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Fret interinsulaire : bras de fer sur la ligne Papeete Moorea


Fret interinsulaire : bras de fer sur la ligne Papeete Moorea
Situation de billard à trois bandes, sur le chenal entre Tahiti et Moorea pour la maîtrise de l'activité de fret : un transporteur maritime en situation de monopole de fait depuis le début de l’année ; le Pays qui tente de contenir les débordements et l’arrivée prochaine du Terevau Ferry.
"Si on avait eu la licence en juillet, on aurait pu entreprendre les réparations du Moorea ferry et aujourd’hui il n’y aurait pas les problèmes que l’on rencontre sur la ligne", clamait Tuanua Degage, le gérant de la SDM Aremiti, sur les ondes de Polynésie première, au journal télévisé de dimanche soir, alors que des opérations de maintenance immobilisaient le Aremiti Ferry pour cinq jours.

Le navire a repris du service hier matin, mais cette interruption de la desserte du fret sur la ligne Papeete Moorea a mis en évidence l’inconvénient de l’absence d’un deuxième opérateur. Le fret entre Tahiti et Moorea, c’est un cordon ombilical drainant 150.000 tonnes par an, en marchandises et hydrocarbures. Le marché est juteux. La SNC Aremiti y exerce en monopole depuis janvier 2012 et la liquidation de son concurrent historique, la SDM Moorea Ferry.

Au mois de mars, elle engage devant le tribunal administratif un recours en annulation visant un arrêté en conseil des ministres les conditions de la tarification du transport des hydrocarbures après avoir tenté de l’augmenter en dépit d’une réglementation existant depuis 2000.

La demande de licence pour la remise en service de l’ancien Moorea Ferry sous l’égide de la société Aremiti, sur cette ligne, a reçu un avis défavorable du Comité consultatif de la navigation maritime interinsulaire (CCNMI), réuni le 28 novembre dernier. Le navire, construit en 1985 n’est pas en état d’être exploité dans l’immédiat et doit faire l’objet de travaux de mise aux normes de sécurité alors que le plan de charge du dock flottant affiche complet depuis plusieurs mois.

Dans le même temps, la société Terevau a posé une demande de licence pour un ferry dont la mise en service pourrait avoir lieu dans le courant de l’année 2013. Demande qui a reçu un avis favorable unanime du CCNMI, lors de son instruction le 28 novembre.

Finalement, même les représentants des armateurs ont voté pour le rétablissement des conditions d’une saine concurrence, sur la ligne Papeete-Moorea, lors de ce comité.

Daniel Herlemme, ministre des transports interinsulaires.
Daniel Herlemme, ministre des transports interinsulaires.
Daniel Herlemme : Il faut que la population puisse avoir le choix

Tahiti infos : Le comité consultatif de la navigation maritime interinsulaire (CCNMI) a donné son avis favorable à l’octroi d’une licence pour le futur Terevau Ferry, alors que la demande de licence par la SNC Aremiti pour la remise en service de l’ancien Moorea Ferry a été reçue défavorablement. Tuanua Degage évoquait une attitude hostile du Pays à l’égard de ce projet. Qu’en est-il ?

Daniel Herlemme : D’abord, je précise que le CCNMI est composé de 8 représentants des pouvoirs publics et 8 représentants des armateurs. L’avis favorable pour l’octroi d’une licence au Terevau Ferry a été obtenu à l’unanimité des 13 membres présents, lors du comité du 28 novembre dernier, alors que la demande de licence de la société Aremiti a seulement recueilli 3 avis favorables. Concernant ces deux projets de ferries sur Moorea, l’un concerne un navire construit il y a 27 ans et qui devra faire l’objet d’une remise aux normes. Le futur Terevau Ferry a 11 ans d’âge et est actuellement en exploitation en Nouvelle-Calédonie. Il nous offre l’opportunité de rénover la flotte sur la ligne.
Par ailleurs, le CCNMI a clairement défini, lors de ses précédentes réunions, avec l’accord de tous les armateurs, que sur la ligne Papeete-Moorea, il ne pouvait y avoir que deux navettes rapides et deux ferries. Dans ce contexte, le comité a unanimement préféré donner un avis favorable au projet du Terevau Ferry.
De toutes manières, compte tenu de l’état de vétusté de l’ancien Moorea Ferry, même si la SNC Aremiti avait déposé en juillet dernier une demande de licence en bonne et due forme, avec les travaux à effectuer, alors que le plan de charge du dock flottant est complet jusqu’en fin d’année, et avec les autorisations à obtenir, je ne pense pas qu’aujourd’hui il serait en mesure de naviguer. Alors permettez-moi de douter, lorsque j’entends la société Aremiti dire que si on leur avait accordé la licence nous ne connaitrions pas aujourd’hui cette difficulté de transport du fret sur Moorea.


