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​Détenus cherchent emploi


Tahiti, le 9 mars 2024 – Formés à l'atelier Bois du centre de détention de Tatutu depuis plusieurs mois, sept hommes actuellement détenus se sont entretenus vendredi avec plusieurs entrepreneurs de Tahiti. Une session de job dating qui vise à préparer leur sortie en obtenant un emploi dans le domaine de la menuiserie.

Ils ont joué le jeu. Plusieurs entrepreneurs spécialisés dans le domaine de la construction ou de la menuiserie se sont rendus, vendredi matin, au centre de détention de Tatutu pour s'entretenir avec sept détenus qui ont été formés à l'atelier Bois de la prison. Pour ces hommes, amenés à sortir prochainement, l'enjeu était de taille puisqu'il s'agissait d'obtenir un emploi dans un domaine dans lequel ils peuvent désormais se prévaloir d'une certification. À l'image de Teva, qui était incarcéré en Nouvelle-Calédonie et qui a demandé son transfert à Tatutu afin de suivre cette formation. 
 
Tel que l'explique Mickael Lucas, le responsable du travail, de la formation professionnelle et des activités à Tatutu, cette formation a été mise en place car il y avait un “besoin à l'extérieur” et que l'établissement en avait“la possibilité sur le plan technique”. “L'intérêt de cette formation est de pouvoir travailler avec des partenaires, des entreprises, et faire connaître la prison et les personnes détenues à l'extérieur. Pour ces dernières, c'est une possibilité d'embauche, voire de création d'entreprises.”
 

“Seconde chance”

Mickael Lucas, responsable du travail, de la formation professionnelle et des activités au centre de détention de Tatutu.
Mickael Lucas, responsable du travail, de la formation professionnelle et des activités au centre de détention de Tatutu.
Pour Mickael Lucas, la prévention de la récidive et la réinsertion constituent “l'essence même” de son métier, un travail qu'il exerce avec conviction. “Comme tout un chacun, lorsque l'on se présente devant une entreprise et que l'on est certifié, on a plus de chance d'obtenir un emploi si l'on est opérationnel tout de suite. Les personnes formées à l'atelier Bois vont pouvoir mettre en avant les compétences, certifications et diplômes acquis ici, au centre de détention, pour trouver un emploi à l'extérieur et se réinsérer. Je tiens à remercier les partenaires extérieurs qui viennent ici – qui jouent le jeu – et qui participent à ce processus de deuxième chance. Le Territoire nous aide aussi à mettre en place des projets concrets.”
 
Présent lors de cette session de job dating, le cogérant de la société A.D.N constructions, Vincent Gerber, constate que “beaucoup d'efforts ont été faits par ces menuisiers” : “C'est une belle expérience pour eux de pouvoir se réorienter sur ce métier du bois qui est en pleine expansion aujourd'hui à Tahiti. Nous soutenons ce projet de réinsertion de personnes qui sont dans le besoin. De plus, il est difficile de trouver des personnes qualifiées et motivées qui ont envie d'avancer.” Aucun a priori pour ce chef d'entreprise quant au fait d'engager d'anciens détenus : “Tout le monde a droit de faire une erreur et tout le monde a droit à une seconde chance. Ces hommes le prouvent en participant à cet atelier. Ils sont là de leur plein gré et c'est déjà très important. Ces personnes sont là car elles ont envie d'être là et pour l'entreprise, cette motivation est intéressante.”
 

“Préparer l'avenir”

À la tête du centre de détention de Tatutu depuis le mois de septembre, Virginie Tanquerel s'attache à ce que les personnes détenues sortent de prison avec un “projet de vie”, loin de la “délinquance” et des “mauvaises fréquentations”

Est-ce que vous vous inscrivez dans la lignée de votre prédécesseur, Vincent Vernet, qui était très engagé en matière de réinsertion ?

“Tout à fait. L'incarcération est une chose ; mais la préparation à la sortie et la réinsertion des personnes détenues, pour les personnes volontaires, est une chose essentielle. Elles doivent profiter de leur peine pour apprendre un métier, se soigner, apprendre à lire et à écrire, s'investir et préparer l'avenir et celui de leurs enfants.”
 
Quel constat faites-vous au terme de cette formation ?

“Ces personnes sont parties de rien car elles n'avaient pas de connaissances en menuiserie. Elles ont appris le b.a.-ba grâce à notre expert qui les as formés durant une année. Elles ont pu réaliser de petits objets au départ, puis de plus gros objets très particuliers et ont même participé à la réalisation de fauteuils pour les salons VIP de l'épreuve de surf des Jeux olympiques. C'est un peu le bouquet final pour nous. Elles auront donc un métier à la sortie. Elles ont désormais des étoiles dans les yeux et une passion qu'elles n'avaient pas auparavant.”
 
Plus largement, quels sont vos objectifs principaux ?

“Nous souhaitons accueillir les personnes dont on a la charge et profiter du temps de leur peine pour qu'elles puissent se former, apprendre un métier et ressortir avec un projet de vie en dehors de la délinquance ou des mauvaises fréquentations qu'elles pouvaient avoir auparavant. On peut bien vivre en Polynésie et y travailler si l'on a un métier. Aujourd'hui, c'est une formation de l'atelier Bois ; mais nous avons aussi une formation agricole ou d'agent de propreté et d'hygiène. Ces formations permettent de préparer l'avenir des personnes qui sont incarcérées. C'est mon objectif principal.”
 
Souvent qualifié de “prison modèle”, le centre de détention de Tatutu présente t-il des avantages par rapport à d'autres établissements pénitentiaires ?

“Par rapport à d'autres établissements, nous avons effectivement de gros moyens pour préparer la sortie des personnes détenues. Le tout est de les motiver pour comprendre qu'à l'extérieur, on peut vivre peut-être plus chichement mais avec un métier et une famille dans un cadre plus serein.”
 

Rédigé par Garance Colbert le Samedi 9 Mars 2024 à 23:08 | Lu 3609 fois