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​L’économie broie du très noir


Tahiti, le 7 août 2020 – Les derniers Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer (CEROM) se sont penchés une nouvelle fois sur l’état de santé des entreprises polynésiennes après le confinement.  Pour une entreprise sur sept, une activité normale ne sera, au mieux, retrouvée qu’à la fin de l’année 2022 avec des perspectives « sombres » à moyen terme.

Après six semaines de confinement et un économo-cardiogramme plat, le CEROM (Comptes économiques rapides pour l'Outre-mer) avait réalisé une première étude, histoire de tâter le pouls des entreprises. Avec le déconfinement et avant la réouverture des vols internationaux, un deuxième examen a été mené avec près de 1 000 réponses à un questionnaire sur l’activité économique. Cette dernière, moribonde, est toujours en cours de réanimation avec un diagnostic sombre et un rétablissement probablement de longue haleine.

Une reprise en douleur

Le check-up est préoccupant. D’un point de vue général, le confinement a eu un impact négatif sur l’activité de plus de 77 % des entreprises. Si 40% d’entre elles perçoivent une légère reprise, voire une forte reprise (6%), elles sont 37% à considérer que leur activité s’est encore dégradée depuis début mai. La faute à une baisse générale de la demande avec des chiffres d’affaires de mai et juin très inférieurs à la normale. Un constat d’une économie anesthésiée qui tient principalement dans l’insuffisance de la clientèle, qu’elle soit locale ou internationale, pour 50 à 55% des entreprises interrogées. L’insuffisance de la commande publique ou les difficultés d’approvisionnement par le fret sont des obstacles moins significatifs.
Des entreprises toujours peu confiantes
Des signes d’amélioration sont encourageants avec notamment la fin des mesures de restrictions de déplacement et la reprise des vols inter-îles et internationaux. Des perspectives qui ont conduit quelques chefs d’entreprises à positiver et « à réviser leurs prévisions de chiffre d’affaires plus favorablement par rapport au début du mois de mai 2020 ». Une économie qui tousse un petit peu moins avec un très léger regain d’optimisme. 20% des entreprises estiment que leur chiffre d’affaires sera stable ou en hausse à la fin de l’année contre 14% en mai dernier. Néanmoins, "le bilan sur l’année pourrait s’avérer lourd pour 30 % des entreprises qui redoutent une perte de plus de la moitié de leur chiffre d’affaires". Des chiffres sombres qui affectent notamment le triptyque Tourisme – Perle – Restauration à la santé plus que fragile.

Trésorerie qui pleure

La pathologie est sérieuse et les symptômes sont nombreux avec bien évidemment des répercussions sur les finances et l’emploi. A l’instar de leur chiffre d’affaires, "44% des entreprises constatent une forte dégradation de leur trésorerie par rapport à la situation habituelle" avec notamment des charges supplémentaires liées aux mesures sanitaires. Une dégradation qui crée un début de réaction en chaine avec un tiers des entreprises pas à jour pour le règlement de leurs échéances à la fin du mois de juin et sans avoir pour autant obtenu de report. Des retards de paiement qui touchent à la fois les relations avec les fournisseurs mais également les difficultés pour s’acquitter de leurs obligations fiscales et sociales. Quatre entreprises sur dix ont sollicité des reports pour le paiement des impôts et taxes qui ont été acceptés dans 71 % des cas. Pour les cotisations sociales, c’est une entreprise sur trois et deux tiers des dossiers ont été validés.

On ne prête (avec garantie) qu’aux riches

Les mécanismes, comme le Prêt garanti par l’État (PGE) ou le Fonds de solidarité, mis en place pour soutenir la trésorerie semblent insuffisants pour 44% des entreprises, "une sur cinq fait état de leur inadéquation par rapport à sa situation". Le traitement ne correspond pas toujours à la maladie. A la fin juin, les PGE, destinés à renflouer les caisses mal en point, ont été demandés par une entreprise sur trois. En moyenne, ils ont été accordés dans 60 % des cas. Une moyenne qui cache des disparités en fonction de la taille du demandeur. Plus de la moitié des grandes entreprises de plus de 50 salariés ont demandé ce financement avec un faible taux de refus. A l’inverse, pour les TPE, une majorité de dossiers a été refusée ou est encore en attente de validation. Les petits patients doivent être patients.

Bémol sur le Dièse

Côté emploi, les mesures de soutien des pouvoirs publics ont été nombreuses pendant et après le confinement. Si l’Indemnité de solidarité et le Revenu exceptionnel de solidarité ont trouvé preneur auprès des travailleurs indépendants et des salariés en étant accordés à 39 % des entreprises concernées, le DiESE et DESETI, réservés aux secteurs les plus impactés à la sortie du confinement a eu plus de mal à s’imposer. Si les deux programmes – sorte de placebo d’une réelle caisse de chômage - ont bénéficié aux deux tiers des entreprises de l’hôtellerie et des services touristiques, elles sont beaucoup moins dans les deux autres secteurs concernés de la restauration et de la perle. Les demandes dans le domaine de la perliculture n’ont ainsi été satisfaites que dans 1 cas sur 10 avec une majorité de dossiers, là encore, en cours de validation. Une situation d’attente qui peut correspondre à d’inévitables délais de traitement ou à une façon de tester les capacités de survie des demandeurs.

Arrêt de longue maladie

La note du CEROM se conclut par un diagnostic abrupt. « À moyen terme, les perspectives restent sombres ». La convalescence va être longue avec une année 2020 qui laissera des traces dans les entreprises. Pour 7% des entreprises interrogées, la cessation d’activité est fortement envisagée. Pour 62% d’entre elles, le traumatisme économique va mettre plus d’un an à être guéri. "Seul un tiers des entreprises envisage de retrouver une activité normale avant la fin de l’année civile. Un délai supérieur à deux ans, soit après le troisième trimestre 2022, est attendu par 13 % des entreprises". De longs mois pour un rétablissement encore incertain.
 



Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 7 Août 2020 à 09:58 | Lu 5412 fois