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​Fermes solaires : La "recevabilité" du référé d'Akuo en question


Tahiti, le 23 mars 2022 – La société française Akuo a contesté mercredi en référé son éviction de l'appel d'offres du Pays pour 30 MWc de fermes solaires avec stockage pour des problèmes de "sécurisations de son emprise foncière". Des arguments débattus face au Pays et aux sociétés lauréates, lors d'une audience durant laquelle la question de la "recevabilité" du recours d'Akuo a posé le plus de questions…
 
Trois semaines après le choix des quatre lauréats du premier appel à projets du Pays pour 30 MWc de fermes solaires avec stockage à Tahiti, le tribunal administratif de Papeete a examiné mercredi après-midi le recours en référé "pré-contractuel" –le terme a son importance– déposé par la société Akuo. Candidate malheureuse de l'appel à projets, la société métropolitaine contestait l'éviction de ses trois projets –tous situés à Toahotu à la Presqu'île– pour des problèmes d'emprises foncières "non sécurisées". De l'autre côté de la barre, le Pays et les trois sociétés lauréates des quatre projets de fermes solaires –Mahana O’Hiupe du groupe Siu, Manasolar du groupe Moux et deux projets d'Engie Renouvelables Polynésie– ont défendu au contraire le bien-fondé de la procédure.
 
Un problème de "recevabilité"
 
Avant d'attaquer la question foncière au cœur du dossier, c'est un problème de forme et de "recevabilité" de la requête qui a animé mercredi une bonne partie de débats à la barre du tribunal administratif. En effet, si la juridiction administrative polynésienne n'est compétente dans ce type de recours que pour juger des "marchés et contrats publics", la récente procédure d'appel à projets n'a fait que désigner les lauréats appelés à signer des contrats "de droit privé" avec le gestionnaire du réseau sur lequel sera raccordé leur installation : la Tep ou EDT. "On n'est pas dans le cadre d'un contrat public. L'appel à projet délivre une autorisation d'exploitation qui est un acte unilatéral", a défendu le Pays. L'avocat d'Akuo, s'il a concédé s'être "trompé sur (sa) requête introductive", a néanmoins longuement plaidé en faveur d'une reconnaissance du caractère de "montage contractuel" de l'appel à projets du Pays. Mais ce motif étant à lui-seul capable de faire capoter le recours d'Akuo, la société a d'ores et déjà prévenu qu'elle attaquerait également l'appel à projets dans un recours au fond si son référé était rejeté.
 
Sur la forme également, l'avocat d'Akuo a dénoncé le problème de la qualité du signataire de l'arrêté du 28 février dernier désignant les lauréats de l'appel à projets : le ministre de la Santé, Jacques Raynal, alors même que le ministre en charge de l'Énergie, Yvonnick Raffin, avait mené avec ses services la totalité de l'instruction de l'appel à projets. En effet, les deux derniers projets retenus par le Pays ont été déposés par une filiale d'Engie, ancien employeur du ministre Yvonnick Raffin lorsqu'il officiait chez EDT… Sauf que la parade avait visiblement été anticipée par le Pays dès la nomination du ministre en charge de l'Énergie au gouvernement. L'arrêté de nomination d'Yvonnick Raffin prévoyait explicitement dès 2020 qu'en cas de conflit d'intérêt dans le secteur de l'énergie, il puisse être suppléé dans ses décisions par le ministre de la Santé. Précision que n'a pas manqué de rappeler l'avocat des sociétés lauréates.
 
Le foncier au cœur du dossier
 
Sur le fond de l'affaire –la question du foncier– les débats ont ensuite tourné autour de la longue procédure d'instruction du Pays ces derniers mois, qui a débouché fin février sur l'éviction des trois projets d'Akuo. En effet, après avoir procédé à l'ouverture des plis en septembre dernier, le Pays avait réclamé des documents manquants attestant de la maîtrise foncière d'Akuo sur ses trois terrains de Toahotu. Les deux premiers pour des terres appartenant au Camica et le dernier pour un terrain propriété de la famille Nordhoff. En réponse aux demandes du Pays, Akuo avait fourni courant octobre au Pays une autorisation "provisoire" de propriété signée par Mgr Cottanceau et une attestation reconnaissant l'accord et la qualité de propriétaires de trois co-indivisaires de la famille Nordhoff.
 
Sauf qu'entre temps, le conseil d'administration de la mission catholique (Camica) a finalement refusé, courant février, de valider l'autorisation provisoire délivrée par Mgr Cottanceau. Une "volte-face" tardive dénoncée par Akuo mercredi la barre. Et que sur le dernier terrain, le Pays a estimé qu'en raison de l'existence d'un quatrième légataire de la famille Nordoff, l'attestation n'était pas suffisante pour garantir la sécurité foncière du projet. Le résultat de cette longue instruction a été explicité mercredi par la Polynésie française à la barre du tribunal : sept projets ont été éliminés, parmi lesquels les trois d'Akuo. "C'est à juste titre que l'administration a procédé à la vérification des pièces qui lui ont été données", a défendu l'avocat des sociétés lauréates. "Akuo s'est heurtée à un problème récurrent en Polynésie française. Celui d'avoir un foncier sécurisé."
 
Décision vendredi
 
Akuo a donc demandé au tribunal d'enjoindre le Pays à réintégrer ses trois projets à la procédure et à reprendre l'instruction, défendant avoir "l'offre la plus basse, la plus avantageuse" en terme de prix du kWh. Des prix si bas que "l'on se demande comment ça aurait été possible", a taclé l'avocat des sociétés lauréates. Le président du tribunal administratif a annoncé sa décision pour ce vendredi.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 23 Mars 2022 à 20:50 | Lu 1912 fois