Raiatea, le 4 septembre 2025 - Le site de Taputapuātea à Raiatea devrait bientôt adopter un nouveau plan de gestion intégrant la création éventuelle d'une “entité” nouvelle “capable de percevoir des revenus” indiquait Anatauarii Tamarii sur l’antenne de Radio 1, le mois dernier. Pour le responsable de la cellule patrimoine culturel de la Direction de la Culture, “la culture ne peut pas rester un investissement à perte”.
Il est le site le plus sacré de Polynésie et le berceau de la cosmogonie polynésienne. Il y a quelques semaines, il accueillait Hōkule'a. En juillet, lors du Heiva i Raromatai, il a été le théâtre de la signature d'une convention de partenariat culturel, éducatif et spirituel entre les territoires de Raiatea, Rapa Nui, Aotearoa et Hawai'i.
Reconnu monument historique en Polynésie française dès 1952, puis classé au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2017 – la plus prestigieuse des reconnaissances mondiales –, le marae Taputapuaāea enregistre désormais plus de 30.000 visiteurs par an, notamment lors des escales de paquebots de croisière qui amènent plusieurs centaines de personnes sur le site en une journée. S'y ajoutent les nombreux groupes, scolaires, culturels hawaiiens ou māori.
Gestation longue durée pour un nouveau plan
Le premier plan de gestion du site, élaboré lors du classement, couvrait la période 2017-2022. Depuis septembre 2023, ce plan est en révision. Parmi les objectifs figure le principe de “proposer un budget avec un calendrier” pour “réorienter les objectifs de préservation et de développement” du site pour la période 2025-2030, selon le représentant de la Direction de la culture et du patrimoine (DCP).
Une étude doit être lancée en octobre, pour une durée d'un an, afin de créer une structure dédiée à la gestion du site. À terme, cette entité ad hoc se substituerait à l'actuelle antenne locale de la DCP. La publication par la DCP, en début de mois, d'un appel d'offres pour une mission d’Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) en vue de “l’élaboration participative du futur plan de gestion du paysage culturel de Taputapuātea” semble confirmer cette orientation. Ces derniers jours, parmi les touristes, on pouvait observer sur le site des techniciens, plan à la main, déambulant sous la houlette de Raimana Teriitehau, écologue de la DCP. Peut-être faut-il y voir un signe précurseur de cette étude.
Un équilibre à trouver
Entre autres pistes évoquées par le représentant de la DCP, l'une a suscité de nombreuses réactions : la mise en place éventuelle d'un droit d'entrée pour le site afin de “percevoir des revenus”. Le motif avancé est celui “d'assurer le financement de l'activité de gestion du site” afin de “trouver une certaine sorte de balance entre la préservation du patrimoine et le développement économique du lieu”. Un modèle économique déjà largement répandu dans le monde : rares sont les monuments, qu'ils soient culturels ou religieux, dont l'entrée est libre. Y compris en Polynésie avec le musée de Tahiti et des îles, qui est payant.
Dès le classement du marae en 2017, cette éventualité avait été évoquée mais retoquée d'office par Richard Tuheiava, sans l'exclure totalement en cas de nécessité de financements. Il était alors président de l'association Ma Papa e Va'u qui avait porté le dossier pour le classement à l'Unesco.
Consulté sur le financement du site, un porte-parole de l'institution onusienne a clairement indiqué que le site “ne reçoit actuellement aucune contribution financière de l'Unesco” et a précisé “qu'à ce jour [il] n’a jamais nécessité de suivi particulier (suivi réactif) et aucune demande d'assistance internationale n'a été formulée”. Ce sont donc bien “les autorités locales et nationales [qui] assurent la gestion, la surveillance et la préservation du site”. L'Unesco “se tient néanmoins à la disposition des gestionnaires de sites et des autorités locales et nationales et leur fournit différents manuels de référence pour optimiser la gestion du bien” (Voir ici). Il n'y a donc aucun apport financier de l’institution internationale et la gestion incombe aux pouvoirs publics locaux. Quelques données budgétaires officielles permettant une meilleure compréhension des ressources et des besoins seraient d’ailleurs bienvenues.
