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​La probité de Temaru martelée à la barre


PAPEETE, 20 juin 2019 - La défense a fait citer treize témoins, jeudi, dans l’affaire Radio Tefana avec l’objectif de rendre compte au tribunal de la personnalité du leader indépendantiste Oscar Temaru et de ses vertus d’humain et de politicien.
 
Treize témoins se sont succédé à la barre jeudi après-midi en marge du procès de l’affaire Tefana : la conseillère municipale et ancienne représentante Tahoera’a, Elise Vanaa, l'ex-élue UPLD Tea Hirshon, le représentant Tavini Anthony Geros, le député Moetai Brotherson, l’ancien sénateur Richard Tuheiava, la représentante Chantal Galenon, la directrice générale des services de Faa'a Vanina Crolas qui "ne comprend pas "pourquoi on en est là"… Tous ont apporté le témoignage d’un Oscar Temaru au-dessus de tout soupçon. Le casier judiciaire du maire de Faa’a comporte deux mentions. Une amende en 2003 pour franchissement de ligne continue et une condamnation pour diffamation envers un particulier, en 2005.

Cela mis à part, "c’est un homme de conviction et de cœur. Une sommité. Le Mandela polynésien", a insisté Chantal Galenon en décrivant une personne ouverte d’esprit et très respectueuse de son prochain. "C’est un père pour sa commune", ose même la conseillère d'opposition Elise Vanaa. Tour à tour, Oscar Temaru a été décrit comme un homme habité par un idéal et au comportement irréprochable "quitte à rembourser ses communications personnelles faites avec le téléphone de la mairie". Pendant quatre heures, chaque témoin a martelé à la barre les vertus de probité de l’élu.

Le tribunal a eu du mal à faire surgir de son instruction à l’audience l’évidence du délit de prise illégale d’intérêt pour lequel le premier magistrat de Faa’a est renvoyé en correctionnelle dans l’affaire Radio Tefana avec le risque d'écoper d'une peine d'inéligibilité. Le procès ouvert mardi devait s’étaler sur une demi-journée. Il s’achèvera finalement vendredi après quatre jours d’audition.

Jeudi matin, le tribunal a entendu Vito Maamaatuaiahutapu et Heinui Le Caill. Tous deux ont successivement présidé le conseil d’administration de l’association Te Reo o Tefana. Le premier de 2010 à 2014 avant que ne lui succède Heinui Le Caill. Les deux hommes sont prévenus du délit de recel de prise illégale d’intérêt.

Aucun enregistrement dans le dossier

L’enquête diligentée par le parquet, qui vaut aujourd’hui au leader indépendantiste de s’expliquer devant les juges, tente globalement d’articuler deux éléments pour établir le délit pénal : Radio Tefana est un organe de propagande politique mis à profit pour la promotion de l’idéal souverainiste et de la lutte anti-nucléaire ; la mairie de Faa’a a versé, dans ce cadre, entre 20 et 25 millions de Fcfp par an de subventions et mis à disposition de l'association jusqu’à sept agents non-fonctionnaires sous contrat avec la commune.

Pour ce qui est du caractère propagandiste de la radio, Vito Maamaatuaiahutapu et Heunui Le Caill l’ont expliqué à la barre : il s’agit d’une idée reçue. Et la conseillère municipale Tahoera'a Elise Vanaa d'enfoncer, dans l'après-midi : "l'antenne est ouverte à toutes les sensibilités politiques". Heinui Le Caill a d’ailleurs donné la grille type de la radio qu’il préside : la matinée débute peu avant 6 heures par une parabole religieuse, "pour inciter les auditeurs à méditer". Suit une émission musicale de 6 à 9 heures avec dédicaces, puis la diffusion de 30 minutes de communiqués municipaux, facturés à la commune ; une autre émission musicale ; le journal de la mi-journée ; et des émissions musicales avec possibilité de laisser des dédicaces dans l’après-midi. "Personne n’a fait l’effort d’écouter la radio durant l’enquête", a souligné Me Vincent Dubois, l’avocat de Vito Maamaatuaiahutapu. "lI n’y pas un enregistrement, dans le dossier, pas même un seul témoignage d’auditeur", a renchéri Me Dominique Antz pour appuyer l’idée d’un postulat affirmé par l'accusation sans le moindre élément. "Sans preuve que les messages propagandistes existent, je ne sais pas où on va", s’est inquiété Richard Tuheiava, entendu comme témoin.

