comptes devant la communauté internationale". New York où il exhorte Emmanuel Macron de répondre aux demandes de comptes réitérées depuis 2013 à la France par l’assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies à propos des conséquences des essais nucléaires en Polynésie. La Haye où le leader souverainiste a communiqué depuis octobre 2018 à la Cour pénale internationale (CPI) une plainte pour crime contre l’humanité visant les chefs d’État français pour la campagne d’essais nucléaires entre 1966 et 1996. Samedi, 263 plaintes ont été recueillies en marge de la manifestation. Transmises à la CPI, elles viendront s’ajouter à celle d’Oscar Temaru et visent dorénavant Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron pour crime contre l’humanité. Un message de bienvenue, en somme.
 


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Samedi 17 Juillet 2021 à 20:44 | Lu 2451 fois