Déléguer la gestion sans tomber dans le ridicule
Rien n'est donc encore assuré et les réflexions s’annoncent longues. Sur place, les avis divergent. Du côté de l'Albert, alias Albert Guilloux-Chevalier, “passeur d'histoire” selon sa propre définition et bien connu de Raiatea, le classement à l'Unesco s'est révélé très bénéfique : “Le site est propre, bien entretenu, beaucoup plus fréquenté par les touristes étrangers mais aussi par les locaux.” Tihoti, guide bien connu et maître de cérémonie au marae, partage ce constat : “Depuis le classement, le site est mieux sécurisé : les gens ne montent plus sur le marae ; ils ne déplacent pas les pierres et n'écrivent plus dessus.”
Quant à l'option d'imposer un droit d'entrée pour accéder au marae, Albert Guilloux-Chevalier adopte une approche nuancée : il reconnaît que la mesure peut apparaître “choquante à son énoncé”, mais elle est nécessaire “pour assurer l'entretien du site, son gardiennage et la logistique”. Cette mesure devra faire l'objet “d'une convention avec une association culturelle sérieuse pour en assurer la gestion avec subvention du gouvernement, car ce sera une gestion très lourde”. Tihoti se montre plus réservé et s'inquiète des implications lors des cérémonies. Il s’interroge : “On va devoir payer pour faire des cérémonies avec nos cousins māori ou hawaiiens ? Ce serait ridicule.”
Préserver la gratuité pour les Polynésiens
Une inquiétude que partagent aussi les touristes rencontrés sur place. Amandine, 36 ans, venue de Bordeaux, estime que “ce serait normal que ce soit payant si c'est pour entretenir le site.” Maeva, 26 ans, venue de Toulouse, et sa mère Roselyne partagent le même point de vue : “Si l'argent sert à améliorer le lieu : oui. Cela manque d'informations actuellement. Certains panneaux sont illisibles et sur le document qu'on a eu à l’entrée, il n'y a pas beaucoup de renseignements. Mais il faut que ça reste à un prix raisonnable : 3 à 4 euros (environ 450 francs) voire un peu plus, jusqu’à 10 € (1200 francs) maximum” estime Maeva. “Il faut faire attention à ne pas faire fuir les gens avec le prix, car ici la vie et les activités coûtent déjà très cher. Mais il faut que ça reste gratuit pour les Polynésiens. C'est un lieu sacré. C'est à eux.” Et de relever au passage : “Mais si ça devient payant, il va falloir clôturer et ça va dénaturer le lieu.”
Il est le site le plus sacré de Polynésie et le berceau de la cosmogonie polynésienne. Il y a quelques semaines, il accueillait Hōkule'a. En juillet, lors du Heiva i Raromatai, il a été le théâtre de la signature d'une convention de partenariat culturel, éducatif et spirituel entre les territoires de Raiatea, Rapa Nui, Aotearoa et Hawai'i.
Reconnu monument historique en Polynésie française dès 1952, puis classé au patrimoine mondial de l’Unesco en juillet 2017 – la plus prestigieuse des reconnaissances mondiales –, le marae Taputapuaāea enregistre désormais plus de 30.000 visiteurs par an, notamment lors des escales de paquebots de croisière qui amènent plusieurs centaines de personnes sur le site en une journée. S'y ajoutent les nombreux groupes, scolaires, culturels hawaiiens ou māori.
Gestation longue durée pour un nouveau plan
Le premier plan de gestion du site, élaboré lors du classement, couvrait la période 2017-2022. Depuis septembre 2023, ce plan est en révision. Parmi les objectifs figure le principe de “proposer un budget avec un calendrier” pour “réorienter les objectifs de préservation et de développement” du site pour la période 2025-2030, selon le représentant de la Direction de la culture et du patrimoine (DCP).
Une étude doit être lancée en octobre, pour une durée d'un an, afin de créer une structure dédiée à la gestion du site. À terme, cette entité ad hoc se substituerait à l'actuelle antenne locale de la DCP. La publication par la DCP, en début de mois, d'un appel d'offres pour une mission d’Assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) en vue de “l’élaboration participative du futur plan de gestion du paysage culturel de Taputapuātea” semble confirmer cette orientation. Ces derniers jours, parmi les touristes, on pouvait observer sur le site des techniciens, plan à la main, déambulant sous la houlette de Raimana Teriitehau, écologue de la DCP. Peut-être faut-il y voir un signe précurseur de cette étude.