Pour ce qui est des employés mis à disposition par la commune, tous ont été rapatriés, dès 2010, sous le giron du service communication de Faa’a. Deux employés de ce même service étaient restés dans les locaux parce qu’en charge de la diffusion des messages communaux. Depuis lors, c’est-à-dire quelques mois après le signalement fait par la chambre territoriale des comptes dans le rapport d’observations définitives à l’origine de toute cette affaire, tous les versements pécuniaires faits par la commune à la radio ont au préalable fait l’objet de conventions votées au conseil municipal, visées par la tutelle de l'Etat et payées par le Trésor.

La journée de jeudi s'est terminée, à l'heure où nous mettions sous presse, par la plaidoirie de la partie civile, représentée par Me Stanley Cross. Ce dernier a notamment insisté sur la coïncidence des calendrier politiques et judiciaires. La journée de vendredi refermera cette semaine de procès avec les très attendues réquisitions du parquet et les quatre plaidoiries de la défense.

​Quand le haut-commissaire saluait le pluralisme de Radio Tefana
 
Adolphe Colrat a été invité à plusieurs reprises pour s’exprimer sur les ondes de la radio municipale de Faa’a, durant son affectation en tant que haut-commissaire de la République en Polynésie française, de juillet 2008 à décembre 2010. A chaque fois, le représentant de l’Etat a laissé un petit mot en souvenir de son passage, dans le livre d’or de Radio Tefana. Comme ce jour de 2010, peu avant son départ de Polynésie, où il prend la peine d’écrire un long message de félicitation à l’équipe de la radio communale pour saluer "son ouverture d’esprit et sa conception exigeante d’un journalisme permettant à toutes les sensibilités de s’exprimer pleinement sans parti pris".
Cette pièce a été versée par la défense au dossier Tefana pour démolir la thèse d’une radio "organe de propagande" du Tavini Huiraatira.

Vannina Crolas, DGS adjointe à la mairie de Faa’a : "Les subventions, c’est dans le cadre de missions et de services que la radio rend à la commune"
 
"Le maire de Faa’a est quelqu’un de très respectueux de la loi. Il est même parfois plus méticuleux que nous les techniciens. C’est quelqu’un de respectueux des hommes et du droit. Je ne suis pas inquiète parce qu’on a attribué ces subventions dans le respect des réglementations qui s’imposent aux communes. On a versé ces subventions dans le cadre de conventions qui ont ensuite été validées sur des critères objectifs de service public. Dans d’autres communes, il n’y a pas ces procédures d’instruction aussi poussées des dossiers. Nous, on ne tient pas compte du parti du demandeur, de sa confession religieuse... On est objectifs. La radio est une association loi de 1901 qui a sa personnalité morale et sa liberté éditoriale. La partie ‘accession à la souveraineté et lutte anti-nucléaire’ relève de la liberté d’association. Nous, les subventions que nous versons, c’est bien dans le cadre de missions et de service que la radio rend à la commune. Ces missions sont fléchées et on vérifie que ces missions sont bien réalisées dans le cadre de notre convention. (…) Radio Tefana n’est pas un instrument de propagande pour le Tavini. C’est un instrument de propagande anti-nucléaire et pour la souveraineté. Mais il n’y a pas que le Tavini qui prône ces combats ! Et encore une fois, toutes ces actions idéologiques ne sont pas comprises dans la convention entre la commune et Te reo o tefana qui régit le versement de subventions uniquement pour des missions de service public."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 20 Juin 2019 à 19:53 | Lu 4563 fois