Compte tenu des enjeux de la desserte, peut-on analyser l’avis de la CCNMI, concernant ces demandes de licences, comme une position privilégiant le maintient d’une forme de concurrence sur ce tronçon ?

Daniel Herlemme : C’est en tout cas la position des pouvoir publics, mettre en place les conditions d’une saine concurrence. Lorsque la SDM (Moorea express et Moorea Ferry, ndlr) a été mise en liquidation, en janvier 2012, la SNC Aremiti d’Eugène Degage s’est retrouvée en situation de monopole de fait. Sa première réaction a été d’augmenter les tarifs passagers et fret.
Au niveau du fret des hydrocarbures, nous avons une réglementation depuis 2000, qui fixe les tarifs. M. Degage a voulu contourner cette réglementation et imposer ses propres tarifs, prétextant qu’il était en déficit alors qu’il se trouvait seul à exploiter la ligne. C’est tout de même 150.000 tonnes de fret en 2011. Ce qui nous a obligé en mars à modifier la réglementation, par arrêté CM pour clarifier les règles du jeu. Ces dispositions ont fait l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal administratif de Papeete.
Déposer un tel recours alors que l’on est en situation de monopole, je ne comprends pas.


Finalement, si hostilité il y a, de la part du Pays, vous nous dites qu’elle concerne les dérives liées à l’abus de position dominante.

Daniel Herlemme : Le Pays est là pour mettre en place les conditions d’une saine concurrence, sur la desserte Papeete-Moorea. Il faut que la situation puisse répondre aux attentes des utilisateurs et que la population puisse avoir le choix. Le trafic sur cette ligne représente entre 1,5 et 1,7 millions de passages à l’année.
Tout cela se fait dans l’intérêt de la population. Il n’y a que ça qui nous anime. (…) Là nous avons l’opportunité d’avoir un nouvel opérateur qui se présente sur la ligne. La compagnie Aremiti est une grosse machine. Et si à terme, le NGV Terevau n’a pas un ferry pour compléter son offre, je crains que rapidement il ne soit contraint de mettre la clef sous la porte.
Ce qui est regrettable dans cette affaire, c’est qu’on a l’impression que lorsque M. Degage tape du pied, c’est un dû. Et lorsqu’on lui fait comprendre que l’on veut créer des conditions propices à une saine concurrence, il prend ça pour de l’hostilité. Il n’a pas l’habitude qu’on lui dise non. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la définition de ce qu’ils souhaitent pour la population. (…) Et le ministère n’est pas le secrétariat de M. Degage.


Craignez-vous qu’en cas de monopole sur cette ligne il y ait abus de position dominante ?

Daniel Herlemme : Une situation de monopole n’est jamais bonne. On peut craindre les abus. Et d’ailleurs, le contentieux que nous avons avec la SNC Aremiti est la conséquence d’un abus, d’une dérive, alors que cela faisait à peine quelques mois qu’il avait le monopole sur la ligne, passagers et fret. On ne peut pas accepter que l’on nous dise pour justifier cette attitude, que la ligne est déficitaire alors qu’à deux ils faisaient des bénéfices.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 12 Décembre 2012 à 16:54 | Lu 2606 fois