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Transport maritime : Eugène Degage s’estime "saqué par l’administration"


L'armateur Eugène Degage.
L'armateur Eugène Degage.
"La ligne n’est pas si rentable que cela", se défend Eugène Degage, patron du groupe du même nom, et dont l’une des filiales exploite depuis une vingtaine d’années le transport maritime de passagers et de fret sur l’axe Papeete Moorea, au moyen de son Aremiti Ferry. Les chiffres : 116.000 tonnes de fret convoyé et 255.000 passagers en 2011. Et il se verrait bien développer un créneau "low cost", sur la même ligne, au moyen de la remise en service du Moorea Ferry, acquis aux enchères pour une trentaine de millions Fcfp en janvier dernier, lors de la liquidation de son concurrent historique.

Le groupe Degage, c’est aussi les sociétés de transport maritime Aremiti, Aremiti Ferry, Degage et cie (Caboteur Cobia) et Agnieray (caboteur Dory) : un petit empire polynésien du transport maritime qui emploi 150 personnes et dont l’expansion ne semble pas du goût de tous. C’est notamment ce qu’estime Eugène Degage, qui a souhaité répondre aux propos tenus par le ministre des transports maritimes, Daniel Herlemme, lors d’une interview parue dans les colonnes de Tahiti infos, jeudi 13 décembre.

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La demande de licence pour la remise en service du Moorea Ferry a reçu un avis défavorable du Comité consultatif de la navigation maritime interinsulaire, réuni le 28 novembre, alors que le même jour, le projet concurrent de Terevau Ferry recevait une bénédiction unanime du CCNMI. Le ministre doit encore se prononcer concernant la demande de licence pour le Moorea Ferry. L’entreprise compte la mettre à profit pour développer un créneau "low cost", sur la ligne Papeete Moorea avec des tarifs annoncés 20% inférieurs à l’offre actuelle. Accusé de tentative d’abus de position dominante ? Eugène Degage soutient que ce projet lui permettrait d’offrir une alternative tarifaire à sa clientèle.

Quant à ses autres projets, il s’estime systématiquement "saqué" par l'administration : navire rapide sur les îles-sous-le-vent ; projet de caboteur sur les Tuamotu centre couplé à une activité aquacole en remplacement du Cobia II ; projet de renouvellement du Dory par un petit cargo mixte de 22 cabines. "Je suis porteur de projets. J’en ai beaucoup. Ils vont dans le sens du développement du Pays. Il est primordial d’assurer un transport des passagers et des marchandises. A chaque fois, je me fais saquer : le projet de Cobia, celui du Tero, le Moorea Ferry… ", déplore l’armateur, qui soupçonne le ministre d’être "mal conseillé" par une DPAM, Direction polynésienne des affaires maritimes, qui entretient une forme d’antipathie à son égard. Interview.

Transport maritime : Eugène Degage s’estime "saqué par l’administration"
Tahiti infos : En quoi pensez-vous que le Pays entretient une forme d’hostilité à votre égard ?

Eugène Degage : C’est une forme d’antipathie qui finit par gagner le camp des amateurs. Je vous rappelle que lors de la réunion CCNMI du 28 novembre, ils ont tous voté contre mon projet de remise en service du Moorea Ferry. (…)Toute l’administration a voté contre, m’a posé des tas de questions : on sentait leur opposition. Pense-t-on que j’ai trop de projets ? Je peux annuler. On m’aurait dit clairement dès le début, en juillet, que la licence ne me serait pas accordée, j’aurais vendu le navire... J’ai un acheteur pour ce ferry, à Fidji. Je n’ai aucune raison de garder ce bateau, de payer des droits de quai, un gardiennage, ou d’engager des frais pour le rénover un peu. Le comité a donné un avis défavorable, mais j’en appelle au ministre : si ce bateau-là s’en va et que le Terevau Ferry n’arrive pas, ce sera difficile de trouver un navire supplémentaire, pour exploiter la ligne. Vous savez, pour obtenir les autorisations de la commission centrale de sécurité, il faut se lever de bonne heure, si le navire n’est pas neuf ou déjà exploité dans l’espace français. (…)Le futur Terevau Ferry qui pourrait arriver dans six mois est un cargo exploité en Calédonie sous le nom de Havanah. On lui a retiré ses certificats de navigabilité en raison de corrosions sur sa coque. Il nécessite près de 200 millions Fcfp de travaux. Je pense, dans cette affaire que le ministre est très mal conseillé par la DPAM et que le pays a intérêt à ce qu’une licence soit accordée aux deux projets, par mesure de sécurité.

Comment analysez-vous alors cette hostilité de la DPAM à votre égard ?

Eugène Degage : Je ne comprends pas, justement. Je suis porteur de projets. J’en ai beaucoup. Ils vont dans le sens du développement du Pays. Il est primordial d’assurer un transport des passagers et des marchandises. A chaque fois je me fais saquer : le projet de Cobia, celui du Tero, le Moorea Ferry…

Qu’en est-il des normes de sécurité à bord du Moorea Ferry ?

Eugène Degage : Ses équipements répondent aux normes de sécurité. Il est exploitable après avoir été sur cale sèche pour vérification des arbres. Nous avions un créneau pour mettre le navire sur dock flottant en octobre puis en novembre. Mais nous ne pouvions pas engager les moindres frais sans avoir l’assurance que nous pourrions exploiter ensuite. On a fait une demande de licence en juillet ; le dossier n’a été soumis à l’avis de la CCNMI que fin novembre.
On peut comprendre qu’il faut qu’il y ait une concurrence, mais il faut aussi assurer la pérennité du service public. Là, nous avons deux projets dont l’un est sûr, puisque le navire est sur place. Le deuxième, Terevau Ferry est encore suspendu aux décisions des banques et à de grosses réparations à venir, d’après mes informations. Dans cette optique, j’ai préconisé d’accorder les deux licences, pour permettre la concurrence et assurer la pérennité du transport des marchandises sur Moorea. (…) Le Pays est souverain dans l’attribution des licences. Si la licence nous est refusée pour le Moorea Ferry, nous accepterons cette décision, mais nous ne méritons pas tous les reproches de M. Herlemme.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 14 Décembre 2012 à 13:27 | Lu 4025 fois