Tahiti Infos

​Chômage partiel : "Que l'Etat apporte sa contribution"


Tahiti, le 19 novembre 2020 – Dans une interview à Tahiti Infos, le président du Medef de Polynésie française, Frédéric Dock, dresse un état des lieux de la situation des entreprises locales et exhorte l'Etat, notamment après la décision de fermer le tourisme métropolitain, à apporter sa contribution à un dispositif de chômage partiel au fenua.
 
Quelle la situation des entreprises polynésiennes aujourd'hui après la crise liée au confinement et pendant cette période d'incertitude ?

"Déjà on peut constater, au moment où l'on se parle, qu’hormis le secteur touristique, il n'y a pas eu d'écroulement des entreprises et de leurs chiffres d'affaires malgré la tension et l'inquiétude générales. Je pense que ça c'est déjà important et on voit les effets que cela a sur l'emploi. On est sur 3 000 emplois de perdus depuis le début de l'année, là où on craignait au moins le double. Globalement, on a l'impression que la casse est limitée. Ça c'est évidemment lorsqu'on considère que l'on n'est encore sous aucune mesure de contrainte telle que le confinement, mais avec le couvre-feu et avec la situation globale et mondiale que l'on connaît tous."
 
Est-ce que c'est bon signe ou est-ce que cela signifie que le pire est devant nous ?

"Clairement, le pire est à venir pour deux raisons. D'abord parce qu'on va commencer à mesurer les conséquences des dispositions qui ont été prises par l'Etat en métropole, à savoir leur confinement et l'impossibilité aujourd'hui pour des touristes français de venir passer des vacances en Polynésie. Et au moment où l'on se parle, nous ne mesurons pas encore totalement les effets directs très négatifs de ces dispositions. Et la deuxième chose, c'est que le ralentissement de l'économie globale va forcément peser, bien sûr sur l'activité du tourisme et du transport, mais surtout sur tous les autres aspects de l'économie polynésienne. C’est-à-dire la consommation et les investissements. D'où l'importance de l'ampleur du plan de relance du Pays pour compenser ces chutes qui sont inéluctables."
 
Cette rupture avec le tourisme métropolitain, c'est un choc pour l'économie ?

"Oui. Cela se traduit immédiatement par des annulations de réservations. Et cela se traduit aussi par une image de destination encore plus difficile à rejoindre. Cela transforme la Polynésie en un pays encore plus isolé qu'il ne l'était déjà en début de crise."
 
Qu'est-ce-que vous attendez aujourd'hui, outre le plan de relance du Pays, du plan de relance annoncé par l'Etat ?

"C'est évident que compte tenu de l'impact des mesures prises par l'Etat, le plan prévu par le Pays dans sa première version sera forcément insuffisant pour répondre à l'ensemble des problèmes. Il va pouvoir répondre en partie aux besoins immédiats d'investissements, autant publics que privés. Mais il ne pourra pas répondre suffisamment fortement à tout le soutien nécessaire pour le maintien de l'emploi et des compétences. Donc globalement pour le soutien des salariés et des entreprises qui les portent. On a pu lire que les dispositifs qui sont prévus dans le plan de relance du Pays sont basés sur les capacités du Pays à les assumer. Ces dispositifs sont insuffisants aujourd'hui pour répondre à l’ampleur de la crise qui s’annonce. Donc cela veut dire que c'est l'Etat qui doit venir apporter sa contribution financière au plan de relance, pour nous permettre de disposer d'un soutien équivalent à celui qui a été mis en place en métropole à travers l'activité partielle. Activité partielle qui, il faut le rappeler, est financée à deux-tiers par l'Etat et à un-tiers par leur système de chômage. Donc malgré l'ingéniosité et la rapidité du Pays à trouver des dispositifs d'incitation et de soutien, les montants qui sont en jeux pour tenir à flot la masse salariale du Pays ne peuvent pas être portés par le seul Pays. Il faut que l'Etat apporte sa contribution au soutien de ces salariés et de leurs charges."
 
Il faudrait donc un dispositif d'urgence de chômage partiel en Polynésie, ou est-ce-que vous êtes en attente d'autres dispositifs ?

"Clairement, c'est ce qui est le plus rapide et le plus efficace. Tous les autres dispositifs de soutien, de subvention ou de financement de projets dans les secteurs d’avenir sont en préparation. Mais la vitesse où cela va se mettre en place et se concrétiser ne répond pas du tout à l'urgence du besoin qui se présentera demain matin. Ceci pour maintenir les salariés dans les entreprises et donc les compétences qui permettront de redémarrer après-demain. Le principe de soutien direct des salariés et de leurs charges dans les entreprises est le seul outil qui permette de maintenir la situation sociale et financière du Pays."
 

​La goutte d'eau du fonds de solidarité national

Le président du Medef de Polynésie fait notamment remarquer que si les aides directes de l'Etat aux entreprises via le fonds de solidarité depuis le début de la crise s'élève à près de 5 milliards de Fcfp, elles peuvent être mises en balance avec la masse salariale totale du Pays s'élevant de son côté à 225 milliards de Fcfp selon les données de la CPS en 2019. Et pour le seul secteur proche du tourisme, les fameux 12 000 emplois directement touchés, la masse salariale s'élève déjà à 35 milliards de Fcfp...

Rédigé par Antoine Samoyeau le Jeudi 19 Novembre 2020 à 21:23 | Lu 11148 fois