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​“Moruroa ne peut pas être rétrocédé”


Tahiti, le 1er décembre 2021 - Une délégation composée des membres de la commission d'information auprès des anciens sites d'expérimentation nucléaire du Pacifique s'est rendue mercredi sur l'atoll de Moruroa. Le discours tenu par les représentants de l'État reste inchangé : il n'y a “aucun danger”. Parmi les invités, seule l'association 193 est restée dubitative.
 
C'est une visite au pas de charge qui a été organisée par la commission d'information auprès des anciens sites d'expérimentation nucléaire du Pacifique mercredi sur l'atoll de Moruroa. Le haut-commissaire, le contre-amiral, le Délégué à la sûreté nucléaire, le chargé de mission auprès du Premier ministre depuis la “table ronde”, le directeur de cabinet de la ministre déléguée à la Mémoire et aux Anciens combattants, les associations 193 et Tamari'i Moruroa, la maire de Hao, et plusieurs journalistes ont été invités à s'envoler sur place en Casa pour une “visite de terrain”. Principaux sites présentés par les autorités de l'État et de l'Armée : le site Denise, la zone PS3 ou encore le banc Colette et les “failles” visibles sur le platier.
 
Le Délégué à la sûreté nucléaire, François Bugaut l'a affirmé pendant la visite, l'atoll de Moruroa ne pourra être “rétrocédé” au Pays. Ceci pour deux raisons “essentielles” : Le banc Colette qui abrite “quelques kilos de plutonium en surface et également quelques kilos en sous-sol”. Des matériaux radioactifs qui ne représentent “aucun danger”, selon le Délégué qui préconise tout de même de ne pas se rendre sur place en raison du “risque résiduel” d'en “avoir sur nos chaussures”. Pour cela Moruroa doit être surveillé par l'armée, précise le Délégué, pour “éviter tout risque”. La seconde raison pour laquelle l'atoll ne peut-être rétrocédé, c'est la présence “d'informations proliférantes” dans les “puits” abritant encore des matériaux radioactifs. Ceci pour éviter que “les puissances étrangères ne récupèrent ces informations pour développer un armement nucléaire”.
 
Failles et loupes
 
Les images ont déjà été diffusées, l'atoll de Moruroa regorge de failles parfois très longues. “Tous les atolls en ont”, assure François BugaultIl explique que le système Telsite de surveillance géomécanique a été installé sur l'atoll car lorsque les essais ont eu lieu : “il y avait un peu de mouvement dans le calcaire”. Le Délégué estime pourtant que le risque d'effondrement d'une “loupe” avec pour conséquence la formation d'une vague est “extrêmement faible”. Et si cela devait arriver, l'atoll de Tureia à 100 km ne sera atteint que par une vague de l'ordre de 50 centimètres avec un “préavis de plusieurs semaines”. Tout aussi “hautement improbable”, assure le Délégué, est le “risque environnemental” si une fuite de plutonium en cas d'effondrement d'une partie de l'atoll venait à se produire. Il explique que l'effet de “dilution” avec les courants marins sera “immédiate”. “On arriverait même pas à déceler la présence du plutonium (…). Il n'y a pas lieu d'en être inquiet”.
 
“Tout va bien dans le meilleur des monde”
 
C'est la première fois que la vice-présidente de l'association 193, Léna Normand, faisait le déplacement à Moruroa. Une “découverte” pour cette dernière. Elle rappelle que tout a commencé il y a 55 ans avec le premier tir aérien Aldébaran. Et si elle reconnait qu'il y a eu un “boom économique”, elle tique surtout sur de longues années “d'omerta sur les conséquences sanitaires et les souffrances des familles à travers les essais nucléaires”.
 
Léna Normand auraient d'ailleurs préféré s'attarder sur l'état des failles de l'atoll, plutôt que les performances du système de géosurveillance. “L'important pour eux ce sont les milliards qui ont été injectés dans le système Telsite, c'est toute la surveillance qui est faite”, s'est désolée la militante. Une observatrice restée très dubitative quant aux explications données par rapport à la dilution du plutonium dans l'océan, ou sur l'absence de risque environnemental. “Donc, tout va bien dans le meilleur des mondes ? Ils maîtrisent le mouvement tectonique. Ils sont très forts”, raille la vice-présidente de 193. “On ne peut pas croire que tout va bien”.
 
Découverte et redécouverte
 
Également présent pour représenter l'association Tamari'i Moruroa, Edmond Teiefitu connaît bien l'atoll. Il a travaillé pendant 30 ans dans la sûreté du Commissariat à l'énergie atomique (CEA). “Cela me fait plaisir de revoir Moruroa”. Visiblement loin des préoccupations de sa collègue, Edmond Teiefitu s'est ému de ce que ce déplacement lui ait rappelé sa “jeunesse”. Il faisait alors de la pirogue, ou encore de la plongée dans le lagon de Moruroa. “La nature a repris sa place, je suis content”.
 
Même découverte pour la tāvana de Hao, Iseult Bustcher. Beaucoup de membres de sa famille, dont son père, ont travaillé sur place. “Je comprends maintenant pourquoi ils aimaient cet atoll. C'est un bel atoll, il n'est pas pollué. Ils nous ont tout expliqué et c'est clair”.
 
La commission s'est d'ailleurs ensuite rendue mercredi à Hao, où une réunion publique devait se tenir avec la population sur le sujet de la dépollution des terres de la base avancée du Centre d'expérimentation du Pacifique.
 


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 1 Décembre 2021 à 20:51 | Lu 4933 fois