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​L’assemblée vote l’obligation vaccinale


Tahiti, le 20 août 2021 - La loi du Pays sur l’obligation vaccinale imposée à certaines catégories de personnes a été adoptée sans surprise vendredi. Sauf recours éventuels, les arrêtés d’application de ce texte qui vise à "booster" la campagne vaccinale devraient être pris dès mercredi.
 
La loi du Pays rendant obligatoire la vaccination anti-Covid dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire a été adoptée avec une large majorité de 48 voix, vendredi en ouverture de la deuxième séance de la session extraordinaire à l’assemblée. A l’issue de trois heures d’examen, les groupes Tapura et Tahoera’a ont voté pour, soutenus par les élues Tavini Sylviane Tevahitua et Minarii Galenon. Le reste des élus souverainiste s’est prononcé contre ce texte, à l’instar des trois non-inscrits, Nicole Sanquer, Nuihau Laurey et Félix Tokoragi.
 
Cette nouvelle règlementation doit prendre effet dès sa publication au journal officiel. Une officialisation voulue sans délai par Edouard Fritch, dès l’adoption du texte. Le gouvernement prévoit de statuer sur les arrêtés d’application au prochain conseil des ministres, mercredi. Ces arrêtés préciseront pour qui la vaccination sera rendue obligatoire. Outre les professionnels de santé, seront concernés les professionnels de l’éducation et des établissements publics ou privés accueillant des enfants, les employés ou agents des "secteurs sensibles dont l’interruption entraînerait des conséquences néfastes sur le fonctionnement du Pays ou affecterait la sécurité ou l’ordre public". Sont aussi visés les personnes dont l’activité ne permet pas le respect des gestes barrières, comme les masseurs, les esthéticiennes, les tatoueurs… L’obligation vaccinale doit également être étendue à certaines personnes en situation de longue maladie (carnets rouges). Un éventail très large mais dont le détail demeure encore assez flou. "Une fois de plus, le gouvernement nous demande de signer un chèque en blanc, en laissant le conseil des ministres décider seul", a critiqué Nicole Sanquer vendredi.
 
Mais comme l’a observé le ministre de la Santé à l’issue de la séance, ce texte a pour vocation de "booster" la campagne vaccinale, alors que la Polynésie subit une crise sanitaire sans précédent avec près de 100 morts en l’espace de trois semaines. Crise dont elle peine à voir le bout, sous le joug du variant Delta. Comme l’explique le promoteur de ce texte, il s’agit d’une loi épouvantail dont l’enjeu est de parvenir au plus tôt à une situation d’immunité collective. "Nous n’en sommes pas très loin", estime le ministre de la Santé, alors que vendredi 39,2% des Polynésiens de plus de 18 ans présentaient un schéma vaccinal complet.
 
"Fragilité juridique"
 
"La question ne porte pas sur le vaccin. La question porte sur le choix juridique d’imposer la vaccination contre son gré à une partie de notre population", a dénoncé le représentant non-inscrit Nuihau Laurey, lors des débats. Il pointe avec ce texte "un choix politique incohérent" et un "acte juridique contraire aux libertés fondamentales" : "Balayer de la main ces principes au motif de l’urgence sanitaire contre la volonté des citoyens constitue un triste précédent", s’est-il indigné.
 
Opposé à ce texte également, et ardant partisan du choix en conscience laissé chaque citoyen, le député Moetai Brotherson a pour sa part mis en cause l’usage par le gouvernement des raccourcis institutionnels que permet l’état d’urgence. Le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’assemblée vendredi dernier, étudié en commission de la Santé mercredi après-midi, sans avoir été présenté Cesec et sans concertation avec les professionnels des secteurs visés par une obligation vaccinale. "Il me semble qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Et je crois que ce texte présente une fragilité juridique qui sera certainement soulevée dans les jours qui viennent", a-t-il estimé, esquissant un probable recours en annulation.
 
"Le temps des doutes est révolu"
 
Un manque de concertation préalable également dénoncé par la députée Nicole Sanquer, auteure de huit amendements au projet de texte. Tous rejetés. "Ce choix délibéré de ne pas chercher à convaincre ou à fédérer, mais au contraire à contraindre et à imposer (…) caractérise en réalité la gestion gouvernementale depuis le début. Consulter, concerter et convaincre auraient été plus constructifs, au lieu d’imposer une obligation vaccinale et diviser un peu plus notre société, aujourd’hui en proie à de nombreux doutes", a-t-elle déploré.
 
Des doutes que le président Fritch avait dès son allocution en ouverture de séance pointé comme hors de propos, aujourd’hui : "Je vous le répète, le temps des doutes, de la méfiance ou de la défiance aux vaccins est révolu et dépassé. J’encourage donc notre population à se rendre massivement à la vaccination. Cela fait 7 mois que nous comptons sur la bonne volonté des personnes, que nous comptons sur la responsabilité individuelle pour aller se faire vacciner. Malgré nos appels incessants, malgré les campagnes télévisées d’information et de sensibilisation en faveur de la vaccination, cette bonne volonté a trouvé ses limites puisque le taux de vaccination est encore insuffisant." Ce texte est voué à entrer en application au plus tôt, à moins qu'il ne soit l'objet d'un recours. Mais une fois opposable, il devrait en coûter 175 000 Fcfp d'amende administrative au maximum aux contrevenants à l’obligation. Quant aux réfractaires en longue maladie, ils subiront une majoration de leur ticket modérateur.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 20 Août 2021 à 20:31 | Lu 7592 fois