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​Le Pays condamné pour un terrible accident au SDR de Moorea


Tahiti, le 2 juin 2020 - Le tribunal correctionnel de Papeete a condamné mardi la Polynésie française pour "blessures involontaires par personne morale suivies d’une incapacité supérieure à trois mois" à une amende d’1,5 million de Fcfp. Cette condamnation fait suite à la chute d’un employé du service du développement rural de Moorea dans l’exercice de ses fonctions le 17 mars 2016 et à l’issue de laquelle la victime avait eu la moelle épinière sectionnée.
 
Le 17 mars 2016, un quadragénaire employé polyvalent au service du développement rural (SDR) de Moorea était tombé d’un toit alors qu’il était en train de colmater des fuites. L’homme avait été très lourdement blessé par sa chute de plus de trois mètres, puisque sa moelle épinière avait été sectionnée et qu’il s'était retrouvé paraplégique. La victime avait décidé de porter plainte contre son supérieur hiérarchique qui venait de prendre ses fonctions en qualité de chef d’antenne au SDR de l’île sœur.
 
Une enquête avait été ouverte afin de déterminer si d’éventuels manquements avaient pu concourir à l’accident et un juge d’instruction avait ensuite été saisi. Entendu, l’employé du SDR avait expliqué qu'il n’avait ni gants ni masque le jour du drame. Il avait indiqué par ailleurs que son supérieur hiérarchique lui mettait la “pression” afin que les fuites soient rapidement réparées. Auditionné à son tour, le chef d’antenne du SDR, placé sous le statut de témoin assisté, avait apporté une version discordante et affirmé qu’il avait strictement interdit à son subordonné de monter seul sur le toit.
 
Indemnités provisionnelles
 
Sept mois après le drame, un rapport de l’inspection du travail avait rappelé qu’un travailleur ne doit jamais être seul afin de pouvoir être rapidement secouru et que la direction du SDR n’avait jamais donné de consignes ou d’équipements appropriés à son employé polyvalent.
 
Ce fait divers lourd de conséquence a été jugé mardi devant le tribunal correctionnel en l’absence de la victime. Cette dernière ne s’était en effet pas constituée partie civile puisqu’elle avait déjà eu gain de cause devant le tribunal du travail. Cette juridiction lui a alloué 8 millions de Fcfp d’indemnités provisionnelles dans l’attente du résultat d’une nouvelle expertise portant sur le préjudice subi par la victime qui avait été hospitalisé pendant plus de 400 jours.
 
Une vie qui “bascule”
 
Le procureur de la République, qui a requis une amende d’1,5 million de Fcfp à l’encontre de la Polynésie française, a affirmé qu’il y avait eu “beaucoup de flou dans le management de ce service à différents niveaux” et que le délit caractérisé était imputable au Pays. Le représentant du ministère public a également eu quelques mots pour la victime dont la vie a basculé et qui n’a désormais “plus de jambes, plus de projets et plus d’emploi”. L’homme était employé au SDR depuis 1983.
 
Incompréhension pour le conseil du Pays, Me Gilles Jourdainne, qui s’est étonné lors de sa plaidoirie que l’on n’ait seulement cherché à établir la “responsabilité d’une personne morale” sans poursuivre le chef d’antenne du service qui était le supérieur direct de la victime.
 
Après en avoir délibéré, le tribunal correctionnel a suivi les réquisitions du parquet en condamnant le Pays à une amende d’1,5 million de Fcfp.

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 2 Juin 2020 à 13:53 | Lu 5972 fois