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​Supports numériques obligatoires pour les lycéens de Gauguin


PAPEETE, 11 juin 2019 - Les 900 élèves de Seconde et de Première du lycée Paul Gauguin devront être équipés d’un ordinateur ou d’une tablette à partir de la rentrée 2019. Le passage au tout numérique de l’établissement scolaire fait grincer les dents chez certains enseignants et parents d’élèves, face à une hausse des frais liés à la scolarité.
 
La décision a été prise en fin de semaine dernière. Les parents sont informés depuis vendredi après la mise en circulation d’une note d’information précisant les nouveaux tarifs de la coopérative du lycée Paul Gauguin : à partir de la rentrée scolaire d’août prochain, fini les bons vieux manuels scolaires "papiers" pour les élèves de Seconde et de Première du lycée de Tipaerui. Le LPG fait un saut dans l’ère du numérique avec l’audace que donne le bon sentiment de "réduire la fracture numérique".  

L’établissement scolaire exigera bientôt à 900 de ses lycéens (hors Terminales) de pouvoir disposer d’un équipement informatique leur permettant d’accéder au contenu numérique utilisé comme support pédagogique dorénavant.

Cette note d’information propose aux élèves qui ne seraient pas déjà équipés, de louer une tablette de type iPad reconditionnée à partir de 29 900 Fcfp pour une année, en plus d'un dépôt de 30 000 Fcfp de caution. Il leur est sinon proposé d’acquérir la tablette pour la somme de 39 900 Fcfp, pour couvrir la casse ou le vol. La coopérative de l’établissement a passé commande de plusieurs centaines de tablettes, sur la base d’un taux d’équipement estimé autour de 50 % chez les lycéens. Et, puisqu’il s’agit de "réduire la fracture numérique", on assure surtout à la tête de l’établissement que "personne ne sera mis de côté, ni oublié".

Pour "les plus en difficultés", une prise en charge financière de l’équipement est promise sous couvert du fonds social de l’établissement. Pour les autres ce sera "au cas par cas". Et de toute façon, "un système de prêt à la journée" sera mis en place par la coopérative, "comme c'est déjà le cas aujourd'hui avec les livres scolaires", explique la présidente de la Coopérative du LPG.

Face à la grogne de certains parents d’élèves, Gaëlle Arbus de la Palme souligne qu’en définitive, en dehors de l’acquisition de l’équipement, c’est seulement la cotisation annuelle à la coopérative qui augmente de 5000 Fcfp à partir de la rentrée prochaine. Cela doit couvrir le surcoût lié à l’emploi de manuels numériques et l'accès au serveur dédié.  

Réforme du bac

Le problème, c’est que ça grince aussi du côté enseignants. Ils sont nombreux à douter de la capacité de l'établissement scolaire à rendre cette initiative pédagogique totalement indolore pour le portefeuille des familles, d'autant que pour l'heure, aucune aide financière n'est allouée par les administrations de tutelle. Et c’est sans compter, pour eux, avec la surdose d'écrans qui menace déjà un grand nombre d'élèves. Plusieurs enseignants accusent d’ailleurs la cheffe d'établissement d’avoir pris la décision seule et contre l'avis du comité pédagogique. Contactée, la proviseure, Dalila Messeghem, dément. Elle souligne plutôt que ce projet a été présenté lors du conseil d’établissement du 30 avril dernier. Il a été validé la semaine dernière à l’unanimité par un comité de "représentants des enseignants". Et il sera formellement soumis en Conseil d’établissement le 2 juillet prochain. Le passage aux manuels numériques est en outre visé par le projet d’établissement adopté en décembre 2018. Une classe pilote a d'ailleurs été placée en observation durant l’année 2018-2019. Elle insiste : le passage aux manuels numériques est "le fruit du travail d’un an et demi". Surtout, avec la réforme du bac, et face à l'obligation d'acquérir de nouveaux manuels scolaires, son établissement a opté pour le numérique plutôt que de repartir pour les 5 prochaines années dans l'amortissement d'ouvrages "papiers".  

Pour la cheffe d’établissement, l’idée est d’aider ses lycéens à se mettre en phase avec la société et entrer dans l’ère du numérique : "Quand, dans une classe, vous avez des élèves avec des outils hyper-performants et qu’à côté vous en avez qui n’ont rien, ça pose un problème. Si ce n’est pas l’école qui se charge d’accompagner les élèves dans l’ère du numérique, qui le fera ? ", interroge-t-elle.
 
Quant à la loi du Pays adoptée dernièrement pour interdire les équipements connectés dans les établissements scolaires à partir de la rentrée d’août 2020. "Ça n’a rien à voir, nous assure-t-on. L’emploi de ces équipements sera très encadré. Les élèves ne pourront pas accéder aux réseaux sociaux." A voir.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 11 Juin 2019 à 16:33 | Lu 5441 fois