Un équilibre à trouver
Entre autres pistes évoquées par le représentant de la DCP, l'une a suscité de nombreuses réactions : la mise en place éventuelle d'un droit d'entrée pour le site afin de “percevoir des revenus”. Le motif avancé est celui “d'assurer le financement de l'activité de gestion du site” afin de “trouver une certaine sorte de balance entre la préservation du patrimoine et le développement économique du lieu”. Un modèle économique déjà largement répandu dans le monde : rares sont les monuments, qu'ils soient culturels ou religieux, dont l'entrée est libre. Y compris en Polynésie avec le musée de Tahiti et des îles, qui est payant.
Dès le classement du marae en 2017, cette éventualité avait été évoquée mais retoquée d'office par Richard Tuheiava, sans l'exclure totalement en cas de nécessité de financements. Il était alors président de l'association Ma Papa e Va'u qui avait porté le dossier pour le classement à l'Unesco.
Consulté sur le financement du site, un porte-parole de l'institution onusienne a clairement indiqué que le site “ne reçoit actuellement aucune contribution financière de l'Unesco” et a précisé “qu'à ce jour [il] n’a jamais nécessité de suivi particulier (suivi réactif) et aucune demande d'assistance internationale n'a été formulée”. Ce sont donc bien “les autorités locales et nationales [qui] assurent la gestion, la surveillance et la préservation du site”. L'Unesco “se tient néanmoins à la disposition des gestionnaires de sites et des autorités locales et nationales et leur fournit différents manuels de référence pour optimiser la gestion du bien” (Voir ici). Il n'y a donc aucun apport financier de l’institution internationale et la gestion incombe aux pouvoirs publics locaux. Quelques données budgétaires officielles permettant une meilleure compréhension des ressources et des besoins seraient d’ailleurs bienvenues.
Déléguer la gestion sans tomber dans le ridicule
Rien n'est donc encore assuré et les réflexions s’annoncent longues. Sur place, les avis divergent. Du côté de l'Albert, alias Albert Guilloux-Chevalier, “passeur d'histoire” selon sa propre définition et bien connu de Raiatea, le classement à l'Unesco s'est révélé très bénéfique : “Le site est propre, bien entretenu, beaucoup plus fréquenté par les touristes étrangers mais aussi par les locaux.” Tihoti, guide bien connu et maître de cérémonie au marae, partage ce constat : “Depuis le classement, le site est mieux sécurisé : les gens ne montent plus sur le marae ; ils ne déplacent pas les pierres et n'écrivent plus dessus.”
Quant à l'option d'imposer un droit d'entrée pour accéder au marae, Albert Guilloux-Chevalier adopte une approche nuancée : il reconnaît que la mesure peut apparaître “choquante à son énoncé”, mais elle est nécessaire “pour assurer l'entretien du site, son gardiennage et la logistique”. Cette mesure devra faire l'objet “d'une convention avec une association culturelle sérieuse pour en assurer la gestion avec subvention du gouvernement, car ce sera une gestion très lourde”. Tihoti se montre plus réservé et s'inquiète des implications lors des cérémonies. Il s’interroge : “On va devoir payer pour faire des cérémonies avec nos cousins māori ou hawaiiens ? Ce serait ridicule.”
Préserver la gratuité pour les Polynésiens
Une inquiétude que partagent aussi les touristes rencontrés sur place. Amandine, 36 ans, venue de Bordeaux, estime que “ce serait normal que ce soit payant si c'est pour entretenir le site.” Maeva, 26 ans, venue de Toulouse, et sa mère Roselyne partagent le même point de vue : “Si l'argent sert à améliorer le lieu : oui. Cela manque d'informations actuellement. Certains panneaux sont illisibles et sur le document qu'on a eu à l’entrée, il n'y a pas beaucoup de renseignements. Mais il faut que ça reste à un prix raisonnable : 3 à 4 euros (environ 450 francs) voire un peu plus, jusqu’à 10 € (1200 francs) maximum” estime Maeva. “Il faut faire attention à ne pas faire fuir les gens avec le prix, car ici la vie et les activités coûtent déjà très cher. Mais il faut que ça reste gratuit pour les Polynésiens. C'est un lieu sacré. C'est à eux.” Et de relever au passage : “Mais si ça devient payant, il va falloir clôturer et ça va dénaturer le lieu.”





































